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Etienne Daho, bien plus qu’un chanteur à minettes

Un chanteur au désespoir guilleret


Etienne Daho, bien plus qu’un chanteur à minettes
Le chanteur Etienne Daho photographié en 1989 © MICHEL GINIES/SIPA Numéro de reportage : 00168315_000014

Une déclaration d’amour de Sophie Bachat


A la faveur de la rediffusion sur France 3 d’un documentaire sur Etienne Daho : Daho par Daho, je vais enfin pouvoir déclarer mon amour à celui que je considère comme une sorte d’alter ego. En effet, je partage avec lui l’Afrique du Nord (il est né à Oran), la fascination pour l’Angleterre et le Velvet Underground, et surtout une mélancolie toujours présente en sourdine. 

Mais déclarer son amour à Daho n’est pas chose aisée, car il reste incompris. Chanteur à minettes, mièvre ou trop léger, mais surtout chanteur sans voix dit-on. Cette voix, reconnaissable entre mille, un peu sourde parfois, mais assurée, terriblement juste et précise (nous nous en apercevons en concert), est unique. Il dit l’avoir « empruntée » à Chet Baker, et Lou Reed disait d’elle que « c’est une voix de coucher de soleil et de champagne ». Sacré compliment de la part de ce mythe qui fut une des figures tutélaires d’Etienne. Et c’est justement Etienne, qui, lorsque j’avais quinze ans, me fit découvrir le Velvet par l’intermédiaire du magazine Best, que je lisais religieusement. 

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L’enfance et l’exil

Dans ce documentaire qui date de 2019, Daho, serein, se raconte. Il raconte son enfance en Algérie, l’exil à Reims, et puis à Rennes qui deviendra la ville qui le fit devenir lui-même. Il raconte aussi ses joies, ses peines, ses idoles, la musique indispensable à sa survie et sa fêlure. Celle de l’enfance, bien sûr. « Fêlure, à chacun son chemin, chacun ses déchirures, mais je les ressens, comme toi » chante-t-il dans La peau dure, « les larmes de l’enfance nous font le cuir et l’armure ». Comme cela est vrai. Lorsqu’on se raconte avec talent, on touche forcément à l’universel. 

De cette enfance qui débuta à Oran en 1956, où le soleil aveuglant s’est accommodé à la tragédie de la sale guerre, dont il aura mis du temps à parler : « quelle atrocité cette guerre », il gardera surtout des souvenirs de plage et de musique. En effet, sa tante possédait un café sur la plage du Cap Falcon, dont il racontera plus tard, que lors d’un voyage à Oran, des dizaines d’années après, il s’y est rendu quasiment les yeux fermés. Car dans ce café, il y avait un juke box, qu’il faisait jouer inlassablement. Il fit la connaissance des yéyés, Sylvie et Françoise surtout, qu’il n’oubliera jamais car il collabora avec elles, Johnny, mais aussi des Beach Boys, Surf in USA, même si on ne surfe pas sur la Méditerranée. Plus tard, à Rennes, ce fut une autre révélation : Syd Barrett, le maudit des Pink Floyd. 

Dahomania

C’est cela Daho, la légèreté des yéyés, la virtuosité dans la production des Beach Boys, et un zeste de désespoir, celui de Syd Barrett.

Chez lui cohabitent le soleil de l’Algérie et la grisaille de la Bretagne.

Dès le début, même dans ses textes apparemment les plus légers, il y a toujours une touche de profonde tristesse. Dans Tombé pour la France : « au bout d’une corde mon corps balance » – ce qui fait penser à Je chante de Trenet – avec qui il partage une sorte de désespoir guilleret. Même le mythique Week-end à Rome, considéré comme un hymne à l’insouciance de la jeunesse, est une bulle qui explosera à la fin du voyage : « Paris m’assomme et m’empoisonne ». Daho avoue, dans ce documentaire, que sans la musique, il serait mort. Et cela se ressent pour qui sait écouter. 

Et puis il y eut la Dahomania, dans laquelle il faillit se perdre, trop tenté par « le magicien et sa dose » et les plaisirs de la chair divers et variés : « Est-ce une quille, un glaçon ? Va savoir, qu’importe l’abandon pourvu qu’il soit le bon », confesse-t-il dans Des attractions désastres. Le suicide lui a même tourné autour dans une chambre d’hôtel de Tokyo. Mais, la peau dure, il alla chercher alors la tranquillité à Londres, où personne ne le reconnaissait dans la rue. 

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Avec la maturité, il se risqua à panser enfin ses blessures, dont celle, originelle, du départ de son père lorsqu’il était enfant, et qui le propulsa chef de famille à l’âge de cinq ans. Sous les bombes. Le cuir et l’armure. 

Il solda ce traumatisme dans une sublime chanson : Boulevard des Capucines, qui est une lettre fictive que son père lui adresse, pour lui demander pardon : « Je te demande par cette lettre mon garçon, de m’accorder ton pardon, quelle connerie ma jeunesse, quelle erreur, quelle perte de temps ». Enfin, c’est en 2013 que Daho nous livre peut-être son plus bel album : Les chansons de l’innocence retrouvée. On le sent en paix avec lui même, et à l’acmé de son talent de parolier : « Je t’attendais dans ce rade triste, il était trop tôt pour ma défaite » (L’homme qui marche). Bien sûr, même si les démons sont domptés, l’inconsolé demeurera toujours. 

Je pourrais en écrire des lignes et des lignes. Mais comme ce texte est une déclaration d’amour, et que la midinette, chez moi, n’est jamais loin, je me risque à écrire ces mots, définitifs, “sans nuances”, comme disait Roland Barthes : « Je t’aime Etienne ».


Un film réalisé par Christophe Conte, Sylvain Bergère, 2019

 




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est enseignante.

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