Dernières folies printanières


Dernières folies printanières

été art contemporain

Le pont des soupirs. En cette fin de Printemps, la ligne d’horizon des français a été perturbée par un gigantesque vagin en bois posé dans les jardins du château de Versailles, censé représenter l’intimité de « la reine ». Première remarque, à la vue de l’œuvre : cela doit faire longtemps que l’artiste n’a pas vu de femme nue ! Seconde remarque : après le plug anal verdâtre de Paul McCarthty dont les Français avaient suivi, médusés, l’érection puis le dégonflage sur la place Vendôme l’année dernière, les lignes bougent vraiment dans le monde de l’art contemporain… On aurait presque pu cacher l’un dans l’autre ! Le père du « vagin », Kapoor, a expliqué longuement le propos à haute intensité politique de son œuvre à la presse. L’artiste contemporain investit de nos jours l’essentiel de son énergie créatrice dans l’explication de ses œuvres et la rhétorique ; cette période crève sous les manifestes. Des voix agacées ont dénoncé l’infamie, l’affront, voire la profanation du lieu royal… D’autres voix ont souligné avec une gravité bouffonne que ce vagin colossal avait des vertus pédagogiques féministes… L’artiste a déclaré sans rire à un journal vespéral : « J’en ai assez de faire des cadeaux à la France. La prochaine fois qu’on voudra m’inviter, il faudra avoir l’argent et ne pas demander que je le trouve moi-même ». Pas de chance pour cette fois-ci, les caisses étaient vides. Le pactole avait été englouti dans l’achat de monstrueuses fresques de « street-art » destinées à remplacer les grappes de « cadenas d’amour » qui enlaidissaient déjà considérablement le Pont-des-Arts à Paris, et qu’il a fallu décrocher pour des raisons de sécurité… Ce pont est maudit. Il a été rebaptisé « le pont des graffs » par la presse. Il a du mal se comporter dans une vie antérieure pour endurer de telles humiliations.

L’amour à la page. Authentique chef d’œuvre de l’art moderne, le sage antique Jacques Attila (pardon, Attali), ancien conseiller de François Mitterrand et de sa chienne Baltique, producteur en série de « rapports » sur le renouveau de l’économie hexagonale, nous exhorte à l’amour libre. On sent que le printemps est passé par là. Les bourgeons ont bourgeonné. Chacun a cherché sa chacune. La Nature toute entière est entrée en transe, la sève est montée dans la chair des arbres, l’écureuil taquin remue ses noisettes et l’auteur de « Verbatim » (dont l’un des violons d’Ingre est la direction d’orchestre classique… laissez-moi rire) appelle à « l’amour collaboratif » ! Ça vous a un petit goût d’amour libre post-soixante-huitard, de technocratie gestionnaire soviétique et de charabia managérial sur « l’économie du partage » pompé dans Alternatives économiques : « On peut imaginer, dans la logique de l’économie collaborative, un monde où chacun serait libre d’avoir des relations avec d’autres que son partenaire principal… » Et en toute logique, dans ce monde sans fidélité ni ferveur… « … « l’amour collaboratif«  compléterait « l’économie collaborative« . Cela bouleverserait fondamentalement la notion de famille et les conditions d’éducation des enfants, dont on ne peut imaginer, sans précaution majeure, qu’ils puissent être ainsi partagés. » Comme dans la cité platonicienne, ou les lebensborn de sinistre mémoire. Jacques, à un moment, il faut savoir dire stop…

Grosse fatigue. Signalons d’abord cette scène cocasse et typique de Saint-Fons, charmante bourgade de 17 000 âmes (en comptant les femmes et les enfants) de l’agglomération lyonnaise : des « jeunes »© ont attaqué un groupe d’anciens combattants réunis pour un pique-nique au pied d’un immeuble d’habitation. Une pluie torrentielle de projectiles s’est abattue sur les vieux soldats, bouteilles vides, objets divers… Le Progrès relayait le témoignage d’une Saint-Foniarde (on dit comme ça) : « On les entendait crier : « on va faire Charlie Hebdo sales Français de merde ». Je dirais qu’ils étaient plutôt jeunes, voire très jeunes » Une octogénaire a eu le cuir chevelu entaillé par un pied de parasol. Prenant acte de la gravité des faits, la mairesse (c’est ainsi qu’il faut dire) Nathalie Frier s’est empressée d’annoncer la mise en place en urgence d’un dispositif de « médiation sociale » à destination de « ces jeunes déscolarisés, sans avenir, qui ne croient plus en rien » (dixit l’édile). J’ai failli verser une larme, mais non. Sans transition : la Belgique, pays des chanteurs tristes et des gaufres savoureuses, n’est pas en reste. Le Soir nous apprend qu’un habitant de Manage dans le Hainaut, d’origine syrienne, a été poursuivi pour des faits de coups, séquestration et traitements inhumains à l’égard de sa fille de 15 ans. « Ayant appris qu’elle avait un petit ami, il l’avait attachée à une chaise et frappée avant de lui montrer une vidéo de décapitation à titre d’exemple. » Je pense qu’un stage citoyen de réinsertion dans une association de hip-hop lui pend au nez… A moins qu’il ne bénéficie d’une mesure sociale d’accompagnement vers le vivre-ensemble – afin que la Belgique (cette chanceuse !) puisse profiter de tout son potentiel enfoui d’empathie humaine. On aurait préféré pour lui un stage de rééducation par le travail forcé dans une rizière, comme à la grande époque maoïste… Mais les meilleures traditions se perdent !

Porc et nandou. Les légionnaires et les bistrots savent bien le pouvoir d’attraction du boudin sur les foules. On apprend qu’une compagnie de théâtre a été recalée dans des conditions relativement obscures par la Mairie de Tourcoing à cause d’un spectacle impliquant des cochons. La troupe devait jouer, lors de la Fête de la musique, un show nommé « Boudin et chansons ». Le premier-adjoint Didier Droart se justifiait en ces termes à la Voix du Nord : « Je trouvais cela inapproprié » – et l’élu d’expliquer à nos confrères qu’il ne souhaitait pas « que l’on choque » une partie de la population de confession musulmane. Encore une histoire qui se termine en eau de boudin ! Terminé le cochon ! Recalé, dépassé, diabolisé ! Faudra-t-il bientôt le transporter clandestinement ? Appelez-moi Marcel Aymé, j’ai une idée de roman…

Pendant ce temps-là, en Creuse, un nandou a battu la campagne avec allégresse. Le nandou – qui est un oiseau coureur de la pampa d’Amérique du Sud – fait partie de cette famille délectable et un peu absurde des volatiles qui ne volent pas, mais tracent la route à grandes enjambées gracieuses. C’est un animal qui navigue entre l’autruche et l’émeu. Pourquoi la Creuse ? Pourquoi pas ? L’animal fugueur, échappé du jardin d’un particulier, a été capturé sur la rive droite du Thaurion, à la hauteur de Châtelus-le-Marcheix. La Montagne nous précise que l’opération a été compliquée par la nervosité de l’animal, traqué depuis plusieurs jours. Un fusil avec une seringue hypodermique a dû être utilisé… Ah la France, tu parles d’une terre d’accueil !

Ce printemps est malade. Vivement l’été…

Jack Lang fête de la musique

(Jack Lang, le 21 juin de chaque année)

*Photo : ISA HARSIN/SIPA/1506051825



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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