En suggérant une délocalisation de la campagne électorale en Inde, Laurence Parigot peut se vanter d’avoir lancé un sacré buzz dans la mare. Certes, sa proposition iconoclaste arrive un peu tard pour se concrétiser dès cette année. Mais l’idée devrait faire son chemin d’ici aux prochaines échéances électorales, tant les arguments en faveur de cette révolution politique ne manquent pas : coûts divisés par dix, haut niveau de compétence des techniciens locaux, capables d’assurer les mêmes prestations que les intervenants français, sans parler du rayonnement politicien de notre pays. Qu’on y soit favorable ou frileusement hostile, cette novation fait en tout cas débat. Un débat que prolonge Qui Choisir, en donnant donc la parole à Laurence Parigot, avocate fougueuse mais souvent convaincante de cette « délocalisation présidentielle » et, plus largement, d’une mondialisation sans frontières.
Comment vous est venue cette idée révolutionnaire de délocaliser la campagne présidentielle en Inde ?
Laurence Parigot. J’ai été consternée par le caractère étroitement hexagonal du débat qui caractérise cette campagne présidentielle, alors même que nous sommes cœur d’une crise mondiale, morale, économique et surtout financière. En lançant cette idée de délocalisation, j’ai voulu secouer le cocotier de nos politiques, qui s’accrochent à des branches mortes au risque de se couper du tronc neuf ![access capability= »lire_inedits »]
Vous préconisez donc de confier à des professionnels indiens l’intégralité de la campagne présidentielle…
Je n’y vois que des avantages ! Avantage financier d’abord : le coût du travail étant ce qu’il est en Inde, les contribuables français économiseront, d’après mes calculs, une somme qu’on peut situer dans une fourchette allant de 655 millions à 65,5 milliards d’euros. Certes, les candidats ont depuis longtemps escamoté la dette de la France sous le tapis des promesses démagogiques et du « denial » qui nous a fait tant de mal ; mais ne voient-ils pas que ces dépenses électorales somptuaires, ce sont nos enfants et nos petits-enfants qui en paieront la facture ?
Avantage qualitatif ensuite : en recourant à de professionnels indiens pour les affiches, les tracts, les spots télé mais aussi pour les meetings, les conférences de presse, les déplacements des candidats, on est sûr d’avoir une campagne de haut niveau.
Nos amis indiens, qui fournissent déjà nombre de prestations délocalisées, et dans tous les secteurs d’activité, à la France et à l’Europe, sont à même de faire tout cela bien mieux que nos communicants, nos politiciens et nos militants à bout de souffle.
J’ajouterai que c’est une idée moderne, s’inscrivant complètement dans le sens de l’Histoire, c’est-à-dire de la mondialisation. Ce serait un signal très fort adressé à tous les prophètes de malheur du nationalisme, du souverainisme, du protectionnisme et du repli sur soi ! Comme un gigantesque « LOL ! » adressé à tous les ringards d’extrême gauche, d’extrême droite et d’extrême centre !
La gestion de tous les aspects de la campagne présidentielle ne requiert-elle pas un minimum de proximité avec la société et la mentalité françaises ?
À l’heure du village global – même sinistré – le concept même de « français » est, disons, décalé, pour ne pas dire complètement ringard. On dénonce volontiers les « élites mondialisées », mais le Français le plus modeste s’habille chinois, roule coréen, se distrait américain, mange japonais, italien et même grec ! Alors, ce qui est vrai de tous ces aspects de la vie quotidienne de tous les jours serait faux en ce qui concerne la vie politique ? Allons donc ! Il faut faire confiance au professionnalisme des Indiens. Leurs étudiants parlent un excellent « basic french » et peuvent se former très vite aux données signifiantes de l’Histoire de la vie politique française. Et croyez-moi, ils en sauront toujours autant que nos enfants !
Concrètement, comment, par exemple, une candidature de Sarkozy ou de Hollande serait-elle traitée par vos professionnels de Bombay ou New Delhi ?
Avec le Net et les multiples interfaces qu’il autorise, un ingénieur indien peut vous fabriquer un avatar de Sarkozy ou de Hollande, au choix, et lui construire un discours à partir d’une cinquantaine d’éléments de langage s’inscrivant dans le mainstream idéologique raisonnable. On sait que, pour l’essentiel, Sarkozy et Hollande utilisent souvent les mêmes mots et ont les mêmes références, sans parler des cravates ou du décor. En ce qui concerne les candidats alternatifs, comme cette année Le Pen, Mélenchon ou Bayrou, il y aura sans doute un peu plus de boulot, mais on peut sûrement arranger quelque chose.
Dans votre esprit, cette délocalisation pourrait-elle s’étendre à l’organisation même du scrutin ?
On peut éventuellement maintenir en France les opérations de vote proprement dites, le temps que l’électorat hexagonal surmonte ses phobies et rejette le protectionnisme civique.
Mais naturellement, je pense qu’à terme on ne fera pas l’économie du remplacement du vote de grand-papa par un panel représentatif recruté chez les Indiens, selon bien sûr la méthode des quotas de genre, d’âge, de profession et d’orientation politique et sexuelle.
Pour les prochaines élections à la présidence du Medet, je suis même prête à montrer l’exemple en me faisant confirmer à mon poste par des jeunes managers de Calcutta ![/access]
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