Travailleurs frontaliers, autoentrepreneurs, éleveurs, artisans, et même fonctionnaires : ces « gilets jaunes » ont accumulé une impressionnante réserve de colère contre un appareil administratif qui ne les entend pas, voire les humilie. Reportage.
« Le mouvement des “gilets jaunes” résulte de trente ans de fiscalité excessive. » Cet avis ne vient pas d’un quelconque poujadiste posé sur son rond-point. C’est celui de Michel Taly, fiscaliste chevronné, ancien directeur de la législation à Bercy, sous Pierre Bérégovoy. Aspect troublant de la crise actuelle, des énarques et des économistes, que la violence des « gilets jaunes » révulse et que l’incohérence de leurs revendications désole, sont d’accord avec eux sur le point central : il faut renverser le désordre établi. Les règles qui changent en permanence et la pression fiscale en hausse constante, aggravées par une fonction publique en mode robot vocal, ont transformé en rage le « burn-out de la société française », évoqué par Jean-Paul Delevoye en 2011, alors qu’il quittait son poste de médiateur de la République. Les impôts et les taxes sont au cœur du dossier, car pratiquement toutes les décisions de la puissance publique ont une déclinaison fiscale, mais le mal est plus profond. Que penser d’un État qui ne paye pas ses soldats pour cause de bug et tente de rançonner Emmaüs ? Derrière nombre d’actions apparemment improvisées des « gilets jaunes », on peut remonter le fil de litiges concrets et de requêtes simples que la puissance publique a enregistrés sans écouter. Si vous êtes artisan harcelé par l’Urssaf : lisez l’article 1. Si vous êtes frontalier : article 2. Si votre colère a trait à la sottise écologico-administrative : article 3. Si le régime social des indépendants a failli vous rendre fou : article 4. Si vous pensez que Sécurité routière signifie calvaire des automobilistes : article 5. Si vous êtes un soldat victime du désastre informatique Louvois : voir le texte de Gil Mihaely. Et pour une année 2019 peut-être pire encore, veuillez patienter.
1 – L’Urssaf en roue libre, jusqu’au ravin
Le 10 octobre 2018, le jour même où deux routiers de Seine-et-Marne lançaient sur Facebook l’idée d’occuper les ronds-points, Emmanuel Macron prononçait la phrase idoine pour les remplir d’artisans en colère : « L’Urssaf est votre amie. » Le président, qui s’exprimait devant un parterre de « start-upeurs », entendait souligner la vocation pédagogique de l’institution chargée du recouvrement des cotisations sociales. Peut-il vraiment ignorer que depuis six ans, les unions régionales de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) ne connaissent qu’une politique, celle du chiffre ? L’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), année après année, a battu tous ses records. Le montant des sommes recouvrées a augmenté de 70 % entre 2011 et 2016, à 555 millions d’euros, sans que rien n’indique une hausse de la fraude réelle. Les méthodes employées pour parvenir à ce résultat ont laissé des traces terribles, sur fond de malentendu complet. Lorsque le gouvernement Ayrault a annoncé son intention de durcir la lutte contre la fraude fiscale et le travail dissimulé, en 2012, chacun avait en tête les montages de Facebook pour ne rien payer en France ou les travailleurs détachés bulgares opérant sur le territoire. Ceux-là, en pratique, ont échappé aux inspecteurs, qui se sont déchaînés sur les entrepreneurs et les autoentrepreneurs. L’épouse d’un restaurateur remplace au pied levé son mari, hospitalisé le jour même pour un infarctus. Un inspecteur de l’Urssaf arrive en contrôle inopiné. Absence de déclaration préalable à l’embauche, travail dissimulé : 35 140 euros d’amende. Le couple a dû aller en justice pour obtenir gain de cause.
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Le dirigeant du petit magazine sportif Planète Lyon recrute cinq lycéens, dont deux sont ses cousins, pour distribuer des flyers un soir de match de l’Olympique lyonnais, à 20 euros chacun, pour deux heures. L’Urssaf l’apprend. Amende de 21 344 euros pour travail dissimulé, infligée à une TPE réalisant 50 000 de chiffre d’affaires. Le 12 juillet 2018, traînant encore ce boulet, l’entreprise Planète Lyon a été mise en liquidation.
Patron de la PME Ultralu, Territoire de Belfort, Claude Goudron avait prêté 3 000 euros à un salarié expulsé de son logement avec deux enfants en bas-âge. Le salarié remboursait sur trente mois, sans intérêts. L’absence d’intérêts sur les prêts est une forme de rémunération qui doit figurer dans l’assiette des cotisations a considéré l’Urssaf, qui a réclamé à l’entreprise 1 750 euros de cotisations supplémentaires.
L’argent de poche des compagnons d’Emmaüs taxé
Même Emmaüs y est passé. En août 2016, une inspectrice de l’Urssaf tombe sur la communauté Fontaine Notre-Dame de Cambrai. L’association verse de l’argent de poche aux compagnons, de l’ordre de 20 euros par jour. Un salaire, soumis à cotisations salariales et patronales. 87 867 euros de redressement ! Emmaüs est allé en justice. L’Urssaf a perdu en première instance le 26 juillet 2018, devant le tribunal d’Arras, mais elle pourrait revenir à la charge. Elle a le droit pour elle, la Cour de cassation a tranché en 2013, l’argent de poche d’Emmaüs est soumis à cotisation.
Pas de meilleur ferment de révolte que les lois appliquées aveuglément, mais comment arrêter notre amie l’Urssaf ? La lourde machine est bien lancée et le « travail dissimulé », bien mal défini. La société Uber, qui a les moyens de se payer les meilleurs avocats, n’a eu guère de mal à obtenir en mars 2017 l’annulation d’un redressement de 5 millions d’euros. Le jeune maraîcher qui demande occasionnellement un coup de main à son père est une proie plus commode. Les inspecteurs « font du rendement, sont soumis à des objectifs quantifiés aberrants », dénonçait en juillet dernier Patrick Schuster, secrétaire FO de la commission permanente des organismes de contrôle de la Sécu.
À partir de 2016, l’Urssaf a achevé de se discréditer elle-même en généralisant les offres de « transaction » : payez vite, abandonnez vos droits de recours, et on fera un geste… Cette politique n’est pas choquante sur le principe – le fisc l’applique depuis longtemps –, mais concernant l’Urssaf, elle intervenait après quatre années de discours intransigeant sur la rigueur sacrée des textes et l’égalité absolue devant la loi. Incompréhension totale.
Le travail au noir est très fréquent chez les indépendants, mais la tolérance zéro dans ce domaine est-elle réaliste ? En avril 2016, un mécanicien retraité de 65 ans de Fouesnant (Finistère) s’est retrouvé en garde à vue pour avoir réparé des voitures sans le déclarer. Son dossier est allé encombrer la correctionnelle. Le malaise de la procureur était palpable à l’audience. Le prévenu, a-t-elle constaté, « a complété ses revenus plutôt modestes par un travail dissimulé », qui lui rapportait 500 euros par mois, avec lesquels il aidait ses enfants. Le mécano a écopé de six mois avec sursis et de 10 000 euros d’amende, mais la cour, pas dupe, a ordonné que lui soit restitué l’argent qu’il avait gagné.
Les partenaires sociaux aux abonnés absents
Dans la nuit du dimanche 2 décembre, le siège régional de l’Urssaf Rhône-Alpes-Auvergne, à Vénissieux, a pris feu. Des « gilets jaunes » ont embrasé des pneus entassés devant la porte. Les Urssaf de Roanne (Loire) et de Carcassonne (Aude) ont également été prises pour cible. Le lundi 3 décembre, Gérald Darmanin convoquait les directeurs régionaux de l’Urssaf et annonçait la mise en œuvre accélérée de mesures déjà décidées : nomination de médiateurs en région et limitation du nombre et de la durée des contrôles dans deux régions pilotes, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France. Les directeurs régionaux reviendront tous les six mois à Bercy faire le point. « Les représentants des syndicats de salariés et d’employeurs qui siègent au conseil d’administration des Urssaf et regardent ces abus sans les voir depuis des années, en revanche, ne rendront pas de comptes, souligne François Taquet, avocat fiscaliste et animateur du Cercle Lafay, qui recense les abus des Urssaf. Les “gilets jaunes” n’attendent rien des partenaires sociaux, à juste titre. »
2 – Les frontaliers suisses et allemands contre la Sécu
Pas moins de 4288 plaignants, le parc des expositions de Mulhouse loué comme salle d’audience du 11 au 14 septembre et, sur le banc des accusés, un État dit « providence »… Passé quasiment inaperçu à Paris, le procès intenté à l’assurance maladie par les frontaliers est le plus grand de l’histoire de France. Il a énormément abîmé l’image de l’État dans les régions concernées. À partir de 2014, l’assurance maladie française a entrepris de forcer le bras aux frontaliers qui travaillent en Suisse et en Allemagne pour qu’ils cotisent à la Sécurité sociale. À une large majorité, ces derniers préfèrent s’affilier aux régimes allemands et suisses. Pour l’assurance maladie, l’enjeu était double : récupérer des cotisations et étouffer dans l’œuf un précédent fâcheux. Si notre assurance maladie est vraiment la plus généreuse du monde, pourquoi les frontaliers la dédaignent-ils ? Dès le début, tous les juristes ont souligné la fragilité des positions de la Sécu. De longue date, l’adhésion à un régime de protection sociale est obligatoire, mais ceux qui ont le choix peuvent l’exercer. L’assurance maladie a décidé unilatéralement que c’était intolérable. Elle a affilié d’office les frontaliers en envoyant des avis à payer et des sommations d’huissier. Les intéressés gagnant plusieurs fois le SMIC et ayant le droit pour eux, ils n’ont pas plié. La Sécu non plus. En juin 2018, après avoir perdu en cassation, elle envoyait encore des courriers comminatoires à des frontaliers, jouant la carte ô combien usée de l’autisme administratif. Le mégaprocès de septembre à Mulhouse devant le tribunal des affaires de la Sécurité sociale est, sur le fond, dérisoire : il s’agit seulement, pour les frontaliers, de se faire radier en bonne et due forme de la Sécu ! En 2017, l’État a ouvert un nouveau front à l’Est, en imposant aux retraités qui touchent une pension allemande de payer des prélèvements en France (CSG et CRDS), alors qu’ils sont déjà imposés en Allemagne… Début décembre, les « gilets jaunes » étaient très mobilisés en Alsace et en Franche-Comté, y compris dans des villes prospères comme Pontarlier. À Morteau (5 % de chômeurs), ils ont contraint l’hôtel des impôts à fermer, le 6 décembre.
3 – Les excès de zèle de la police de l’environnement
Mercredi 5 décembre, ministère de l’Écologie. La réunion de crise avec les conseils en communication dure depuis quatre heures. Les collaborateurs de François de Rugy sont en quête d’idées pour montrer que l’écologie n’est pas seulement punitive et que « le ministère fait des choses pour les gens ». La réunion sera infructueuse. Il faut dire que la tâche est rude. On dirait en effet que l’administration de l’environnement n’a pas ménagé ses efforts ces dernières années pour donner corps au concept d’« écologie punitive ». En avril 2015, le garde des Sceaux a donné consigne aux procureurs de sanctionner plus durement les atteintes environnementales. Résultat immédiat. Les atteintes aux espaces naturels recensées par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ont bondi de 31 % en 2016. Cette année, les directions régionales de l’environnement (Dreal) ont trouvé le bon filon, raconte un élu de la Fédération des activités de dépollution (Fnade). « Elles débarquent dans les décharges et mettent des amendes à 150 euros la tonne parce que le stock de déchets dépasse le total admis. » Les Dreal gagnent à coup sûr. Voilà un an, la Chine a suspendu ses importations massives de déchets à recycler. Tout le monde savait que les filières françaises allaient saturer, en particulier pour le bois, le plastique et le papier.
Le code de l’environnement offre une telle palette d’infractions qu’il est toujours possible de verbaliser. Vous brûlez des mauvaises herbes dans votre jardin ? Amende de 450 euros, article L1311-2 du code de l’environnement. Vous fumez en forêt, même humide ? Amende de 135 euros. Vous peigniez vos volets ? Amende. Cet été, les préfectures de l’Isère et de la Loire ont interdit l’utilisation des peintures, vernis ou white-spirit en cas de pollution atmosphérique…
Ces textes maximalistes font peu de vagues, car les gendarmes les appliquent avec mesure. Ils sont chez eux, dans le monde rural. On ne peut en dire autant de tous les représentants des forces de l’ordre. Dans le parc du Mercantour, en juillet 2012, deux agents ont verbalisé les organisateurs de la messe en plein air de Saint-Dalmas-le-Selvage pour manifestation sans autorisation dans une aire protégée (cette messe est célébrée depuis le retour des villageois évacués de la vallée en 1940). Les relations des agents avec la population sont tendues depuis des années. Mandaté pour déminer le terrain, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) évoque dans un rapport de décembre 2012 des gardes qui n’obéissent pas à leur hiérarchie et qui ont du mal à « concilier dans l’exercice de leur mission de police la protection de la nature et l’attention aux hommes »…
Au Mercantour et ailleurs, les loups sont en train de porter le problème au paroxysme, ruinant la confiance que les éleveurs pouvaient avoir dans les administrations de l’environnement. Beaucoup sont persuadés que des militants écologistes relâchent des loups en France pour hâter leur retour, avec la complaisance, voire la complicité de fonctionnaires. Un incident préoccupant a durci le climat cet été. Les traces de deux animaux dont l’ADN correspond à des loups baltes ont été repérées en Lozère, provoquant la colère des éleveurs locaux et des heurts avec les forces de l’ordre. Une manifestation a paralysé Mende le 26 juillet. L’Office national de la chasse et de la faune sauvage a lancé une enquête pour comprendre comment ils avaient pu arriver dans le sud de la France. Pour Bruno Lecomte, éleveur dans les Vosges, qui travaille depuis des années sur l’hypothèse d’un retour organisé du loup, la messe est dite. « Les écologistes et le ministère de l’Environnement rêvent d’ensauvager 10 % du territoire. Ils veulent faire de nous des intrus. » En Lozère, les paysans ont rejoint le mouvement des « gilets jaunes » dès le 23 novembre. La préfecture du Puy-en-Velay, dans le département voisin de la Haute-Loire, a été incendiée le 1er décembre. Près du Puy, au rond-point de Lachamp, sur la RN 88, les « gilets jaunes » avaient dressé une fausse guillotine de trois mètres, avec un mannequin représentant Emmanuel Macron. Elle y est restée des jours. Aucune télé nationale n’a osé la montrer.
4 –Le désastre du régime social des indépendants
Lancé en 2008 et dissous au 1er janvier 2018, le régime social des indépendants a été qualifié de « désastre » par Manuel Valls en 2015 et de « catastrophe industrielle » par la Cour des comptes dans un rapport de 2017. Issu de la fusion de trois caisses plus petites, il était censé devenir le grand organisme de Sécurité sociale de 6,8 millions d’assurés, artisans, commerçants ou chefs d’entreprise, ainsi que leurs proches. Miné par les bugs informatiques, il s’est mué en machine à tourmenter ses affiliés : appels de cotisation erronés, saisies sur les outils de travail pour des litiges portant sur quelques dizaines d’euros, pensions non versées : personne ne sait combien de faillites, de dépressions nerveuses et de suicides a provoqué le RSI, mais il y en a eu. Le 5 décembre 2016, un homme de 62 ans s’est tailladé les veines avec une lame de rasoir à l’accueil du RSI d’École-Valentin, près de Besançon. Il a expliqué aux pompiers qu’il ne souhaitait pas mourir. Il voulait juste toucher sa pension ! Le RSI ne répondait ni à ses appels ni à ses courriers. Depuis le 1er janvier de cette année, les indépendants sont rattachés au régime général et ils s’en portent mieux, mais la calamité du RSI a laissé des traces. Le 26 novembre, à Niort, des « gilets jaunes » ont manifesté devant les locaux du régime, qui s’éteindra officiellement début 2020.
5 – La rationalité perdue de la Sécurité routière
Gérard Collomb avait vu juste. L’abaissement de la vitesse à 80km/h sur les départementales en juillet 2018 apparaît rétrospectivement comme une énorme erreur politique. Son effet est flou (la Sécurité routière enregistre moins de morts, mais plus d’accidents) et elle a terriblement braqué l’opinion. Le nombre d’automobilistes flashés a doublé en juillet, à plus de 500 000 PV, contre 251 000 en juillet 2017, mais les attaques contre les radars explosent. La délégation à la sécurité routière (DSR) ne communiquait plus de chiffres en décembre. Le mardi 11 décembre, les sites spécialisés recensaient plus de 220 appareils hors service (sur 4 700), dont 200 totalement détruits. 80 % des radars de Dordogne, 95 % de ceux de Haute-Loire, 50 % de ceux des Landes étaient inopérants. « Le radar sauve des vies en dissuadant les usagers de commettre des excès de vitesse », a rappelé la DSR le 5 décembre. Un propos auquel souscrivaient seulement 7 % seulement des sondés, dans une enquête d’opinion réalisée par BMV pour Allianz en mars 2017. Le sentiment ultra dominant est que les radars servent à faire de l’argent. Comme politique acceptée et comprise, la sécurité routière est morte. Mais qui l’a tuée ? En mai 2007, les inspections générales de l’administration, de la gendarmerie nationale, des ponts et chaussées et de la police nationale ont réalisé un audit commun des « politiques locales de sécurité routière ». Ils relevaient des évidences, que les gouvernements successifs ont balayées, partant du principe qu’un conducteur est par essence de mauvaise foi. Il y a « dans un certain nombre de cas », une « inadéquation des limites de vitesse fixées par rapport aux dangers effectifs de la route et à la possibilité́ de rouler que perçoit l’usager. Il en résulte une source légitime de mécontentement. Les conducteurs ont le sentiment de se faire piéger sans rime ni raison ». Voilà sans doute ce que le comédien Pierre Arditi appelait « un discours à la con » dans son vibrant plaidoyer pour les 80 km/h déclamé sur le plateau d’« On n’est pas couché », le 10 septembre. À ce détail près que les « cons » sont, en l’occurrence, des gradés de la gendarmerie ou de la police et des ingénieurs X-Ponts. Ceux-ci mettaient également en garde les maires, « qui ont le sentiment que, plus ils abaisseront la limite de vitesse, plus les voitures ralentiront », et qui n’hésitent « donc pas à fixer des limites manifestement irréalistes ou inappropriées ». L’État n’est pas en reste : « Dans un certain nombre de cas, les limites de vitesse fixées sur les routes nationales ne sont pas totalement rationnelles. » Les rapporteurs appelaient à une remise en ordre, sous peine de « discréditer » la Sécurité routière. C’était bien vu. Mais personne n’a entendu.
Et maintenant, le prélèvement à la source, le service national universel et la réforme des retraites…
Dans son allocution télévisée du 10 décembre, Emmanuel Macron a principalement distribué de l’argent, qu’il s’agisse de la prime pour les salariés au SMIC, de la défiscalisation des heures supplémentaires ou de la suspension de la hausse de CSG sur les petites retraites. Il n’a rien dit sur le train de mesures qui arrive. En janvier 2019, le prélèvement à la source entre en vigueur. Il va avoir un effet psychologique, les feuilles de paie étant amputées. Il y aura également des erreurs. Contacté, le syndicat Solidaires Finances ne cache pas sa préoccupation. La France compte quelque 37 millions de foyers fiscaux, dont 17 millions sont imposés. Même avec une transition réussie à 99 %, les centres des impôts et les employeurs devront affronter 170 000 contribuables perdus, au mieux, mécontents au pire, qui ne sauront pas forcément d’où vient l’erreur. Solidaires attire par ailleurs l’attention sur le fait que les régularisations ne pourront pas se faire en un mois, contrairement à ce que soutient Gérald Darmanin. Il faudra au moins deux mois.
Si le gouvernement reste sur sa ligne, viendra ensuite le service national universel obligatoire pour tous les jeunes, prévu sur deux fois quinze jours. Inscrit dans la constitution en juillet dernier, il doit se déployer progressivement à partir de 2019. État de préparation : inconnu. Risque de fronde des lycéens : élevé. Les agriculteurs, de leur côté, se mobilisent déjà contre une hausse de la taxe pour pollution diffuse. N’oublions pas les artistes : à compter de 2019, ils feront connaissance avec l’Urssaf, qui prend le relais de leurs caisses de sécurité sociale sur mesure (Agessa et Maison des artistes). L’intensification de la chasse aux arrêts de travail abusifs est également au programme. Les caisses d’assurance maladie ont des objectifs chiffrés confidentiels. Elles vont multiplier les visites de contrôle à domicile et jouer le règlement (un arrêt doit être déclaré dans les 48 h, la personne en arrêt n’est pas censée sortir, etc.).
Aux prochaines vacances, les Français découvriront que le gouvernement a réformé la taxe de séjour. Jusqu’ici symbolique (quelques euros pour deux semaines en location), elle sera multipliée par cinq à dix à partir du 1er janvier 2019, pour renflouer les caisses des collectivités privées de taxe d’habitation. Arrivera enfin la réforme la plus ambitieuse du quinquennat, l’instauration d’un régime de retraite universel par points, où chaque euro cotisé donnerait droit à la même pension. Ce qui suppose des arbitrages sur les régimes spéciaux générant des dizaines de milliers de perdants. Une année à haut risque.
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