« Eté 85 » de François Ozon, sélectionné à Cannes, est le film évènement de cette étrange rentrée cinématographique post-confinement. C’est l’adaptation du roman anglais de Aidan Chambers Dance on my grave, traduit en français par La danse du coucou.
La danse du coucou est un roman qui fascina le jeune François Ozon. Le réalisateur français a attendu 38 ans pour le porter à l’écran.
C’est une histoire d’eau, d’amour et de mort. Deux adolescents se rencontrent lors du naufrage de la frêle embarcation qu’Alex avait empruntée pour faire un tour en mer. David arrive à point nommé pour le sauver de la noyade. Et l’histoire peut commencer. Le récit a des allures de tragédie : il obéit à la règle d’unité de lieu (le Tréport, en Normandie), de temps (il se déroule en l’espace de six semaines) et d’action (une histoire d’amour qui finit mal).
Amour d’été entre deux garçons
La fin tragique, nous la devinons rapidement. Alex est confronté à une juge pour mineurs qui l’exhorte à dévoiler des faits afin d’éviter le pire. Mise en abyme : cette histoire, Alex va l’écrire alors qu’elle se déroule sous nos yeux. La structure narrative du film est construite autour de flash-back qui décrivent le fulgurant amour d’été entre deux garçons, sur fond de bande son de l’époque (Cure, Bananarama, Rod Stewart, et même Jeanne Mas). Ces tubes de l’époque rempliront de nostalgie douce ou amère ceux qui comme moi ont eu dix-sept ans, cet été-là.
David, qui a l’assurance de ceux à qui la nature a tout donné, séduit le timide Alex qui fait penser au James Dean de « La fureur de vivre ». Il a comme lui le désir d’être emporté par le tourbillon de l’adolescence. Et ce tourbillon l’emportera. Avec une perversité innocente, David initie Alex à la sexualité, à la vitesse, à la fête et aux jobs d’été (il le fera travailler à ses côtés dans le magasin familial qui vend des articles de pêche et du matériel de navigation. La mer toujours). Le réalisateur utilise des métaphores sexuelles pour signifier le désir entre deux garçons. David dégaine un peigne aux allures de cran d’arrêt pour parcourir la chevelure d’Alex. Et lorsqu’il le fait monter sur son deux-roues, il lui dit : « Laisse toi aller, détends-toi ».
L’amour finit mal, en général
La station balnéaire est filmée avec réalisme, sans afféteries filmiques, sauf pour décrire les derniers jours idylliques de la liaison avant le drame, où Ozon abuse un peu des clichés: l’hôtel sur la cote, le coucher de soleil sur la mer, les baignades joyeuses, les feux de camps sur la plage… Cela provoque comme une irréalité: cet amour est trop beau, comme inventé. Kate, l’Anglaise de l’histoire, qui sera le déclencheur de la tragédie déclare : « aimer c’est inventer ».
À l’image de Rimbaud – autre symbole de la rébellion adolescente, avec James Dean – David veut tout explorer, le fameux « dérèglement de tous les sens ». Alex, lui, reste comme en retrait de la vie, obsédé par la mort et les rites funéraires depuis l’enfance. Il provoquera la mort de celui qui lui apprend enfin à vivre. David séduit la petite Anglaise, couche avec. Cela est insupportable pour Alex, qui s’enfuit. David enfourche alors sa mobylette pour le rattraper.
Ces deux-là avaient conclu un pacte : celui qui survivrait à l’autre devrait danser sur la tombe de celui qui l’aurait précédé dans la mort. Alex tient sa promesse et danse comme un possédé sur la tombe de David au son de « I’m sailing » de Rod Stewart, titre qui ponctue le film dans ses meilleurs comme dans ses moins bons moments.
La mer, un des personnages central de la narration, propulse Alex dans le tumulte au début du film. À la fin, elle l’apaise et la vie peut continuer.
Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Été 85, film de François Ozon, en salles depuis le 14 juillet 2020, 1h40.
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