Ce n’est pas d’aujourd’hui que je me pose cette question. Le billet de Philippe Bilger.
Chauvin, en général, a une connotation négative : c’est le supporteur qui en fait trop, qui en veut trop, qui est d’une insigne mauvaise foi et n’accepte jamais la défaite de son équipe. Il est vrai qu’on est rarement impartial quand on soutient son sportif préféré ou qu’on est passionné par le rugby ou le football.
Je n’ai pas besoin des équipes de France pour m’abandonner parfois à une dilection démesurée pour le Stade toulousain en rugby ou les équipes de Reims, de Lens ou à un degré moindre de Monaco pour le football. Cela tient à des ressorts parfois imprévisibles mais souvent liés à ma détestation de l’argent qui coule à flots (on comprendra pourquoi le PSG du Qatar ne me plaît pas), à des nostalgies de jeunesse (la grande équipe de Reims) ou à de la sympathie pour une région et un public très populaire et chaleureux (Lens). De plus, globalement, je me sens plus épris des groupes vaillants et solidaires que des grosses machines. J’admets que ce peut être injuste mais c’est comme ça.
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Cette affection que j’éprouve pour quelques équipes, j’ose le dire, me cause des déceptions fortes quand elles sont vaincues. Au point parfois de m’avoir empêché de dormir tellement il m’arrivait de revivre les instants où le destin sportif avait tourné et où mon favori avait perdu après avoir tenu longtemps. J’ai conscience du caractère un peu puéril de ces états d’âme mais je n’ai jamais tourné en dérision des événements et des compétitions au prétexte que les intellectuels s’en moquaient ou les méprisaient.
J’ai eu envie d’écrire ce billet quand je me suis rendu compte que pour les équipes de France j’avais un enthousiasme intermittent. Que j’étais chauvin pour telle et neutre pour telle autre. Je n’ai jamais eu honte, selon les périodes, d’être partisan absolu de l’équipe de France de foot en 1958, de celle de rugby depuis que Fabien Galthié et de formidables joueurs ont su la remettre en état de marche et de victoires. Mais, attention, le Coupe du monde à venir n’est pas encore, de loin pas, dans le camp français !
Songeant au parcours exceptionnel de nos Bleus du ballon ovale, et l’espérant victorieux, j’ai comparé avec mon allégresse relative face à l’équipe de France de foot. Bien sûr, je suis heureux quand elle l’emporte mais j’ose dire qu’il y a un climat général, des touches de vulgarité, du narcissisme ici ou là, de l’arrogance, un manque de simplicité, une attitude tristounette (comme s’ils étaient au SMIC), un engagement citoyen parfois discutable de certains, qui ne font pas de moi un épris absolu de ce groupe d’hommes talentueux certes mais, je le ressens comme cela, pas infiniment sympathiques. Avec en plus un sélectionneur, Didier Deschamps, bon technicien mais spécialiste en banalités – et dire que VSD l’a un jour qualifié de génie !
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En revanche, je me découvre totalement inconditionnel de notre prodige Léon Marchand et de l’équipe de France de natation, avec Maxime Grousset et quelques autres (L’Equipe). Il faudrait que je réfléchisse davantage à cette adhésion sans réserve pour ces sportifs de haut niveau qui n’ont pas de tenue que dans l’eau. J’adore ces talents, voire ces génies de la coulée individuelle mais qui, la course accomplie, se replongent avec modestie dans le collectif. Applaudis, ils applaudissent ensuite leurs compagnons.
Il y a probablement, derrière ces contrastes qui m’habitent, le fait que dans certaines équipes je porte particulièrement au pinacle l’un de ses membres, Antoine Dupont ou Léon Marchand alors que, si Kylian Mbappé est prodigieux balle au pied, je ne suis pas, depuis quelque temps, forcément convaincu par toutes les facettes de sa personnalité et son implication dans la vie sociale et médiatique. Ce n’est pas une perception objective mais celle d’une subjectivité qui a évolué un peu, moins vite que lui sur le terrain !
Il est donc clair que les sportifs en chambre comme moi n’ont nulle obligation d’être chauvins (qu’on m’épargne l’opprobre lexical sur ce terme ! ) à plein temps et pour tout ce que le pavillon sportif national recouvre. Ils ont le choix, ils aiment qui ils veulent et leur humeur a le droit d’être allègre, inconditionnelle ou réservée, c’est selon.
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