La prudence d’Alice Wairimu Nderitu face aux accusations de génocide contre Israël est vraisemblablement l’explication la plus plausible.
L’Organisation des Nations Unies a été fondée le 24 octobre 1945 afin de maintenir la paix et la sécurité dans le monde. On dirait qu’aujourd’hui sa raison d’être principale est de critiquer l’État d’Israël, voire de condamner ce dernier pour le crime de génocide. La dernière action en date allant dans ce sens, c’est le non-renouvellement du contrat de l’actuelle Conseillère spéciale pour la prévention du génocide, Alice Wairimu Nderitu. Cette Kenyane de 56 ans est une experte reconnue dans les domaines des droits humains et de la médiation. Elle est intervenue de nombreux pays africains et a travaillé avec le Auschwitz Institute for the Prevention of Genocide and Mass Atrocities (Institut Auschwitz pour la prévention du génocide et des atrocités de masse). Selon le quotidien américain, The Wall Street Journal, dans un article publié le mardi 26 novembre, la Conseillère spéciale, en poste depuis 2020, n’a pas été renouvelée car elle aurait refusé de déclarer que les opérations israéliennes à Gaza constituaient un génocide. Et l’éditorial de poser la question suivante : « Quelqu’un d’intègre peut-il survivre longtemps au sein de l’ONU ? »
Le génocide élusif
L’attitude obstinée d’Alice Nderitu n’aurait pas plu au Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, ni au Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, l’Autrichien Volker Türk. The Wall Street Journal va jusqu’à affirmer que la Conseillère spéciale aurait été « virée », mais les sources officielles de l’ONU maintiennent que son mandat a tout simplement expiré et – comme d’autres mandats d’experts – ne serait pas prolongé. Pourtant, il est bien possible que la décision de se séparer d’Alice Nderitu ait une motivation politique. Car le 7 février, seize organisations propalestiniennes ont envoyé une lettre à António Guterres pour dénoncer « l’inaction flagrante » de Mme Nderitu face aux « atrocités de masse continues » infligées aux Gazaouis, inaction qui soulèverait des doutes sur « sa capacité à exécuter son mandat avec l’efficacité et l’impartialité nécessaires ». À cette date, la Conseillère spéciale n’avait publié qu’une seule déclaration au sujet de la guerre déclenché par le Hamas. Le 15 octobre, elle avait exprimé son inquiétude quant aux répercussions des événements dans d’autres pays « où la prolifération de discours de haine antisémites et antimusulmans hors ligne et en ligne, ainsi que des violences identitaires, qui seraient inspirées par la situation au Moyen-Orient, ont été signalées ». Il est vrai que cette attitude prudente fait contraste avec celle de la plupart des autres rapporteurs spéciaux et experts indépendants de l’ONU qui, en octobre et novembre 2023, ont condamné Israël publiquement en évoquant un possible génocide. On peut bien imaginer que les lobbys propalestiniens soient furieux que, presque seule, la spécialiste des génocides ne soutienne pas les déclarations de ses collègues.
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Ou vous êtes avec nous, ou vous êtes contre nous
La lettre des seize organisations propalestiniennes a bien entendu été publiée après la procédure engagée le 29 décembre auprès de la Cour de justice internationale de l’ONU par l’Afrique du Sud, accusant Israël de génocide. Là aussi, Alice Nderitu est restée très prudente dans ses paroles, se contenant de faire publier par son bureau une déclaration le 29 octobre qui affirme que « son mandat de prévention ne lui permet de prendre position sur la question de savoir si le crime de génocide ou tout autre crime international spécifique a été commis, ce qui ne peut être déterminé que par un tribunal compétent, indépendant et impartial. À cet égard, la Conseillère spéciale réitère son plein respect pour les procédures en cours à la Cour internationale de Justice ». Ce qui a dû faire rager encore plus les propalestiniens – onusiens et autres – c’est que la Conseillère spéciale, elle-même d’origine africaine, a tiré la sonnette d’alarme quant au risque d’un génocide « semblable à celui du Rwanda » (de 1994) au Soudan où sévit actuellement une guerre civile de la plus grande cruauté qui est très loin d’avoir attiré l’attention médiatique du conflit à Gaza. Mme Nderitu a exprimé son inquiétude au mois de mai cette année, et de nouveau en septembre. Il est fort probable que ceux qui veulent absolument voir un génocide des Palestiniens ne supporte pas la concurrence d’un autre génocide possible en Afrique.
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Le sort d’Alice Nderitu fait contraste avec celui réservé à Francesca Albanese, la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. Cette dernière est interviewée régulièrement par les médias occidentaux mainstream et, fin octobre, a pu faire une tournée des Etats-Unis, prenant la parole devant l’ONU à New York et sur différents campus américains. Et ce, en dépit d’une dénonciation pour antisémitisme de la part de l’Ambassadrice des Etats-Unis auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield. Mme Albanese, qui a publié deux rapports accusant Israël de génocide, dont le dernier date du 1er octobre, a déclaré sur Radio Canada que l’on assiste au « premier génocide colonial diffusé en direct qui a lieu à l’égard du peuple palestinien ». L’ONG suisse UN Watch, dont j’ai récemment interviewé le directeur, Hillel Neuer, a publié les résultats d’une enquête sur Mme Albanese dans un document de 60 pages intitulé « A Wolf in sheep’s clothing » (Un loup déguisé en mouton). Pour le moment, cette rapporteuse spéciale peut continuer à exprimer sa haine d’Israël avec impunité, tandis qu’Alice Nderitu, dont le discernement, l’expertise et les valeurs professionnelles sont inégalées, est éconduite par l’ONU.
Elle aura une source de consolation. Hillel Neuer, de UN Watch, se dit tellement impressionnée par son courage, que son organisation serait prête à l’embaucher…