C’est quand même très bien, finalement, cette vague de paupérisation sans précédent qui se précipite sur les peuples européens comme jadis la vérole sur le bas clergé, et ce grâce au capitalisme financiarisé qui se refait sur la bête. Comment, en effet, le cinéphile ne pourrait-t-il pas se réjouir d’apprendre que l’Italie, par exemple, compte désormais, alors que le plan d’austérité annoncé par Berlusconi n’est pas encore entré en vigueur, 8 millions de pauvres, soit 14% de la population ?
C’est leur INSEE à eux, l’Istat, qui le dit. Et il précise que dans ces huit millions, il y en a trois qui vivent dans un état de « pauvreté absolue » caractérisée par, nous citons, « l’impossibilité de payer les biens et les services considérés comme essentiels pour avoir un niveau de vie au minimum acceptable » .
En gros, le stade suivant, c’est la mort de faim.
Mais répétons-le, à toute chose malheur est bon. Le cinéma italien que Berlusconi avait fait mourir bien avant d’être Président du conseil avec son monopole sur les télévisions privées qui ne donnaient pas un rond pour autre chose que de la variétoche avec nibars à l’air et séries américaines, va forcément renaître.
Le pays se retrouvant peu ou prou dans la situation des années d’après guerre, assez logiquement on devrait voir réapparaitre un néo-néo réalisme italien. A nous les successeurs de Vittorio de Sica, de Rosselini ou de Giuseppe de Santis ! A nous les nouveaux voleurs de bicyclette et les nouveaux pigeons ! A nous les cuisses nues et inoubliables de nouvelles Sylviana Mangano dans des remake de Riz amer.
On plaisante ? Si peu. Il a fallu dix ans de thatcherisme et encore un peu de John Major derrière, c’est à dire de nettoyage par le vide de tout ce qui faisait de la société britannique celle d’une relative « common decency » telle que la définissait Orwell, pour redonner une vigueur au cinéma social anglais, celui du Ken Loach de Raining Stones ou du Mike Leigh de Naked, cinéma auparavant colonisé et même phagocyté par le cinéma américain et qui, de fait, était agonisant dans les années 70.
En France, on en arriverait presque à souhaiter un deuxième quinquennat Sarkozy, histoire d’en finir avec la Commission d’avances sur recettes, cette survivance bolcho-colbertiste qui sert surtout à filmer davantage la crise adultérine du trentenaire électeur d’Europe Ecologie-Les Verts rue Oberkampf qu’une fermeture d’usine du genre de celle des Conti à Clairoix.
L’inconvénient, bien sûr, c’est que pour voir tous ces bons films dont les mécènes très indirects, voire franchement involontaires, auront été les agences de notation, les banques, le FMI et l’UE, c’est qu’il faudra écarter la foule des mendiants qui pleureront devant les salles obscures en tendant la main.
Mais enfin, s’ils n’ont pas de pain, ces perdants, qu’ils fassent comme nous, qu’ils mangent des esquimaux !
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