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Et si les Nobels nous f… la paix ?


Et si les Nobels nous f… la paix ?

L’Union européenne est bien mal en point puisque le jury norvégien du prix Nobel se croit obligé de voler à son secours. Rappelons que la Norvège, pays fort prospère, a refusé d’intégrer l’Union par deux fois (1972 et 1994) – tout lien entre les deux ne pouvant être que fortuit – et que son premier ministre vient de la féliciter … tout en excluant de nouveau une adhésion.
Quoi qu’il en soit, le prix Nobel de la paix vient donc d’être attribué à l’Union européenne par le Comité du Nobel au motif que « L’Union et ses ancêtres contribuent depuis plus de six décennies à l’avancement de la paix et à la réconciliation, la démocratie et les droits de l’homme en Europe. ». Dont acte.

Pourtant, nul ne peut nier que la stabilité européenne depuis le second conflit mondial est avant tout le fait de la politique volontariste d’États-nations et même de chefs d’États, et non d’une Union bien incapable d’agir seule. Les couples De Gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, ou Mitterrand-Kohl, sans parler de Sarkozy-Merkel, ont plus fait pour la paix en Europe que tous les présidents de la Commission qui se sont succédés – y compris un Jacques Delors qui restera surtout dans l’histoire pour avoir été le père de Martine Aubry. On ne sache pas non plus que l’actuelle « Haute Représentante pour la Politique Étrangère et de Sécurité Communes », l’inexistante Catherine Ashton, soit par ses bourdes un facteur de paix entre les nations.

Par contre, lorsque l’Europe des Balkans fut à feu et à sang (détail sans importance sans doute pour nos amis du jury Nobel), l’Union fit très clairement la preuve de son impuissance ou de son inexistence. Les États reprirent le dessus, aboutissant à un éclatement diplomatique entre les principaux membres de l’Union, caractérisé par une reconnaissance des États nés de l’effondrement de l’ex-Yougoslavie faite dans le désordre le plus total, chacun suivant ses propres inclinations. A l’époque, l’Allemagne se précipitait ainsi pour soutenir la Croatie, quand la France, sous la pression douteuse – déjà – d’un philosophe en chemise blanche, se passionnait pour la si multiculturelle Bosnie, devenue depuis une puissance résolument musulmane.

Même distribution prétentieuse des bons et mauvais points quelques années plus tard lors du conflit du Kosovo, et même inefficacité de l’Union, puisque les USA intervinrent sur le théâtre de ce que l’on peut difficilement nommer autrement qu’une guerre européenne, même si certains préfèreront le terme d’opération de police internationale. Le fait que l’actuel secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, ait déclaré que « l’UE a joué un rôle majeur pour cicatriser (sic) les blessures de l’Histoire » montre d’ailleurs que les Danois n’ont rien à envier aux Norvégiens en matière d’humour noir. « De nombreux conflits liés aux origines ethniques ont été résolus » a par ailleurs le culot de prétendre le jury Nobel pour justifier son prix. Les quelques milliers de Serbes qui tentent de survivre de nos jours sur leurs terres du Kosovo et font face aux attaques permanentes des milices musulmanes apprécieront !

Quant à l’impossibilité future des guerres, l’exemple même de la Yougoslavie, cette fédération présentée pendant des années par tous les spécialistes du droit international comme la preuve de l’efficacité pacificatrice d’un État multinational est là pour semer le doute. « Aujourd’hui, une guerre entre l’Allemagne et la France est impensable » disent les Nobels. Aujourd’hui peut-être, mais demain personne n’en sait rien.
Alors pourquoi ce prix ? C’est Jacques Delors qui finalement mange le morceau. Le Nobel est selon lui « un message politique à un moment où il y a beaucoup de critiques, beaucoup de statistiques, de pronostics défavorables à l’Europe ». « C’est aussi un message d’encouragement pour nos peuples et nos gouvernements parfois assaillis par le doute et les vents contraires des populismes et des nationalismes étroits », ajoute le technocrate-chrétien. Il faudrait donc suivre ses conseils – hélas, il n’aurait pas été assez écouté – et aller à marche forcée vers plus de coopération et d’intégration.
Mais voici que pour Angela Merkel le Nobel est un soutien non seulement à l’Union mais aussi… à l’Euro, car « plus qu’une monnaie il s’agit de l’idée de l’Europe en tant que communauté de paix et de valeurs ». « On ne peut pas jouer avec l’intégrité de l’Europe et de la zone euro qui en est la partie avancée, le fer de lance. Voilà ce que nous rappelle cette récompense du comité Nobel » ajoute en écho Pierre Moscovici. Et sans surprise Daniel Cohn Bendit va plus loin encore, puisque ce prix serait selon lui une incitation à demander pour l’Union européenne un siège au Conseil de sécurité de l’ONU.

Las, encore faudrait-il recevoir le prix. Qui va monter sur l’estrade au nom des « 500 millions d’Européens » ? Comme l’hydre de Lerne, mais sans son efficacité, l’Europe ne manque pas de têtes. L’ineffable José Manuel Barroso, président de la Commission depuis 2004, s’estime bien évidemment directement concerné. Mais Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen depuis 2009, se verrait bien lui aussi en jaquette à Oslo pour représenter rien moins que, dit-il, « la plus grande force de paix de l’Histoire » ! Quant à Martin Shulz, illustre inconnu barbu, président d’un Parlement européen dont l’élection bat les records d’abstention dans tous les pays de l’Union, il estime qu’il est le seul à diriger une institution démocratiquement élue et qu’il ne faudrait donc pas l’oublier. Pour ce lecteur assidu d’Orwell, l’Union a « remplacé la guerre par la paix, la haine par la solidarité ».

Devant ce trop plein de candidats, la Commissaire aux Affaires Intérieures, la suédoise Cécilia Malmström – quand on vous dit que les nordiques ont le sens de l’humour ! – a proposé d’envoyer 27 enfants recevoir le prix. Et il est vrai que voir monter sur la scène norvégienne 27 malheureux gamins choisis selon des critères ethniques, nationaux et sexuels pour que toutes les minorités européennes y trouvent leur compte, et les entendre entonner l’hymne à la joie en volapük serait certainement l’apothéose de cette comédie !

* images : revers de la médaille du prix Nobel de la paix, Photo : Chris Campbell/Flickr



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est professeur de droit public à l'université de Caen. Il est l'auteur des "grands discours du XXe siècle" publié chez Flammarion

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