Êtes-vous pour ou contre le racisme ? À force d’être soumis au pilonnage médiatique, on finit par avoir l’impression que c’est cette question qui sera posée aux électeurs américains le 4 novembre prochain. Paradoxalement, cette élection présidentielle dans laquelle, pour la première fois, un demi-noir est en position crédible, est en effet une source inépuisable pour l’antiaméricanisme global, réseau paranoïaque et mondialisé qui trouve ses sources dans la gauche et l’extrême gauche américaines, et alimente à partir de ce point de départ la bien-pensance planétaire. Le New York Times, le Los Angeles Times, le San Franscico Chronicle et CNN donnent le « la », les médias européens reprennent en chœur. À travers l’affrontement entre deux candidats, ce qui se joue, c’est celui qui oppose l’Amérique raciste à l’Amérique du progrès, autant dire de l’ombre et de la lumière, pour reprendre les catégories d’un certain Jack Lang.
« L’Amérique est-elle prête à élire un noir ? » Cette question est donc la seule qui vaille. Seulement, la poser revient à incriminer collectivement et préventivement de racisme tous ceux qui s’apprêtent à voter McCain. En effet, en choisissant comme candidat Barack Hussein Obama, les démocrates y ont explicitement répondu par l’affirmative, se rangeant du même coup dans le camp du Bien. Notons que certains d’entre eux sont encore plus « prêts » que d’autres. Ainsi, 94 % des électeurs noirs ont l’intention de voter pour Obama, et il ne viendrait à personne l’idée, qu’allez-vous penser là, de les accuser de racisme. Par ailleurs, seuls 8 % des électeurs déclarent que la race d’Obama est un obstacle pour eux – et on peut parier qu’ils se répartissent également entre les deux partis.
Peu importe. Ne pas voter Obama serait aussi raciste qu’il était sexiste, en France, de refuser d’envoyer une certaine dame à l’Elysée. Les racistes qui s’ignorent, ceux qui, donc, ne sont pas prêts, ce sont les républicains, et avec eux tous ceux qui n’ont pas envie de voir Obama assumer la présidence, pour quelque motif que ce soit. Ces hérétiques refusent de rendre les armes devant la théophanie du Messie ? Ils vont jusqu’à le critiquer ? Racisme patenté !
On voit bien le sens de la manip. « Êtes-vous prêt à… ? » Cette injonction déguisée n’a nullement pour objectif de provoquer une discussion – il n’est que de lire les débats fumeux qui tiennent lieu de réponse dans les médias –, mais de discréditer par avance toute opposition à Obama, rejetée dans la catégorie « politique de la peur » par la presse de gauche. Bien entendu, à aucun moment, les républicains n’ont soulevé la question sulfureuse de la couleur de peau d’Obama qui est l’obsession de la seule gauche.
Autant dire que si, comme je le pense, le Messie n’est pas élu, la condamnation de cette Amérique qui ne parvient pas à rompre avec son passé raciste sera sans appel. En attendant, cette obsession de la race dispense de se demander si le candidat des démocrates n’est pas beaucoup trop à gauche pour un pays plutôt centre-droit. Mes amis d’extrême-gauche (j’en ai beaucoup) le savent fort bien : pour eux, Obama est un socialiste, à la limite ultime de « l’arc éligible » dans un scrutin présidentiel américain aux Etats-Unis ; à sa gauche, il n’y a que des sectes groupusculaires. Il a réussi à représenter le parti démocrate en dissimulant ses racines et en s’appuyant sur une campagne exemplaire. Mais cette opération de marketing politique devrait atteindre ses limites si les républicains se décident à le peindre en rose-rouge. Et si les commentateurs finissent par se demander si Obama serait bon ou mauvais pour l’Amérique aujourd’hui. Cette question, qui pourrait sembler pertinente, est totalement escamotée aujourd’hui. Il est vrai que ces considérations de basse politique sont moins exaltantes qu’une juste cause.
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