Une ignoble expression de la pauvreté du langage de nos congénères écorche sans cesse nos oreilles. Et du coup, allons nous y confronter.
Peut-être est-ce le fait de mon esprit vagabondant mais jamais -du coup- je n’ai été autant interpellée par ce vocable unique qui rythme la vie : de la guerre en Ukraine qui -du coup- va nous faire subir de terribles répercussions économiques à la rentrée, jusqu’à l’heure de l’apéro qui – du coup – nous fait diner trop tard. Jugez un peu : il a eu son bac, du coup il s’inscrit à la fac- j’ai eu ma troisième dose de vaccin, du coup je ne mets plus de masque- je suis en vacances, du coup je n’ouvre plus mes mails-On n’a pas de réseau, du coup j’ai débranché mon portable- je suis à la montagne -du coup-je fais des randonnées…
Les conséquences de chaque instant, la réaction à chaque ébauche de situation nous font désormais immédiatement conclure avec un remarquable sens de la cause à l’effet, du coup- est le raccourci idéal, le nouveau CQFD (ce qu’il fallait démontrer) mais comment avons-nous pu vivre sans ? Comment arrivions-nous à expliquer l’enchainement de nos pensées ou de nos actes ? Quel gain de temps !
-Du coup- a réduit toutes les digressions qui permettaient d’expliquer un cheminement de semblant de pensée pour aller d’une idée à l’autre. Un nouveau twitt de la pensée logique. On comprend mieux le principe des promesses politiques : une simple assertion et -du coup-tout s’arrange. Plus qu’un tic de langage, et si c’était une immense paresse intellectuelle qui s’installait ? plus besoin de s’expliquer quoique ce soit, « du coup » s’en charge.
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Une suggestion : faire apprendre par cœur aux adeptes du fast-food sémantique, des synonymes qui pourront au moins les aider à l’écrit, parce -du coup- à l’oral « ça peut le faire » mais dans une dissert’ « ça ne va pas le faire » (même si le prof est un adepte) car vous l’avez remarqué tous en sont atteints. Vous êtes le premier exaspéré et -du coup- vous hurlez de rage contre vous-même quand le mot vous échappe par lavage de cerveau environnemental. Le langage est une convention et en avoir réduit toutes les nuances et toutes les circonstances à une formule aussi rudimentaire témoigne d’un désir alarmant d’appauvrissement de l’explication d’une causalité.
Tentons en famille l’exercice des synonymes ?
DU COUP :
De ce fait ; En conséquence de quoi ; Dès lors ; Et nous avons décidé de ; Cela m’a entrainé à ; Tant et si bien que ; C’est à la suite de cela que ; Grâce à cela ; Cela a entrainé le fait que ; Voilà qui a changé le cours des choses ; Ce qui a permis de… [NdlR : on pourrait y ajouter le prétentieux, mais fidèle « subséquemment »].
On peut en faire le jeu de l’été : « remplacer -du coup -par des expressions adaptées. »
Au pire, plus personne n’osera plus vous adresser la parole, ce qui peut avoir du bon en vacances. Pour la rentrée, prévoir un pot commun au bureau avec 20 centimes d’amende à chaque mot fatal, grosse cagnotte en vue…
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