Les jappements de la meute médiatique qui somme tout un chacun de se prononcer pour Emmanuel Hollande, à moins que ce ne soit pour François Macron, sous peine de se faire traiter de « facho » et d’autres noms d’oiseaux sont aujourd’hui assourdissants. Cette meute pratique donc le « jappellisme », néologisme qui rappelle les jappements des chiens. Et, ce faisant, elle vérifie l’aphorisme selon lequel le chien ne mord jamais la main qui le nourrit…
Pourtant cette même meute se garde bien d’analyser ce qu’il y a derrière l’arrivée de Mme Marine le Pen au second tour de l’élection présidentielle. Croyant que bien souvent un bon graphique vaut de bons discours, je porte donc à la connaissance des lecteurs, mais aussi des membres de cette meute qui voudraient en prendre connaissance, les cartes suivantes.
Une comparaison instructive
La première que je le reproduis ici, derrière son aspect « vintage » (eh oui, il fut un temps où l’on n’utilisait pas les couleurs produites par un ordinateur), montre l’état de l’industrialisation de la France à la fin des années 1950.
Cette carte indique bien quelles étaient les zones de développement de l’industrie durent les « trente glorieuses ». Il convient maintenant de la comparer à la carte des résultats du 1er tour de l’élection présidentielle de 2017. Et là, surprise, surprise, on constate le quasi-recoupement entre le vote en faveur de Marine Le Pen et la première carte.
Résultats publiés par le ministère de l’Intérieur:
Bien entendu, cette corrélation entre les deux cartes n’est pas parfaite. Les régions de la Drome qui se développeront dans les années 1960 ne figurent pas sur la première carte ni l’industrialisation de la vallée de la Garonne, hors l’industrie aéronautique autour de Toulouse. Inversement, on voit bien la forte présence du vote pour Marine le Pen dans des régions plus rurales. Si la crise de l’industrie n’est clairement pas le seul facteur explicatif, si d’autres facteurs doivent donc être pris en compte, comme l’histoire de la Résistance qui explique sans doute les très faibles résultats de Marine le Pen dans le Limousin, la configuration générale de ces deux cartes apparaît bien trop similaire pour qu’elle ne soit due qu’à une coïncidence.
Pas de hasard en économie
Ce sont donc les zones d’ancienne industrialisation, les zones qui ont été le plus touchées par l’impact de la mondialisation puis par l’impact de l’euro, qui ont fourni à Marine Le Pen ses meilleurs résultats.
Il convient ici de rappeler que les différentes phases d’instauration du libre-échange n’ont nullement pris en compte la différence des coûts salariaux (et des cotisations sociales) qui est largement le produit de l’histoire politique et sociale de chaque pays. On peut en dire de même des différences en matière de réglementation environnementale. Le libre-échange met ainsi en compétition des histoires sociales différentes, les tirant toutes vers le bas, et non pas des projets entrepreneuriaux. C’est la justification essentielle de formes de protectionnisme « intelligent », ou « solidaire » voire « altruiste », comme je les ai défendues dans mon ouvrage La Démondialisation[1], après Bernard Cassen, et avant Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg et bien entendu Marine le Pen. Mais, qu’importe sur ce point qui a lancé l’idée. Elle est bonne et elle s’impose si one ne veut que les travailleurs soient contraints d’accepter les normes et les salaires les plus bas.
Et l’euro dans tout ça?
La mise en œuvre de l’Euro est venue considérablement aggraver la situation. L’Euro favorise l’Allemagne en permettant à ce pays de sous-estimer sa monnaie et défavorise des pays comme la France et l’Italie en les obligeant à avoir une monnaie surévaluée. Ceci a été démontré dans un document du Fond Monétaire International de l’été 2016. De plus, l’Euro a été longtemps fortement surévalué par rapport au Dollar américain, qui est la monnaie de référence de nombreux pays, non seulement bien évidemment des Etats-Unis mais aussi de la Chine et globalement de la « zone Dollar ». Cette surévaluation a eu, en particulier pour l’industrie française, des conséquences désastreuses. Ces deux effets combinés ont conduit les entreprises non seulement à perdre des marchés à l’export mais aussi à souffrir plus que nécessaire face à la concurrence sur le marché intérieur. Ces deux effets expliquent largement la désindustrialisation de la France, et par conséquence la crise sociale que l’on connaît dans les régions d’industrialisation traditionnelle.
Avec l’ensemble des économistes qui combattent l’Euro, ce sont ces effets que l’on vise, même s’ils ne sont pas les seuls effets négatifs engendrés par l’Euro. Les conséquences politiques de l’Euro sont tout aussi graves.
Il n’y a donc rien de fortuit dans le quasi-recoupement entre ces deux cartes. Et il n’y a rien de fortuit dans la montée du vote en faveur de Marine le Pen, un vote qui traduit la révolte des milieux populaires qui ont été délibérément sacrifiés par les élites politiques de ce pays, que ce soit pour des raisons de profit financier (en ce qui concerne la droite) ou que ce soit pour des raison idéologiques (pour le P « S » et le PCF). Dès lors, japper contre ceux qui se refusent à un futile et inutile « Front républicain » et hurler à une prétendue « menace fasciste », c’est ajouter l’insulte à la blessure ; c’est un comportement d’une absolue indécence. Cela n’empêchera pas les journalistes aux ordres de l’élite politique et des oligarques qui détiennent les « grands médias », de poursuivre. Comme on l’a dit, on vérifie ici l’aphorisme de la Rochefoucauld « le chien ne mort pas la main qui le nourrit ». Mais cela justifie totalement la position de la « France Insoumise » et de Jean-Luc Mélenchon qui se refuse, avec courage, à mêler sa voix à ce concert d’aboiements.
Retrouvez cet article sur le blog de Jacques Sapir.
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