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Êtes-vous un extrémiste ?

Portrait de l'extrémiste, le vrai


Êtes-vous un extrémiste ?
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon lors de l'Emission politique du 17 mai 2018. ©CHAMUSSY/SIPA / 00859488_000022

Le philosophe Pierre-André Taguieff vient de publier Qui est l’extrémiste ? aux éditions Intervalles. Il y dresse un portrait critique de notre société de plus en plus polarisée. Son ambition est de définir l’extrémisme de la manière la plus objective possible, et de le distinguer des hyperboles utilisées par la droite et la gauche à seule fin de diaboliser leurs adversaires.


« Le polémiste d’extrême-droite Eric Zemmour », la « banalisation de l’extrême-droite de Marine Le Pen » ou même le « magazine d’extrême-droite Causeur ». Ces expressions, désormais usuelles dans les médias de gauche et du centre, donnent l’impression que le milieu politique, comme la société, est en partie dominé par l’extrémisme de droite. La gauche n’est pour autant pas en reste puisqu’il arrive de temps à autres que La France Insoumise soit nommée « parti d’extrême-gauche », sans parler du NPA ou du PCF qui ont depuis bien longtemps reçu ce qualificatif.

Pourtant, le mot « extrême » n’est pas un adjectif neutre, comme s’applique à le démontrer Pierre-André Taguieff dans son dernier livre Qui est l’extrémiste ? dans lequel il tente de donner un sens précis à « l’extrême » politique. Il dénonce en premier lieu le galvaudage de ce terme et ses variantes (extrémisme, extrême de l’extrême, radicalité, radicalisme) en fustigeant une gauche « sectaire » qui n’a d’autre réponse à l’adversité que l’anathème, la reductio ad hitlerum, et le recours à des termes connotés négativement (réactionnaire, ultra-droite, conservateur, fasciste et cætera). Les défenseurs de la cancel culture et les wokistes sont ainsi de vrais extrémistes car totalitaires dans leur façon de penser.

Mais qui peut-on qualifier d’extrême-droite ou d’extrême-gauche ? La notion d’extrémisme, selon Taguieff, suppose la réunion de trois facteurs : la légitimation de la violence, l’intolérance sectaire, et un fanatisme manichéen. Pour un extrémiste, une personne pensant différemment est un ennemi absolu qu’il faut abattre par tous les moyens, y compris la violence.

À lire aussi : Qui arrêtera l’hyper violence d’extrême gauche?

Le sujet de l’extrême-droite, bien connu de l’auteur, fait l’objet d’un développement poussé qui explique clairement que la droite du RN n’a rien à voir avec celle, bourgeoise, libérale et conservatrice des LR et n’est donc pas « à la droite de la droite ». Au contraire, la droite « de gouvernement » est l’antithèse de celle du RN, qui s’opposera pourtant plus à la gauche, véritable « ennemi ».

Les extrêmes de l’hémicycle, des extrêmes politiques ?

Alors, Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon sont-ils des extrémistes ? Difficile à dire. Bien que, par une approche démagogique et populiste, ils contribuent à faire de l’adversaire politique un ennemi inconditionnel, il serait exagéré de considérer qu’ils regardent la violence comme légitime et ont une armée de « fanatiques » derrière eux. En l’occurrence, le mot « fans », qui en dérive, serait plus approprié. Le cas d’Éric Zemmour est plus complexe. Pierre-André Taguieff considère en premier lieu qu’il a subi une campagne de « diabolisation » consistant à l’écarter du champ de « l’acceptable ». Cependant, contrairement à Marine Le Pen, il se situe directement dans une droite « radicale » en ce sens qu’il accentue – parfois jusqu’à outrance – les tendances de la « droite libérale », donc modérée. En clair, être un extrémiste relève bien plus de la méthode que de la pensée, à ce détail près que l’auteur considère comme extrémiste tout contestataire de la démocratie libérale.

Pourtant, l’œuvre souffre de quelques faiblesses. L’idée d’un « centrisme extrémiste » est décrite comme « la tentation extrémiste […] la plus perverse » en un point final qui tombe comme un cheveu sur la soupe, sans développement préalable. De la même façon, Taguieff condamne longuement la méthode des antifascistes tout en saupoudrant sa conclusion du paradoxe de la tolérance de Karl Popper (« pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l’intolérance »). Malheureusement, cette conclusion se termine tristement dans une logorrhée de mollesse politique, d’un convenu désolant, mais qui ne doit pas occulter une réflexion intelligente, objective et construite, au-delà des clivages politiques.

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Jeune (dés)espoir du journalisme politique. Etudiant, pigiste, et un peu poète.

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