Mais ceux qui seraient tentés de croire que l’on pourra parvenir, même au forceps, à un accord prochain entre les deux parties risquent une amère déception.
Il suffit d’écouter les bruits de la rue, arabe comme israélienne, pour être convaincu que la phase initiée par les accords d’Oslo en 1993 est close, et qu’elle ne risque pas de ressusciter de sitôt.
Côté israélien, l’idée la plus largement répandue au-delà des divisions politiques est que la séparation la plus radicale possible d’avec les Palestiniens – et les Arabes du voisinage – est la seule manière de parvenir à un niveau de sécurité compatible avec l’essor économique social et culturel du pays. La mondialisation rendant secondaire l’intégration régionale, il est inutile de faire des concessions superflues à un adversaire que l’on soupçonne de double langage.
Côté palestinien, tous ceux qui ne partagent pas l’idéal djihadiste du Hamas ne sont pas pour autant des militants acharnés de la création d’un Etat palestinien laïque et démocratique : l’avant-goût laissé par le fonctionnement de l’Autorité palestinienne sous Arafat est plutôt amer. Corruption, arbitraire, népotisme et arrogance des dirigeants ont renvoyé le peuple à un mode de survie fondé sur le clanisme et le clientélisme pour les uns et à l’émigration pour les autres, notamment les chrétiens.
L’idée de revenir à la solution d’un Etat binational, où Israël devrait renoncer à son caractère juif pour devenir, de la Méditerranée au Jourdain, un « Etat de tous ces citoyens » s’inscrit en tête de l’agenda caché des élites palestiniennes non-Hamas, auxquelles Ahmed Qoreia faisait un clin d’œil dans ses dernières déclarations. Ce n’est pas par hasard si, du côté palestinien, on met de plus en plus fréquemment en avant le modèle sud-africain comme modèle de sortie du conflit : on verrait bien les Juifs partageant leur prospérité économique avec des Palestiniens dont la démographie assurerait la prédominance politique…
Ce nouveau paradigme exige des acteurs internationaux du conflit une adaptation doctrinale : à quoi sert-il de s’accrocher désespérément à un schéma dont on peut constater chaque jour qu’il a moins de prise sur la réalité ?
Chacun sait que l’imagination n’est pas la qualité principale des chancelleries, alors qu’elle peut, parfois, se manifester chez des hommes politiques dont l’horizon ne se limite pas à la ligne bleue des sondages. Lorsque les canards sans tête auront fini leurs errances dans la basse-cour planétaire, le temps sera peut-être venu de réfléchir sérieusement.
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