Le journaliste franco-américain Gerald Olivier revient sur la place singulière qu’occupe la Cour suprême dans la vie politique américaine, et rappelle comment les conservateurs sont parvenus à y devenir majoritaires…
La Cour Suprême des Etats-Unis est le sommet de l’appareil judiciaire. Elle est la troisième branche du pouvoir. Son rôle est d’arbitrer les litiges et d’interpréter la Constitution pour « dire le droit » américain. Ses décisions ont valeur de loi et font jurisprudence. Elle compte neuf juges (six à sa création en 1787, mais ce nombre a été porté à neuf en 1869), nommés à vie par le président avec confirmation du Sénat. Les décisions s’y prennent à la majorité. Cinq juges suffisent donc pour imposer des décisions susceptibles de bouleverser la société, comme ce fut le cas pour « Roe v Wade », la décision de 1973 légalisant l’avortement.
Loin de clore le débat sur le sujet, Roe v Wade en fit un enjeu politique majeur pour les décennies à venir. Le droit à l’avortement est devenu une ligne de démarcation entre l’Amérique progressiste largement Démocrate, et l’Amérique conservatrice proche des Républicains. Il est devenu un critère capital dans la nomination des juges suprêmes.
L’annulation de Roe v Wade serait le premier signe de la fin des dérives engagées depuis un demi-siècle et l’amorce d’un retour de balancier, espéré et attendu depuis des décennies par la fameuse majorité silencieuse
Les Etats-Unis de 1973 comptaient de nombreux Etats conservateurs, marqués par la morale religieuse et le patriarcat. Pour ces Américains-là, la légalisation de l’avortement constituait une révolution culturelle aussi inattendue qu’inacceptable. Quelques leaders religieux, dont le révérend Jerry Falwell, pionnier parmi les télé-évangélistes conservateurs, comprirent l’énorme force politique que constituaient les chrétiens évangéliques, soudés par leur opposition à l’avortement. Ils décidèrent de mettre cette force au service du parti Républicain en échange d’un engagement de ses élus à se battre pour invalider Roe v Wade, entre autres façons par la nomination de juges conservateurs à la Cour suprême.
Les évangéliques, un électorat non négligeable
Du jour au lendemain, des personnalités politiques qui ne s’étaient pas engagées dans le débat sur l’avortement jusqu’à présent, prenaient des positions publiques tranchées, et se déclaraient « pro-life » pour se concilier le vote évangélique. Le plus proéminent d’entre eux fut Ronald Reagan. En 1967 alors gouverneur de la Californie, Reagan avait signé une loi légalisant l’avortement, mais à partir de 1978, en tant que candidat à la Maison Blanche, il se déclarait partisan du « caractère sacré de la vie ».
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Idem plus récemment pour Donald Trump. L’ancien playboy new yorkais,
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