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L’esprit Hussard bouge encore!

Éric Naulleau, Stéphanie des Horts, François Cérésa...


L’esprit Hussard bouge encore!
De gauche à droite, Éric Naulleau, Stéphanie des Horts et François Cérésa.

Trois éminents jurés du Prix des Hussards 2023, qui sera décerné le jeudi 20 avril, à l’hôtel Lutétia, œuvrent contre la déconstruction en marche et pour le panache à la française…


Nous n’avons jamais réussi à définir précisément cet esprit qui tient autant du désengagement vindicatif que de la farce triste. Drôles de zèbres que ces néo-néo Hussards, lointains héritiers des Nimier et consorts, nostalgiques perdus dans une société ultra-marchande et procédurière, où le mot et la blague sont traqués en meute, où l’audace sera bientôt judiciarisée et le second degré est d’ores et déjà absent des conversations.

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Les honnêtes hommes ont disparu et les vamps tentatrices vivent dans la crainte d’être dénoncées. La liberté d’opinion est une vertu qui ne fait plus recette. Nous vivons une époque sérieuse, oscillant entre le tragi-comique et l’oukase permanent, entre la bêtise institutionnalisée et la laideur à tous les ronds-points. Il faut entrer de force dans les canons de ce monde absurde qui n’accepte plus aucun dérapage, ni aucune accélération foudroyante. Le règne est à la Terreur douce et au repli sur soi, aux pas cadencés et aux mots dépollués de toute impureté.

Hussard contre wokisme

La littérature a été, peu à peu, ces dernières années, préemptée par des agents-instructeurs qui veulent absolument nous embrigader dans une nouvelle société, qu’elle s’appelle wokiste, déconstructiviste ou victimaire ; peu importe sa dénomination, le plaisir et l’irrévérence n’y ont plus leur place ; la génuflexion est la règle ; la réécriture des chefs d’œuvre un mode de pensée suicidaire qui ne choque presque plus personne parmi nos belles têtes pensantes. Nos élites se pâment devant cette intelligence artificielle qui pourrait réaliser des gains de productivité substantiels, surtout dans les professions dites intellectuelles. Le rêve enfin exaucé de se débarrasser de tous ces auteurs et écrivains déviants, traîne-savates miséreux, qui pour un bon mot ou une saillie drolatique, tueraient père et mère. La phrase taquine et ondoyante a été remplacée par des procès-verbaux.

Le style « Grand siècle » a été abandonné au profit d’une prose administrative sous séquestre. Il n’y a plus de jus, plus de nerf, plus d’embrasement des corps et des idées, seules les lamentations inondent les étals, seules les récriminations ont l’oreille attentive des décideurs économiques. La bonne histoire chère à Jean Gabin, seul argument capable selon lui de déplacer le public en masse vers les salles obscures, doit désormais répondre à des critères sociétaux paritaires, égalitaires, pondérés et raisonnés, validés par des comités ad hoc, pluridisciplinaires et abscons. Alors que la littérature est le royaume des insoumis, des voltigeurs et des démiurges.

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Nos vieux brigands des bibliothèques endormies, insolents et batailleurs, réactionnaires épidermiques et polisseurs de formules assassines, les Blondin, Laurent, Déon, Haedens et leurs homologues populistes, Fallet et Boudard, ne comprendraient plus rien à notre pays à la dérive. Dans des registres différents, le pamphlet argumenté, le romanesque baroque ou le dictionnaire chevaleresque, nos amis Hussards 2023 continuent à perpétuer cette tradition du bretteur impénitent, du glaive vengeur et du bras séculier, avec un brin de mauvaise foi et d’ardeurs joyeuses, des phrases qui claquent au vent mauvais. Éric Naulleau, le Président du jury, s’inspirant de Jacques Laurent, pourfendeur du Sartrisme ambiant dresse un portrait à charge d’une personnalité politique pour le moins iconoclaste.

Naulleau contre Rousseau

Dans La faute à Rousseau aux éditions Léo Scheer, avec voracité comique et un sens de la répartie tintinesque, il taille un costard sur-mesure à l’icône verte, pointant une série d’incohérences et de prises de parole pour le moins étranges. En bon artilleur, précis et documenté, Naulleau décrypte ce phénomène médiatico-politique et dévoile l’imposture. C’est frais, pétillant et enlevé, mais ne vous y trompez pas, derrière cet assaut enjoué, le chroniqueur télé et critique littéraire laisse apparaître une société radicale en gestation qui fait froid dans le dos. Une autre jurée, Stéphanie des Horts revient ce printemps avec Cynthia aux éditions Albin Michel. Ses fans attendent son nouveau roman historico-érotico-diplomatique avec une grande excitation. Car Stéphanie est une pétroleuse des Lettres qui ne se plaint jamais, accueillante comme une mama italienne, elle n’a pas la plume molle et fainéante. Elle sait donner du plaisir à ses lectrices en contant les vies dissolues d’héroïnes incorrectes et flamboyantes, qui couchent par intérêt et par plaisir. Cette fois-ci, elle nous parle de Cynthia, le nom de code de Betty Pack, une Américaine recrutée par les Services secrets anglais.

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Cérésa ou le panache

Quand tant d’écrivaines à vocation lacrymale font pleurer dans les chaumières par excès de misérabilisme et démagogie malsaine, Stéphanie nous plonge dans les alcôves, les secrets d’Etats et le luxe outrancier. C’est une attitude totalement hussarde, aller à contre-courant et braver les interdits actuels. Enfin, François Cérésa, le général en chef de la revue Service Littéraire, a écrit son Dictionnaire égoïste du panache français au cherche midi. Chez François, on aime son indépendance, ses emportements, sa fougue gamine portée par une écriture explosive, et puis, au détour d’un chapitre, une émotion vient nous cueillir, car cet écrivain-mousquetaire peut être rabelaisien et morandesque à la fois, généreux à tous les coups. En avril, face à la montée des intolérants, les Hussards mènent 3-0 !


La faute à Rousseau de Éric Naulleau – éditions Léo Scheer

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Cynthia de Stéphanie des Horts – Albin Michel (sortie le 27 avril)

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Dictionnaire égoïste du panache français de François Cérésa – Le cherche midi

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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