Accueil Édition Abonné La surprise du chef du Kremlin

La surprise du chef du Kremlin

Les Etats-Unis, maîtres stratèges du renseignement


La surprise du chef du Kremlin
Vladimir Poutine au côté de son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, Moscou, 22 juin 2022 © Sergei Bobylev/TASS/Sipa USA/40036671/AK

Non seulement les services de renseignements américains disposaient d’informations leur permettant d’annoncer l’invasion russe de l’Ukraine mais ils ont aussi su les interpréter correctement, ce dont les services français et européens ont été incapables. Il ne s’agit pas seulement de savoir si l’adversaire peut frapper, mais s’il souhaite le faire.


Tout le monde s’est trompé, à la notable exception des services de renseignement américains. En Europe, aucun service n’a vu venir l’invasion de l’Ukraine. Cette question du renseignement et de son échec est, à un moment ou un autre, cruciale dans presque toutes les guerres et les crises depuis la Seconde Guerre mondiale. Souvent, il s’agit d’un défaut d’alerte stratégique, c’est-à-dire de la capacité de prévoir le passage à l’acte de l’adversaire. De Pearl Harbour et Barbarossa en 1941 en passant par la guerre du Kippour en 1973, jusqu’ à l’annexion sans combat de la Crimée par la Russie en 2014 ou la chute rapide de Kaboul et l’évaporation de l’armée afghane pendant l’été 2021, pour ne citer que les cas les plus célèbres, des États dotés de moyens conséquents de renseignement et d’analyse ont été surpris quand l’ennemi a frappé.

La méthode des « indicateurs d’alerte »

Pour pouvoir informer les dirigeants suffisamment tôt pour qu’ils puissent contrecarrer les plans de l’ennemi, les services de renseignement utilisent la méthode des « indicateurs d’alerte ». Il s’agit des signes précurseurs révélant non seulement les capacités de l’ennemi, mais aussi ses intentions. Dans le cas de l’invasion russe de l’Ukraine, l’un de ces indicateurs a été l’approvisionnement des unités russes stationnées en Biélorussie en sang et autres matériels médicaux destinés à traiter les blessés (information publiée par l’agence Reuters le 29 janvier 2022 à la base des rapports des services estoniens). Certains de ces moyens étant périssables et indispensables, leur distribution suggère la préparation d’une action d’envergure sans pour autant donner une certitude absolue. Si d’autres éléments de contexte convergent dans ce sens, les services émettent une alerte. Or, un indice contradictoire a induit les Ukrainiens en erreur : ils n’ont pas observé les préparations tactiques qui, selon la doctrine russe, précèdent le déclenchement d’une opération. C’est probablement l’absence de cette étape qui a conduit les services ukrainiens à contredire les Américains et conclure que Poutine bluffait. Les Russes n’ont pas agi comme d’habitude, précisément pour tromper leur adversaire.

Ces exemples démontrent que l’alerte et l’avertissement relèvent toujours du jugement. Malgré les capacités impressionnantes


Article réservé aux abonnés
Pour lire la suite de cet article et accéder à l'intégralité de nos contenus
Formule numérique dès 3,80€
Déjà abonné(e)  ? Identifiez-vous

Été 2022 – Causeur #103

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Intermachette
Article suivant Calomnie en douce et silence des pantoufles
est historien et directeur de la publication de Causeur.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération