Les Etats-Unis assoient leur hégémonie en imposant leurs normes juridiques au monde entier. Sous couvert de mesures anticorruption ou de lois d’embargo, Washington assujettit les grandes entreprises étrangères. Pour contrer cette guerre économique, la France a transposé des pans entiers du droit américain. Une stratégie risquée.
Depuis une vingtaine d’années, sous l’égide des néoconservateurs, démocrates tout d’abord puis républicains, faisant fi du principe d’isolationnisme qui avait auparavant prévalu au sein du « Grand Old Party », les Etats-Unis sont clairement passés du soft law – système juridique non contraignant – au hard law, avec la ferme volonté d’imposer leur corpus juridique, quitte à générer des distorsions manifestes de concurrence, pour mieux s’en affranchir quand il s’agit de leurs propres intérêts.
Cette guerre juridique asymétrique, dont l’extraterritorialité du droit est désormais le glaive – au sens propre comme au sens figuré – aux mains du Departement of Justice (DOJ, équivalent du ministère de la Justice), est au service d’une véritable ambition planétaire. Elle est de toute évidence un autre effet pervers de la globalisation, dont Technip, Total, BNP Paribas, Alstom et tant d’autres ont été victimes.
D’un monde bipolaire au « gendarme du monde » émetteur du droit
Dans le prolongement de l’effondrement du « rideau de fer », mettant ainsi fin à un monde reposant sur la bipolarité, George Bush (le père) prétendait vouloir instaurer un « nouvel ordre mondial ». Bill Clinton, qui lui succède en 1993, invite « ses concitoyens à se lancer à la conquête de tous les marchés du monde »[tooltips content= »Amiral (c.r.) Pierre Lacoste, en préface de François Auer, « Comment se protéger de l’espionnage et de la malveillance », Recrut’innov, 2009. »]1[/tooltips]. C’est sous son administration que naît l’idée d’appliquer le droit en qualité de « gendarme du monde » : ce seront les canons de lutte anticorruption érigés au sein de l’OCDE ou encore les lois d’embargos. Ainsi, les Etats-Unis se font le législateur d’un empire économique planétaire.
