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Éthique, géopolitique et transition énergétique

L'énergie, c'est désormais le nerf de la guerre


Éthique, géopolitique et transition énergétique
Site d'extraction de gaz, Péninsule de Yamal, Russie, 2022 © Vladimir Smirnov/TASS/Sipa USA/SIPA

Les conflits en cours actuellement en Ukraine et au Proche-Orient sont intimement liés à nos choix énergétiques. C’est l’argent du gaz russe vendu aux Européens qui a permis à Vladimir Poutine de financer sa guerre, et c’est aussi l’argent que nous donnons aux royaumes de la péninsule arabique en échange de son gaz liquéfié qui finance en partie le Hamas.


L’UE dépend des hydrocarbures pour ses besoins énergétiques. L’énergie brute de l’UE est constituée à 34,2% de pétrole, 23,3% de gaz et 11% de charbon. Le gaz et le pétrole sont massivement importés et proviennent parfois de pays douteux… Conférant ainsi à ces pays une puissance financière et géopolitique de nature à influer sur les prises de position des pays européens.

L’utilisation de l’énergie comme levier de puissance géopolitique a été théorisée par Vladimir Poutine dans un article publié en juin 1999 dans la revue de l’institut des mines de Saint-Pétersbourg, soit juste avant son ascension au poste de président par intérim de la Fédération de Russie en décembre 1999. Cet article, intitulé « Les ressources minérales dans la stratégie de développement de l’économie russe » développe une doctrine de puissance économique, militaire et géopolitique basée sur l’extraction et l’exportation de matières premières. Un pays dépendant du gaz russe (ou qatari) est en quelque sorte vassalisé sur le plan énergétique et perd donc ses marges de manœuvre en diplomatie et en politique étrangère. Puisque la production de biens et de services, c’est de l’énergie transformée, il est évident que les pays dont nous dépendons pour nos fournitures énergétiques ont un pouvoir colossal sur nos économies. Le pouvoir de littéralement mettre nos pays à l’arrêt !

La politique énergétique que l’UE a suivie depuis sa création relève d’injonctions paradoxales: vouloir promouvoir le respect des droits humains et la paix, tout en prolongeant notre dépendance aux hydrocarbures importés !

Limiter notre dépendance aux importations de produits pétroliers

Le conflit en cours au Proche-Orient présente des similitudes évidentes avec la guerre du Kippour ayant finalement abouti, en 1973, au premier choc pétrolier. La réponse du gouvernement du président Pompidou[1] avait alors été très efficace et doit nous inspirer aujourd’hui. Cette réponse était double : la France a tout d’abord incité ses citoyens à faire la chasse au gaspillage énergétique en prononçant le slogan désormais célèbre « économisons l’essence, économisons l’électricité, économisons le chauffage ». La seconde réponse de la France de Pompidou fut le plan Messmer[2],  un plan massif de développement de la production d’énergie sur le sol national – une énergie pilotable et indépendante de l’OPEP s’appuyant essentiellement sur l’hydroélectricité et le nucléaire.

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Cette politique de souveraineté énergétique a été un grand succès puisque notre pays est aujourd’hui l’un des moins dépendants de l’UE aux importations de pétrole et de gaz[3]. Nous importons 46% de nos besoins énergétiques primaires (28% de pétrole, 16% de gaz et 2,5% de charbon) contre 70% en moyenne pour l’UE. De plus, les technologies développées par le plan Messmer n’émettant pas de dioxyde de carbone, nous avons hérité d’un mix énergétique parmi les moins polluants d’Europe. Si la version actuelle de la chasse au gaspillage est bien entendu la fameuse « sobriété énergétique », l’objectif reste le même : diminuer notre dépendance aux importations d’hydrocarbures.

La transition énergétique, un nouveau plan Messmer ?

Les énergies renouvelables sont souvent présentées comme un outil d’indépendance énergétique, une sorte de plan Messmer bis. Est-ce vraiment le cas? Le diable se cache dans les détails. Toutes les énergies renouvelables ne se valent pas. Les énergies renouvelables intermittentes telles que les éoliennes nécessitent un complément de production d’énergie pour pallier l’absence de vent. Le complément énergétique le plus adapté est fourni par des centrales thermiques alimentées avec du gaz naturel. Implanter massivement des éoliennes implique donc une dépendance durable aux importations de gaz naturel. C’est ce que rappelait l’animateur Stephane Bern dans une tribune fameuse en précisant que les éoliennes ne fonctionnent à pleine puissance que 25% du temps. Le fonctionnement de ces équipements peut donc être résumé par une formule lapidaire : une éolienne, c’est 25% de vent et 75% de gaz !

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Les compagnies pétrolières l’ont bien compris et se sont logiquement empressées de prendre le contrôle des lobbies européens des éoliennes afin de promouvoir au maximum le développement de cette filière. Plus il y a d’éoliennes, plus la consommation de gaz naturel augmente pour pallier l’absence de vent. Et plus les compagnies pétrolières font des bénéfices.

Ce capitalisme de connivence est bien entendu contraire à l’esprit d’un plan Messmer bis qui devrait avoir pour objectif de limiter notre contribution aux émissions de gaz à effet de serre tout en émancipant l’UE de la vassalisation géopolitique liée aux importations d’énergie. Une politique sérieuse visant une moindre dépendance vis à vis de l’OPEP doit s’appuyer sur des productions d’énergie ne nécessitant pas d’utilisation de gaz naturel : nucléaire de quatrième génération, production d’électricité photovoltaïque par les particuliers en auto consommation, développement de la production d’hydroélectricité ainsi qu’une augmentation du nombre de stations de pompage turbinage (STEP) capables de rendre pilotables les productions intermittentes d’électricité déjà installées.

C’est à cette seule condition que nous pourrons concilier une haute performance écologique, l’indépendance géopolitique et l’éthique. En cessant de financer indirectement les guerres, le terrorisme et les régimes ne respectant pas les droits humains !


[1] https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/pompidou-sobriete-energie-petrole-essence-economisons-abondance-insouciance

[2] https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1974-pierre-messmer-lance-le-premier-grand-plan-nucleaire-civil-francais

[3] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/6-bilan-energetique-de-la-france



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Professeur de physique chimie et membre du bureau politique du parti Écologie au Centre.

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