Le dernier film d’Eran Kolirin, “Et il y eut un matin”, présenté au dernier festival de Cannes et qui sort en salles cette semaine, illustre le dilemme du cinéma israélien contemporain, tiraillé entre la volonté d’aborder des sujets de société, souvent avec talent et originalité, et celle de plaire aux médias et aux jurys internationaux, en cédant au narratif simpliste de “l’occupation” et au parti-pris pro-palestinien.
Le film raconte le séjour mouvementé d’un jeune Arabe israélien (interprété par Alex Bakri) dans son village natal, à l’occasion du mariage de son frère. À la suite du blocus imposé par l’armée israélienne, ce séjour va se prolonger et donner lieu à de multiples événements dramatiques.
“Et il y eut un matin” est l’adaptation du roman éponyme de Sayed Kashua, dont la traduction française était parue en 2006. Dans une récente interview au journal Le Monde, Kolirin déclarait : “Les Arabes d’Israël sont les invisibles de notre pays. Ils vivent en démocratie, mais n’ont pas les mêmes droits que les autres, ils se trouvent coincés dans une position intenable et s’en sentent coupables vis-à-vis des Palestiniens de Cisjordanie. Leur identité est ainsi mise à mal. Le seul territoire qu’il leur reste est leur maison”.
Rapports tendus
De fait, le film se déroule presque entièrement dans le village, dont la localisation géographique n’est pas claire. S’agit-il d’un village arabe israélien, comme le laisse comprendre le fait que Sami et sa famille sont Israélien? Mais alors, pourquoi l’armée érige-t-elle un barrage à l’entrée du village? Cette incohérence génère de nombreuses autres erreurs.
Autant le film est incohérent et tendancieux lorsqu’il parle d’Israël et de son armée, autant il est juste et sincère quand il parle des Arabes israéliens et de leurs problèmes. La question essentielle – et très actuelle – que le film aborde de manière authentique et talentueuse, est celle de la violence interne à la société arabe. Il la relie, avec une grande finesse, à celle des relations difficiles entre les hommes et les femmes, illustrées par les rapports très tendus entre Sami et sa femme, mais aussi entre son frère et sa jeune épouse, qu’il refuse de rejoindre le soir même du mariage.
A voir, à la rigueur…
A travers le thème du désir féminin et de l’incapacité des hommes de communiquer avec leurs épouses, le film pose ainsi la question essentielle du rapport homme-femme dans le monde arabe, et de la violence qui découle largement de cette incapacité de parler – et d’accepter l’altérité des femmes, mais aussi de l’autre en général et en particulier des Israéliens, perçus uniquement à travers le prisme de “l’occupation”.
Un film qui donne à réfléchir.