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Et s’il ne fallait plus se coucher pour réussir ?

Quelques cas récents de rébellion anti-woke, rien que pour vos yeux !


Et s’il ne fallait plus se coucher pour réussir ?
Johnny Depp et Maïwenn. © Sipa

De plus en plus d’artistes ont le courage de s’opposer au gauchisme culturel, à sa police des mœurs et à ses commissaires de la bien-pensance. Face aux délires du wokisme, ils défendent la singularité du théâtre, du cinéma et de la littérature. Démonstration avec huit cas récents de rébellion.


17 novembre : une brochette de stars s’engagent en faveur de la corrida

Une affiche de rêve : Sophie Calle, Philippe Caubère, Hervé Di Rosa, Agnès Jaoui, Catherine Millet, Jean Nouvel, Ernest Pignon-Ernest, Denis Podalydès, Rudy Ricciotti… En quelques jours à peine, ils se sont mobilisés pour dire non à la loi visant à interdire la corrida portée par l’élu LFI Aymeric Caron. Dans Le Figaro, journal où certains d’entre eux n’auraient jamais imaginé un jour apposer leur signature, ils publient une tribune collective : « Députés, n’interdisez pas la corrida, qui est une culture, un patrimoine, une sociabilité ! » Ils y défendent la tauromachie, cette « liturgie rituelle, qui inspire tous les arts autant que la philosophie et l’anthropologie », aux « racines culturelles et populaires incontestablement profondes et vivaces ». Bien sûr, une pluie d’injures s’est vite abattue à travers les réseaux sociaux sur les audacieux dissidents. Mais, beau joueur, Caron a préféré reconnaître sur LCI la « liberté d’aimer cette pratique », rappelant d’ailleurs qu’il avait auditionné Denis Podalydès à l’Assemblée avant de déposer sa loi. Hélas pour lui, sa proposition sera finalement retirée suite à une palinodie interne à la Nupes. Un coup d’épée dans l’eau, qui aura au moins établi que nul n’a à trembler devant les amis de M. Mélenchon.

18 janvier 2023 : Fanny Ardant, Charlotte Gainsbourg et 200 indomptables disent « non » aux Torquemada du cinéma

À Libération, on n’a manifestement toujours pas tiré les leçons de Bruay-en-Artois. Le 25 novembre dernier, le journal de Dov Alfon consacre un long dossier à l’affaire Sofiane Bennacer, du nom de ce comédien mis en examen pour viols et violences sur conjoint. « Plusieurs victimes parlent », promet sans nuance la couverture, alors qu’à ce stade de l’enquête les accusatrices du jeune homme ne sont que des victimes présumées. Ou comment, pour faire un titre qui claque, on piétine l’État de droit et on condamne quelqu’un avant même qu’il soit jugé (au moment où nous écrivons ces lignes, le procès n’a d’ailleurs toujours pas eu lieu). Le 2 janvier, rebelote. L’Académie des César à son tour cloue au pilori l’acteur, qui venait de se distinguer dans Les Amandiers, de Valeria Bruni-Tedeschi, en le rayant de la liste des « talents émergents » sélectionnés par le comité révélations. Dieu merci, quinze jours plus tard, devant cette lettre de cachet des temps modernes, plus de deux cents personnalités se rebiffent et cosignent dans Le Point une « tribune contre la présomption de culpabilité ». Parmi elles, des figures d’autorité du métier comme Fanny Ardant, Yvan Attal, Charles Berling, Patrick Chesnais, Béatrice Dalle, Annie Duperey, Charlotte Gainsbourg, Serge Kaganski, Marin Karmitz, Danièle Thompson… toutes d’accord pour dire que « la défense des femmes est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux mains d’une doxa activiste », comme l’écrit la philosophe Sabine Prokhoris, rédactrice de la tribune et elle-même ancienne plume de Libé en dissidence. Puisqu’on vous dit que « paillettes » ne rime pas forcément avec « mauviettes » !

Fanny Ardant. Copyright Sipa


31 janvier : Vaincre ou mourir fait une percée au box-office

Le réalisateur Vincent Mottez devrait peut-être brûler un cierge pour remercier Libération. Sans le concours involontaire du journal préféré des bobos, jamais son film de cape et d’épée, tout à la gloire des chouans, n’aurait rencontré un si grand succès public. Dès la veille de sa sortie, le 24 janvier, Libé lui consacrait rien moins qu’une « une », avec ce titre fielleux : « Le Puy du fourbe ». Et une accusation terrible : « Le premier long-métrage des productions Puy du Fou Films réécrit l’histoire de la Révolution française. » Une publicité mensongère en réalité. Censé éclairer notre lanterne, le dossier « Événement » du jour n’est qu’un pénible ricanement gauchiste, étalé sur quatre pages sans le moindre commencement de preuve. D’ailleurs, l’historien Jean-Clément Martin, peu suspect de villérisme, confirmera quelques jours plus tard dans Marianne que le film ne comporte « pas d’erreur factuelle notable qui choque, sauf une : la signature par Charette du traité de paix du 17 février 1795, ce qui n’a pas eu lieu ! » Résultat, malgré une distribution limitée à 188 cinémas à travers le pays, l’épopée vendéenne suscite la curiosité de nombreux passionnés d’histoire et dépasse les 250 000 spectateurs en à peine un mois. Au point d’arriver à la deuxième place du classement français des fréquentations moyennes par salle, derrière Avatar 2 de James Cameron. Merci les wokes !

Hugo Becker en Charrette dans le film Vaincre ou Mourir (2023). Coréalisé par Vincent Mottez et Paul Mignot et produit par le Puy du Fou. Copyright Christine Tamalet.

1er février : quarante personnalités défendent Bastien Vivès

La cancel culture dans toute sa laideur. Pour avoir publié des images mettant en scène de banals fantasmes sexuels d’enfants (dans des albums évidemment interdits à la vente aux mineurs), le dessinateur le plus brillant de sa génération subit depuis le début de l’année une odieuse campagne d’effacement. En janvier, on apprenait ainsi que le Festival d’Angoulême avait annulé une exposition censée lui rendre hommage cette année, tandis qu’en mars, les bibliothèques publiques de Montréal retiraient les deux ouvrages incriminés de leurs rayonnages. Mais ne comptez pas sur la ministre de la Culture pour défendre la liberté d’expression de l’artiste : « Je respecte le choix du festival », fait-elle piteusement savoir au Monde le 16 janvier… Dans ces conditions, on ne peut que féliciter les 40 braves, parmi lesquels deux anciens titulaires de la Rue de Valois, François Nyssen et Jack Lang, mais aussi Enki Bilal, Coco, Blanche Gardin, Michel Hazanavicius, Oxmo Puccino et Riss, qui ont signé, quinze jours plus tard et toujours dans Le Monde, une tribune en soutien à Vivès, dans laquelle ils dénoncent le « contrôle de la pensée » et rappellent une évidence : « L’évocation du mal n’en est pas son approbation, comme le soulignait la défense de Baudelaire, accusé de promouvoir le vice. » Les héritiers du procureur Pinard n’ont pas fini de nous soûler.

Bastien Vivès – Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2013

8 mars : Franck de Lapersonne à l’affiche du nouvel Ozon

C’est probablement à ce genre de gestes que l’on reconnaît les plus grands. Dans son nouveau (et génial) film Mon crime, François Ozon a fait appel à un acteur paria, Franck de Lapersonne, pour interpréter le propriétaire du garni parisien typique des années 1930 où habitent les deux héroïnes. Après s’être présenté en 2017 aux élections législatives sous les couleurs du marinisme, l’acteur était devenu tricard au cinéma. Bien sûr, Ozon n’est pas non plus une tête brûlée. Avant d’employer le comédien, il s’est assuré que celui-ci, que l’on a pu voir dans de truculents seconds rôles chez Claude Chabrol, Georges Lautner et Bernard Blier, avait abandonné toute ambition politique. « Il m’a raconté qu’il regrettait d’avoir été enrôlé par Florian Philippot, qu’il reconnaissait avoir fait une erreur, qu’il avait fait une dépression », se justifie-t-il le 2 mars dans les colonnes des Inrockuptibles, bulletin de la paroisse radicale-chic. Reste que, derrière ce mot d’excuse obligatoire dans le milieu si conformiste du septième art, le réalisateur de Huit femmes a bravé un interdit et agi en authentique artiste, se posant tout simplement la question du « meilleur choix pour ce rôle ». Alors ne soyons pas bégueule et osons rendre grâce à Ozon. Et puis, en ces temps de néo-maccarthysme, comment ne pas saluer un admirateur revendiqué de Woody Allen ?

14 mars : À Paris, Bret Easton Ellis soutient J. K. Rowling

« Harry Potter, c’est de la daube ! » avait-il déclaré en 2019 lors de son dernier passage au Salon Fnac Livre. Que s’est-il passé depuis ? Invité à s’exprimer sur la même scène parisienne cet hiver, dans le cadre de la promotion de son nouveau livre Les Éclats (Robert Laffont), le petit prince des lettres américain n’a pas eu cette fois de mots assez doux pour J. K. Rowling, la créatrice du fameux sorcier à la baguette de houx. « Elle n’a rien fait de mal. Elle n’est pas transphobe”, a-t-il lancé au journaliste Christophe Ono-dit-Biot qui l’interrogeait sur sa quasi-jumelle britannique, boudée voire insultée de toutes parts depuis qu’elle a rappelé, voilà trois ans, la réalité biologique de la différence des sexes – autant dire un blasphème pour le lobby LGBT. « Je pense désormais que, dans cette société formatée, c’est même un honneur d’être cancellé », s’est même enhardi Ellis en signe de sympathie appuyée à Rowling. Sans tirer de conclusion hâtive, n’est-il pas inquiétant de voir toutes ces vedettes planétaires de l’édition résister si ostensiblement à l’avènement du progressisme radieux ?

Bret Easton Ellis. D.R

21 avril : à Bordeaux, Frédéric Beigbeder ne se prosterne pas devant les colleuses anti-suceuses

Bordeaux… Sa place des Quinconces. Son pont de pierre. Ses féministes radicales… Qui ont accédé en 2019 à une notoriété nationale quand elles ont carrément fait annuler, à force de menaces, un colloque universitaire de Sylviane Agacinski, philosophe devenue à leurs yeux une « délinquante de la pensée » depuis qu’elle a critiqué la GPA. En 2023, les revoilà à l’œuvre, cette fois-ci face à Frédéric Beigbeder, qui a eu le malheur de commettre au printemps un essai sur ses obsessions érotiques et son rapport au désir, Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé (Albin Michel). Un infâme ouvrage, pensez, puisque l’auteur ose s’y livrer à une scandaleuse « sexualisation des femmes », pour reprendre les termes d’une certaine Sarah, membre du collectif Collages féministes Bordeaux, qui résume ainsi son indignation au micro de France 3 Nouvelle-Aquitaine : « Il y a 94 000 femmes victimes de viol chaque année, ce n’est donc pas assez pour Frédéric Beigbeder ? » Le 20 avril, opération commando contre le vilain satyre basco-béarnais. Dans la nuit, le collectif recouvre d’affiches la devanture de la librairie Mollat, où l’auteur doit tenir conférence le lendemain : « Personne veut te sucer », « Beigbeder forceur », « Aie peur de nos envies meurtrières », peut-on lire. Pas de quoi toutefois intimider l’écrivain, qui se présente à l’heure dite au rendez-vous, certaines militantes ne manquant pas, alors, de venir lui hurler dessus dans la salle, le traitant d’« enfoiré » et lui lançant des doigts d’honneur. Quelque chose nous dit qu’elles ont perdu ce jour-là la bataille de l’opinion. Et que Beigbeder était un peu moins dépassé que son titre ne le suggère.

Frederic Beigbeder. Copyright Sipa

12 mai : Michel Vuillermoz tire à vue dans Le Figaro

Si seulement les gazettes culturelles nous offraient chaque jour des interviews comme celle-là ! En mai dernier, au moment de quitter la Comédie-Française après vingt ans de loyaux services, Michel Vuillermoz, dont on peut raisonnablement dire qu’il « a la carte », nous la joue Fabrice Luchini en se confiant longuement au journal de la liberté de blâmer et de l’éloge flatteur. Répondant à l’excellente critique dramatique Nathalie Simon, que l’on devine incrédule devant tant de franchise, l’inoubliable interprète de Cyrano de Bergerac – version Denis Podalydès – vide son sac, dit son amertume envers Éric Ruf (administrateur depuis dix ans de la maison de Molière), son allergie au « petit technocrate méprisant » Emmanuel Macron, et sa double détestation des Molières et d’Alexis Michalik. Sans oublier de déplorer « le wokisme, la réécriture des livres » et la « censure grandissante ». Suicide social en direct ? Simple excursion sur les terres d’indiscipline de Michel Houellebecq, Gérard Depardieu et Maïwenn ? L’avenir dira si le borderline réussit à Vuillermoz. En attendant, ne boudons pas notre plaisir. Pour une fois qu’un acteur, descendu des planches, s’illustre ailleurs que dans la presse people ou la chronique judiciaire.

Michel Vuillermoz, Credit:LAMACHERE AURELIE/SIPA

16 mai : Johnny Depp ouvre le Festival de Cannes

Mais pourquoi diable les néoféministes s’acharnent-elles sur Johnny Depp ? Seraient-elles mauvaises perdantes ? Comme chacun sait, l’acteur américain a gagné l’an dernier son procès contre son ex-compagne Amber Heard, qui l’accusait de violences conjugales. Une décision sans appel puisque, moyennant la réduction à un million de dollars seulement des dommages et intérêts qui lui étaient réclamés par le tribunal, la jeune femme a renoncé à tout nouvelle action en justice. On pouvait donc estimer Depp définitivement blanchi et pleinement le bienvenu au Festival de Cannes, où son nouveau film, Jeanne du Barry, réalisé par Maïwenn, était programmé en séance d’ouverture. Mais c’était sans compter sur les dizaines de professionnels français de la profession, parmi lesquels Julie Gayet, Géraldine Nakache et Laure Calamy, qui signèrent le jour venu dans Libération une tribune pour protester contre « ce tapis rouge aux hommes et femmes qui agressent ». Sans doute parce qu’ils ont l’habitude de travailler avec les géants du métier, les organisateurs de la semaine cannoise ne se sont pas laissé impressionner par ce « #Metoo-j’existe » et ont tenu bon. Faisant ici honneur à l’un des droits de l’homme les plus sacrés qui nous soient donnés : celui d’apprécier une sympathique bluette, tournée dans de somptueux décors et avec de jolies actrices, un doux soir de printemps sur la Croisette.

Johnny Depp et Maïwenn. Copyright Sipa.

Été 2023 – Causeur #114

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste.

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