Etat islamique : pas en leur nom!


Etat islamique : pas en leur nom!

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En l’après-midi ensoleillé de vendredi, rendez-vous était donné à la mosquée de Paris par les musulmans de France, pour protester contre l’assassinat d’Hervé Gourdel. Dans le métro, on croise Xavier Bongibault, ex-figure de proue de la Manif Pour Tous, qui s’en va rejoindre Frigide Barjot. Devant la porte de la mosquée, à l’ombre du vénérable minaret de style mauresque, une petite foule s’agglutine. On constate bien vite qu’il y a au moins deux, voire trois journalistes pour un manifestant, à l’affût des sons, des déclarations, des images.

Sur le seuil de la mosquée, diverses sommités sont présentes. Le recteur Dalil Boubakeur prend d’abord la parole, interrompu à la fin par des manifestants qui l’interpellent : « c’est la France qui a armé les djihadistes, dis-le, Boubakeur ! » On passe ensuite le micro à Mgr Dubost, archevêque d’Evry-Corbeil-Essonnes et responsable du dialogue avec l’islam pour l’Eglise catholique de France. Le prélat semble parler au cœur de nombreux manifestants, qui l’applaudissent chaleureusement. « Je ne partage pas votre foi, mais je vous respecte. Je n’ai rien dans mes mains, sinon mon amitié ». Un intervenant musulman s’exclame : « Bravo au Cardinal ! », lui décernant une promotion ecclésiale qui le ferait rougir de la même couleur que la soutane correspondante.

Puis viennent les politiques. Anne Hidalgo prononce un petit discours, chargé de mots-clés tels que « tolérance », « égalité », « lois de la République », « unité ». « Ensemble, nous sommes plus forts que le terrorisme », déclare-t-elle, mi-martiale, mi-lénifiante. Pour peu, on croirait entendre l’hymne de propagande inventé par le conseiller en communication du président des Etats-Unis, dans le film de Barry Levinson Des hommes d’influence, excellente parodie de la manipulation médiatique : « Ensemble, protégeons notre pays… Ensemble, protégeons notre rêve… » Après la PS Anne Hidalgo, les UMP Valérie Pécresse et Nathalie Kosciusko-Morizet sont priées d’apporter leur pierre à l’édifice républicain. La candidate malheureuse à la mairie de Paris, sans doute à cause de sa proximité avec Nicolas Sarkozy, est fraîchement reçue : « Je suis heureuse d’être là parmi vous… – Pas nous ! ». Une dizaine de manifestants la huent copieusement. Dernier à s’exprimer, un des imams de la Mosquée se fait vibrant : « je demande au terroriste, quel droit as-tu de t’exprimer au nom de l’islam ? De quel droit oses-tu parler au nom d’Allah ? » Il précise son propos : « toi tu es musulman, mais le Juif a-t-il choisi de naître Juif ? Le Chrétien a-t-il choisi de naître Chrétien ? Non, alors il faut les respecter, plutôt que de les attaquer parce qu’ils ne sont pas musulmans ! ». L’intention est louable, mais incorrecte, dans le cas du christianisme. On ne naît pas chrétien, on le devient, par un acte de foi, dans la liberté, qui peut concerner tout homme, même un musulman. La foi n’est pas un acquis, mais une rencontre, un changement de vie sans cesse actualisé.

Dans la foule, les journalistes se lancent en quête de témoignages. Un sujet revient souvent dans les discussions : l’assassinat d’Hervé Gourdel, pour beaucoup de manifestants d’origine algérienne, leur rappelle la guerre civile des années 1990, contre les islamistes. « A l’époque, on se faisait égorger, et vous ne disiez rien ! », dit l’un d’entre eux à une journaliste. « Les médias français disaient que ce n’était l’armée qui tuait, mais en face, il y avait les mêmes barbares qu’aujourd’hui ! C’est vous qui les avez, à présent ! », renchérit une femme voilée. « J’ai dû fuir l’Algérie pour venir en France. Si vous nous aviez aidé à les éradiquer, on n’en serait pas là aujourd’hui ! » poursuit un jeune, à la porte de la librairie coranique en face de la Mosquée.

Tous sont unanimes pour dire que l’Etat islamique ne représente ni l’islam ni les musulmans. Mais beaucoup de manifestants réfutent le slogan venu de la communauté musulmane britannique : « Not In My Name ». « On n’a pas à se justifier », disent-ils. Alors que les intervenants s’éclipsent, les discussions continuent à la porte de la Mosquée. Les Etats-Unis et la guerre d’Irak sont sévèrement blâmés : « c’est de leur faute, l’assassinat d’innocents, c’est la réponse à la violence abjecte des prisonniers torturés d’Abu Ghraïb », lance un manifestant. Un autre se laisse aller à sa colère : « si j’attrape un de ceux qui ont tué notre compatriote, je l’enferme dans une porcherie !  Tout seul avec les cochons, sans rien manger ! »

Une femme voilée porte un drapeau algérien sur le dos. Une journaliste s’approche et lui demande : « vous êtes Algérienne ? Vous venez de la région où Hervé Goudarel a été tué ? Non ? Dommage, ça aurait été intéressant… »

Dommage, oui. Ce rassemblement aurait pu être émouvant et inspirant, s’il n’avait été à ce point enseveli sous les flots politiques et médiatiques.

*Photo : MEIGNEUX/SIPA. 00693705_000002.



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