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Êtes-vous flexisexuel ?


Êtes-vous flexisexuel ?
photo : Sacha Goldberger
photo : Sacha Goldberger

Je sacrifie très peu au rite des soirées littéraires, je l’avoue, et préfère bien souvent rester chez moi à lire ou à écrire, plutôt que de me pavaner au milieu d’écrivains, fussent-ils authentiques, mais invariablement entourés d’écrivaillons et brasse-papiers en tout genre qui se la pètent presque autant que moi. Un soir que j’étais de bonne humeur, après bien des hésitations, je finis par me rendre à l’une de ces soirées. Là, une mondaine, s’approchant de moi me demande tout de go et la bouche en cul de poule quelle est ma raison sociale. Mon cerveau lent finit par comprendre que ladite haut perchée me demandait tout bêtement ce que je faisais dans la vie, quel était mon métier, quoi. Drôle d’approche, cela dit en passant : l’individu existe d’abord pour les autres parce qu’il a un métier, dont il doit faire la preuve. Et sinon, tu fais quoi dans la vie ? Combien de fois encore devrai-je subir cette question. Quand on me la pose, j’ai de plus en plus tendance à vouloir faire l’idiot, à répondre n’importe quoi, que je suis masseur du néant, chasseur d’œsophages, contemplateur de plats de lentilles froids, que sais-je. Cette fois-là, étant de bonne humeur, j’ai répondu en bon élève et dit que j’étais professeur. La belle a hoché la tête et s’en est allée, allez savoir pourquoi. Un petit prof chez les littérateurs, ma foi…

En lisant Le Monde, j’ai été rassuré : le jour est proche où on nous demandera d’afficher d’abord nos tendances sexuelles plutôt que de décliner notre raison sociââleux. Un article dudit journal nous apprend en effet que de l’autre côté de l’Atlantique, la mode, pour les filles, esr de se dire « flexisexuelles ». En voilà un mot joli ! La flexisexualité ? Ceux qui imaginaient déjà des prouesses kamasoutriques, pratiquées par des filles infiniment souples, avec lesquelles les parties de jambes en l’air évolueraient vers des sommets agiles vont être déçus. Sous ce néo-vocable branché se cache une réalité bien plus anodine : un comportement nouveau, nous apprend l’article, des femmes qui « ne sont pas homosexuelles ou bisexuelles, mais qui s’amusent à flirter et à embrasser les autres filles bien qu’elles aiment toujours avoir des relations sexuelles avec les hommes ». Wouf. Il ne s’agirait pas moins, apprend-on encore, que d’un « changement de mœurs », sérieusement étudié par chercheurs et sociologues. Une « experte en flexisexualité » – j’en vois qui rient – explique ainsi que les jeunes femmes semblent influencées par la sexualité des gays. « Les gens ont de plus en plus conscience, explique avec souplesse cette experte, qu’il ne faut pas nécessairement être cent pour cent gay pour aimer avoir un contact physique avec une personne du même sexe. » (Pas nécessairement cent pour cent gay, ça fait rêver, ça. Il faudra que je me demande sérieusement un jour quel est mon pourcentage de gayté).

Les hommes, découvre-t-on ensuite, seraient moins portés à afficher la même tendance flexisexuelle. En v’la des coincés. Et elle en rajoute, notre savante flexible, faisant porter le chapeau de cette mascarponade aux zhommes zordinaires : si ces jeunes femmes se kissent devant nous, ce serait notre faute ; elles se livreraient à une mise en scène destinée à réaliser nos fantasmes masculins : « Les hommes hétéros aiment l’idée de deux femmes en train de se séduire. » Non, un fantasme masculin, ça ? Féministe, va ! La prochaine qui s’approche de moi et me demande quelle est ma raison sociale, promis, je lui fous une tarte dans la gueule et lui réponds que je suis coincé, sexorigide, quoi !



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Nunzio Casalaspro est professeur et collabore notamment à la revue <em>L'Atelier du roman.</em>

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