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L’Oncle Sam, champion de l’islam?


L’Oncle Sam, champion de l’islam?
Ilhan Omar, Washington, novembre 2021 © J. Scott Applewhite/AP/SIPA

Dans les États-Unis de Joe Biden, on peut trouver une représentante voilée au Sénat. Grâce à cette ancienne réfugiée somalienne (la Démocrate Ilhan Omar), le pays phare du capitalisme et du libéralisme est en pointe dans la lutte contre l’”islamophobie” – le Combating International Islamophobia Act est sur le point d’y être voté. Selon Driss Ghali, le capitalisme se croit malin en faisant une alliance de circonstance avec l’islam. À court terme, les Américains pourront nuire aux Chinois et aux Birmans en les taxant d’islamophobie. Mais ils ne voient pas qu’ils sont en passe de sortir de l’histoire, alors que la civilisation islamique est spirituellement très forte.


La vie est une affaire de symboles, ils nous rappellent qu’il existe une dimension invisible à laquelle il convient de se connecter de temps en temps. 

Chaque symbole est un point d’accès à un au-delà que nous portons tous en nous-mêmes, mais qui n’est pas immédiatement accessible à notre esprit. La simple vue d’une marque ou d’une icône éveille en nous des valeurs, des sentiments et des récits puissants. Chaque peuple a ses symboles qui lui sont propres et l’aident à accéder à « sa vérité » dissimulée au fond de son inconscient. 

L’Islam ne va pas convertir des millions d’Occidentaux, mais il devrait en séduire un nombre significatif, suffisamment pour changer à jamais le visage de l’Europe pour commencer…

Quand on pense aux États-Unis on pense à l’aigle à tête blanche qui trône sur le billet d’un dollar, entre autres symboles attachés à la civilisation américaine. On ne pense assurément pas au voile islamique. Pourtant, le Congrès américain compte désormais une députée voilée, une ancienne réfugiée somalienne élue du Minnesota, la démocrate Ilhan Omar. L’image est saisissante, une femme voilée représente désormais le peuple américain, participe à la rédaction de ses lois et à l’exercice de sa souveraineté.

Les États-Unis de Joe Biden à la pointe de la lutte contre l’”islamophobie”

Cet événement n’a pas échappé à une députée républicaine du Colorado, Lauren Boebert, qui n’a pas su malheureusement en faire un usage utile. En novembre dernier, elle a été filmée en train de se moquer de l’accoutrement de sa collègue musulmane, qu’elle a assimilée à une menace terroriste. La blague est de mauvais goût certes, le propos est excessif bien sûr, mais le symbole demeure : l’islam est présent au cœur du pouvoir américain ; l’islam est désormais chez lui aux États-Unis.

Mieux encore, la députée voilée a réussi à faire voter le 14 décembre dernier un projet de loi enjoignant au Département d’État de lutter contre l’islamophobie aux quatre coins du monde. Le Combating International Islamophobia Act a déjà reçu l’approbation du bureau du président et n’attend que le feu vert du Sénat pour entrer en vigueur. Il fera des États-Unis un nouvel allié de l’islam. Un tournant historique malheureusement passé sous silence par le renoncement des journalistes à parler d’autre chose que de la pandémie.

Cette prouesse islamique n’a été accompagnée d’aucun effort ni d’aucune contrepartie. Ceux qui attendent des excuses pour le 11-Septembre ou bien un aggiornamento de la doctrine musulmane devront patienter, l’islam n’ayant pas ouvert de dialogue avec l’Occident et n’ayant aucune envie de le faire. 

Désormais, faire des courbettes au monde islamique fait partie du kit du « politiquement correct » tout comme l’adhésion à la théorie du genre ou au mouvement gangster Black Lives Matter. 

Une telle évolution aurait été inimaginable il y a tout juste vingt ans.  Que s’est-il donc passé ? 

Le 11-Septembre est passé par là

L’Amérique est tombée sur un adversaire bien plus coriace que le communisme. 

L’islam est autre chose qu’une construction artificielle qui feint de venir en aide aux pauvres et aux déshérités. L’islam est une hyper-puissance qui, avec quelques bouts de chandelle, a réussi à vaincre les meilleures armées du monde en Somalie, en Irak et en Afghanistan. Entendu comme une civilisation, l’islam est autiste, il ne veut rien savoir des charmes de la modernité ou du développement qui finissent inéluctablement par ramollir les individus, à commencer par les hommes, en les rendant trop disciplinés et excessivement doux. L’islam n’interfère pas dans la personnalité de l’individu, il lui confère des limites certes, mais n’en fait pas un sujet docile du capitalisme programmé pour obéir et subir. En ce sens, l’islam est supérieur à l’Occident, il est préparé à la guerre, alors que l’Occident est taillé sur mesure pour la paix, l’indispensable auxiliaire du commerce et de l’industrie. Pour le dire autrement, l’islam forme des hommes d’action, l’Occident réplique à l’infini des hommes d’études et de production. Le genre d’hommes que l’Occident aime fabriquer est vite impressionné par la violence brute. Il se laisse vite désarçonner par le don spontané et facile de la vie pour une cause incertaine comme le jihad. Le 11-Septembre et tous les attentats qui l’ont suivi ont eu pour seule fonction de convaincre les Occidentaux que l’islam n’est pas un ennemi comme un autre. Alors, au lieu de le combattre, les Occidentaux se sont mis à l’aimer, comme on aime son bourreau dans le syndrome de Stockholm.

Aussi, ne devrions-nous pas prendre les terroristes pour des fous. Ils savent ce qu’ils font. C’est nous qui faisons n’importe quoi. Américains et Européens n’ont toujours pas compris que l’islamisme et le jihadisme ne sont pas des hérésies, mais de simples manifestations d’un impérialisme bien décidé à les manger tout cru. Le manifeste est clair : il suffit de lire Sayid Qutb et d’écouter Bin Laden. Ces deux-là sont tout sauf des imbéciles, ils pensent différemment de nous, mais ils pensent quand même. Avec deux fois rien, ils ont obtenu des résultats impressionnants, puisque désormais Washington, Paris et Berlin sont sous l’influence du soft power islamique. Fini le temps de la colonisation où Laurence d’Arabie pouvait prendre les musulmans pour des idiots. De nos jours, ce sont les Occidentaux qui sont les dindons de la farce que le monde islamique fait tourner en bourrique.

Dire cela n’est pas faire preuve d’islamophobie, c’est dire la vérité. Respecter l’islam, c’est cesser de le tutoyer et de le materner. On ne traite pas un géant de l’histoire comme un incapable qui a besoin d’aide. Il s’agit d’une super-puissance qui dispose d’un ingrédient que l’Occident a perdu il y a longtemps : le souffle divin. L’Occident peut disparaître, l’islam lui traverse les âges, moribond sur le plan matériel mais plein de vie sur le plan spirituel. 

À court terme, les Américains pourront nuire aux Chinois et aux Birmans en les traitant d’islamophobes. Ces deux grandes civilisations savent faire, elles ont inventé des défenses immunitaires contre l’islam. L’Occident, lui, est absolument démuni. Après avoir abandonné sa religion et sa spiritualité, il est devenu une grande réserve de naïfs prospères qui sont sortis de l’histoire sans s’en rendre compte. Une terre de mission en somme où l’islam a plus d’une corde à son arc. Il apporte des solutions éprouvées à des questions essentielles, tandis que le Vatican et les bureaucraties religieuses occidentales se barricadent derrière leur autisme et leurs milliards de dollars. L’islam ne va pas convertir des millions d’Occidentaux, mais il devrait en séduire un nombre significatif, suffisamment pour changer à jamais le visage de l’Europe pour commencer. Le capitalisme se croit malin en faisant alliance avec l’islam. Il peut même gagner un peu d’argent en vendant des burkinis ou des maillots de football en marge de la Coupe du monde au Qatar. Mais, à la longue, il perdra son principal moteur qui est la liberté de broyer le sacré. L’islam va imposer des limites à son attaque mortelle contre la famille et le patriarcat. On verra alors qui de Nike ou de l’islam aura le dernier mot ? En attendant, les Américains jouent avec le feu, et les Européens les observent les yeux écarquillés. À croire qu’il y aurait quelque chose de l’ordre de la volonté divine dans cette soumission progressive du monde occidental ? Allez savoir…




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Ecrivain et diplômé en sciences politiques, il vient de publier "De la diversité au séparatisme", un ebook consacré à la société française et disponible sur son site web: www.drissghali.com/ebook. Ses titres précédents sont: "Mon père, le Maroc et moi" et "David Galula et la théorie de la contre-insurrection".

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