Lors d’un contrôle des passes sanitaires dans le Vieux Lyon, le directeur de cabinet du préfet refuse de polémiquer avec un activiste militant contre l’insécurité dans d’autres parties de la ville. Mais ce dernier a la mauvaise idée d’insister, alors qu’ils sont filmés. Vidéo et réaction de l’homme que nous avons retrouvé et qui se présente comme militant activiste enraciné…
« Dans la banlieue lyonnaise et même à l’intérieur de Lyon, il y a une insécurité galopante. On sait donc très bien ce que les gens viennent chercher dans le Vieux-Lyon. C’est un quartier où il fait très bon vivre et où les gens ne sont pas en contact avec la délinquance, avec la racaille. Il y a aussi des gens de ces quartiers qui en ont marre d’être embêtés chaque jour, et qui viennent chercher un peu de répit dans le Vieux-Lyon », m’explique Étienne Cormier à la terrasse d’un café parisien.
Depuis plus de dix jours, une vidéo fait du bruit sur internet. On y voit l’étudiant en marketing de 23 ans se faire contrôler sur ordre du préfet de Lyon, Jean-Daniel Montet-Jourdran, directeur de cabinet du préfet du Rhône. La vidéo aurait déjà été vue 300 000 fois.
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« Je vois que j’ai affaire à l’extrême droite, je vous laisse »
Le vendredi 13 août vers 21h, alors qu’il revient d’une randonnée dans les Alpes, ce Parisien d’origine ayant succombé au charme de la belle Lyonnaise depuis cinq ans, flâne dans le centre. Lieu chargé d’histoire, le Vieux-Lyon abrite la splendide cathédrale Saint-Jean, la plus ancienne église d’Occident après celle de Rome. Le soir, le Vieux-Lyon brille par son art de vivre. Ainsi, depuis le début de l’été, Lyonnais et touristes s’attablent en terrasse, renouant avec la gastronomie du « monde d’avant » les confinements. Mais ces fines gueules ont-elles bien leur passe sanitaire ? Une opération de contrôle dans le Vieux-Lyon n’étant pas des plus risquées, Jean-Daniel Montet-Jourdran vient s’en charger personnellement avec une vingtaine de policiers.
En face de la cathédrale Saint-Jean, Étienne Cormier va voir le sous-préfet. « On aimerait juste savoir ce que vous faites ici », lui demande-t-il. « Je fais un contrôle du passe sanitaire », répond ce dernier en gardant bien ses distances de sécurité. « Très bien, et pourquoi n’êtes-vous pas de l’autre côté de la presqu’île ? », s’enquiert alors le jeune homme. « C’est-à-dire ? », demande le sous-préfet avec un air surpris. « Bah tous les soirs, y’a des agressions, tous les soirs y’a des viols, tous les soirs y’a des gens qui se font racketter ». Face au sous-préfet qui lui suggère de développer, il continue : « à la Guillotière, à Vénissieux, y’a un jeune handicapé qui s’est fait agresser par la racaille.. ça vous embête pas d’embêter des Français qui… ». « Je vois que j’ai affaire à l’extrême droite, je vous laisse », l’interrompt le sous-préfet avec un air hautain, avant de tourner le dos à l’intouchable.
Clap de fin ? Non, car ce dernier le suit et lance : « Quand les questions vous dérangent, vous vous en allez ? » Une question rhétorique qui contrarie le sous-préfet au point qu’il enjoint à son escorte de contrôler le jeune homme. S’ensuit une palpation contre le mur par des policiers qui traînent des pieds. Sans même avoir mis leur brassard « police » sur le bras, les agents prennent cependant une photo de sa carte d’identité avec un smartphone. La vidéo aurait déjà été vue plus de 300 000 fois sur internet. Outre les prévisibles soutiens de Gilbert Collard, Florian Philippot, Philippe Olivier, Julien Odoul ou Nicolas Dupont-Aignan, la vidéo a aussi suscité l’indignation de la sénatrice LR Valérie Boyer ou de Jean Quatremer, correspondant à Libération qu’il sera difficile de ranger parmi les soutiens habituels de l’ « extrême droite ». « Aucune base juridique [au contrôle] même. Dès qu’on pose une question, on est d’extrême droite, forcément… », a-t-il tweeté.
De l’usage du mot « racaille »
Interrogée par Le Progrès, la préfecture du Rhône a incriminé l’usage du mot « racaille ». Qu’en est-il de l’usage de ce terme ? S’il suscite aujourd’hui des cris d’orfraie chez les lettrés, il n’en a pas toujours été ainsi. Ainsi, sous la plume de Jean De La Fontaine, lequel n’a pas (encore) été classé à l’ « extrême droite » de la littérature, un faucon s’adresse à un chapon en ces termes : « Vous n’êtes que racaille, gens sans esprits, à qui l’on n’apprend rien ». « Pourrais-je fermer ma porte, n’ayant point de portier, à toute la racaille des polissons, soi-disant gens de lettres, qui auraient la sotte curiosité de venir voir mon squelette », écrivit quant à lui Voltaire. Plus tard, bien plus tard, Nicolas Sarkozy suscitera l’indignation en clamant à Argenteuil : « On va vous en débarrasser de cette racaille ». En verlan, le terme racaille se dit « caillera ». Ce dernier et son diminutif « caill’ » sont d’ailleurs copieusement utilisés par la jeunesse des banlieues ou des beaux-quartiers.
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« À mon avis, cette vidéo est devenue virale car elle a mis en lumière une certaine déconnexion des élites et un refus du dialogue. Le Covid permet de ne pas parler des sujets qui dérangent vraiment, tels que l’immigration, l’insécurité ou l’économie. L’État arrive à être très fort pour contrôler tout ce qui est lié au Covid. En revanche, les Français voient bien le laxisme qu’il y a au jour le jour face à la délinquance classique. L’État sait montrer les crocs, s’il le voulait vraiment, il pourrait régler beaucoup de problèmes », analyse Étienne Cormier. « J’attendais au moins quelques phrases d’explications », déplore l’étudiant, qui souhaite encore discuter avec le sous-préfet. Après sa rencontre avec l’ «extrême droite » dans le Vieux-Lyon, ce dernier préférera-t-il superviser des « contrôles de passes sanitaires » à la Guillotière ?
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