Si je ne craignais pas les foudres de ma consœur Eugénie Bastié, qui connaît ses classiques politiques et n’est pas très fan de l’actuel maire de Bordeaux, je dirais « qu’elle est probablement la meilleure d’entre nous ». Nous, ce sont tous ceux qui ont fait partie un jour ou l’autre de l’aventure Causeur. Et pourtant, je n’exagérerais pas. Arrivée il y a quelques années comme journaliste-stagiaire dans notre équipe, elle a fait depuis son chemin et a déjà rencontré le grand public en exécutant Jacques Attali en trois formules et deux sourires sur le plateau de Taddéi, ou en participant parfois aux débats des « Informés » sur France Info.
Eugénie Bastié n’a que vingt-quatre printemps et elle publie déjà son premier essai, paru cette semaine aux éditions du Cerf. Et comme la rumeur bruissait déjà, c’est au néo-féminisme que la rédactrice en chef politique de l’excellente revue d’écologie intégrale Limite s’attaque, d’une plume alerte, précise, parfois cruelle. Adieu Mademoiselle, la défaite des femmes est dédié au rire de Simone de Beauvoir apprenant que Najat Vallaud-Belkacem est entrée au gouvernement. C’est peu dire que de l’actuelle ministre de l’Education nationale, passée en début de quinquennat aux droits des femmes, il est souvent question dans l’ouvrage. Pour Bastié, elle incarne à merveille la schizophrénie d’un néo-féminisme qui souhaite abolir la prostitution en 2013 après s’être prononcée pour la GPA en 2010, au nom de la liberté pour les femmes de disposer de leur corps.
La plume aiguisée, mais le propos pesé
Des obsédées de l’éradication des marques patriarcales dans nos syntaxe et grammaire, à l’idéologie du genre en passant par le féminisme-spectacle des Femen, les dangers du transhumanisme et l’intersectionnalité des luttes, l’auteur décortique le mouvement féministe contemporain. Eugénie Bastié aborde également avec finesse ce moment de vérité constitué par la nuit de Cologne, la question brûlante du voile islamique à laquelle elle donne la réponse du statu quo (interdit à l’école, autorisé à l’université et pour les mères accompagnant des sorties scolaires). Se plaçant dans les pas de Pasolini, elle réfléchit aussi à la question taboue de l’avortement, rappelant à juste titre que la loi sur l’IVG constituait dans la lettre et l’esprit de son auteur un texte de santé publique et non l’octroi d’un droit.
Ceux qui la liront s’en rendront compte de manière éclatante : Eugénie Bastié n’est pas la caricature qu’on dépeint dans certaines colonnes depuis qu’elle a l’audace d’être invitée sur les plateaux de télé. La plume est aiguisée mais le propos est pesé. Elle est parfois là où on ne l’attend pas forcément, confessant sa consternation lorsqu’elle entre dans nos magasins de jouets qui n’ont jamais été aussi genrés, elle qui préférait petite fille grimper dans les arbres et revêtir des tenues de chevaliers. Je ne sais si, dans son enfance dans le Sud-Ouest, on lui a offert un jour une panoplie de mousquetaire. Mais il y a du d’Artagnan chez Bastié. Seule au milieu de toutes les facettes du néo-féminisme comme autant de soldats du Cardinal, le mousquetaire Eugénie les terrasse toutes et sort vainqueur. A plates coutures.
- Lire le débat Eugénie Bastié – Isabelle Chazot dans le numéro de Causeur d’avril actuellement en vente en kiosque.
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