– le droit international qui a vocation à s’appliquer à tous (États, individus, organisations internationales, entreprises, etc.) ;
– et les droits nationaux c’est-à-dire le droit dont se dote chaque État.
Toutefois, en vertu du principe de primauté du droit international sur le droit national, les législations nationales adoptées par les États doivent être conformes ou compatibles avec le droit international. Et c’est ce point précis qui peut poser problème aux États.
Et concernant la Lune, Mars, les astéroïdes que dit le droit international ?
Pour un État en particulier, par exemple, le Luxembourg ou les États-Unis, le droit international concernant ce qu’on appelle les « corps célestes » se composent de :
– la coutume internationale ;
– les conventions internationales ratifiées par l’État concerné ;
– les principes généraux de droit (par exemple, le principe selon lequel un engagement donné est obligatoire pour celui qui s’y est engagé).
Ce qui nous intéresse, ici, ce sont, d’une part, la coutume internationale et, d’autre part, les conventions internationales.
La coutume internationale a force de loi et s’impose à tous les États de la planète. En matière d’espace extra-atmosphérique, tous les spécialistes s’accordent à dire que la coutume est codifiée dans la résolution 1962 (XVIII) adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, le 13 décembre 1963. Certes, il s’agit d’une résolution de l’Assemblée générale qui, par définition, n’est pas obligatoire pour les États. Mais dès lors qu’elle a été acceptée par les États, votée par eux, à l’unanimité, et qu’eux-mêmes considèrent qu’elle codifie la coutume internationale, cette résolution est de droit coutumier et est donc obligatoire.
Les conventions internationales les plus importantes, en matière d’espace extra-atmosphérique, sont :
– le traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique y compris la Lune et les autres corps célestes adoptée, le 27 janvier 1967 et entrée en vigueur le 10 octobre 1967 ;
– l’accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes signé le 5 décembre 1979 et entré en vigueur le 11 juillet 1984.
Ces deux traités ont été ratifiés par un nombre très restreint d’États. Le premier traité, celui de 1967, reprend essentiellement la résolution 1962 (XVIII) ce qui fait que sa portée est assez limitée. L’avoir ratifié ou non n’a donc que peu d’importance puisque ses dispositions sont de droit coutumier et s’appliquent donc d’office à tous.
Le second texte – l’accord de 1979 – a été ratifié par 16 États. C’est très peu. Il ne reprend pas la coutume internationale et n’a donc aucune valeur coutumière a priori. Qui plus est, il n’a pas été ratifié par les puissances spatiales.
Le régime juridique des corps célestes est donc assez multiforme et dépend, en partie, de l’État concerné par la question. Par exemple, si c’est un État qui n’a pas ratifié l’accord de 1979, ses droits seront sûrement plus larges que si c’est un État comme le Koweït qui l’a ratifié en 2014.
Soyons plus précis : à qui appartient la Lune ou Mars ?
La résolution 1962 (XVIII) est très claire sur ce point : d’une manière générale, hormis la Terre, les corps célestes n’appartiennent à personne. Et ils ne peuvent faire l’objet d’une appropriation par quiconque (États-Unis, France, Luxembourg, etc.). Par conséquent, la Lune et Mars n’appartiennent à personne.
Le projet luxembourgeois visant à l’exploitation minière d’astéroïdes est-il conforme au droit international ?
Le Luxembourg n’a ratifié ni l’accord de 1979, ni le traité de 1967. Il n’est lié que par la coutume internationale et donc, en l’espèce, la résolution 1962 (XVIII). Le paragraphe 2 de la résolution énonce que l’utilisation des corps célestes dont font partie les astéroïdes, doit s’effectuer « sur la base de l’égalité ». Selon moi, cette dernière expression signifie que le Luxembourg peut utiliser et donc exploiter un astéroïdes dès lors qu’il n’interdit pas aux autres d’en faire de même.
Par ailleurs, le paragraphe 3 indique que les États ne peuvent s’approprier un corps céleste de quelque manière que ce soit. Cela suppose, selon moi, qu’une partie qui serait arrachée à ce corps n’appartiendrait à personne ou, à la rigueur, appartiendrait à tous les États. Concrètement, le Luxembourg ne possédera donc pas les minerais qu’il pourra extraire d’un corps céleste : il devra les partager avec les autres États de la planète.
Sous ces deux réserves, le projet du Luxembourg me paraît compatible avec le droit international. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit-là d’un projet dont on ne sait pas encore le détail.
Le récent Space Act adopté le 20 novembre 2015 par les Etats-Unis qui prévoit que tout matériau trouvé par un Américain ou une entreprise américaine dans un astéroïde ou sur la Lune lui appartient et qu’il ou elle peut en jouir pleinement, est-il compatible avec le droit international ?
Contrairement au Luxembourg, les États-Unis ont ratifié le traité de 1967. Celui-ci est donc applicable (même s’il est très proche de la résolution 1962 (XVIII), applicable à titre de coutume internationale).
Or, l’article II du traité de 1967 indique qu’aucun corps céleste ne peut faire l’objet d’une appropriation et donc, naturellement, d’une exploitation personnelle, que ce soit par une entreprise, un individu ou un État comme je l’ai précisé précédemment.
Il faut néanmoins regarder à la loupe pour voir si le Space Act de 2015 dont on dit ici et là qu’il serait contraire au droit international, est contraire à l’article II précité.
Certes, ce texte modifie effectivement autorise tout citoyen américain à s’approprier, transporter, utiliser et même vendre tout ou une partie d’un corps céleste trouvé ou arraché sur place (§51303 du 51 U.S. Code).
Toutefois, au-delà de la polémique, il précise également que cela ne pourra se faire qu’en conformité avec le droit applicable incluant les obligations internationales des États-Unis « in accordance with applicable law, including the international obligations of the United States ».
Et si on lit, dans le texte de loi, la section qui précède, on découvre que cette dernière invite le président des États-Unis à œuvrer, auprès de ses homologues des autres nations, pour modifier le droit international existant et faire en sorte que les restrictions actuelles sur l’usage des corps célestes soient levées.
Autrement dit, le Space Act de 2015 est parfaitement conforme au droit international dans la mesure où il autorise l’appropriation de ressources extra-terrestres dans le cas où le droit international changerait à l’avenir. La seule adoption d’un tel texte n’est, en soi, contraire à aucune norme de droit international.
En cas de conflit, en cette matière, entre États, quelle serait la juridiction compétente ?
S’agissant de conflits qui mettraient finalement en cause des intérêts commerciaux et non pas militaires, toute juridiction nationale – en France, par exemple, le Tribunal de grande instance de Paris – pourrait être saisie sans que l’État ou les États concernés puissent opposer leur immunité de juridiction.
En revanche, si ces conflits portent sur des questions de souveraineté du type guerre ou armement, les juridictions compétentes devront nécessairement internationales car l’immunité joue à plein dans ce type de matières. On peut alors envisager deux possibilités : un tribunal arbitral international créé pour la circonstance c’est-à-dire pour résoudre un différend bien particulier ou encore la Cour internationale de justice (La Haye) selon les États concernés.
La logique appliquée aux corps célestes n’est-elle pas la même appliquée jadis pour les conquêtes des territoires du XVème au XIXème siècles ?
Oui à ceci près que ces territoires étaient déjà la propriété des indigènes et que les Européens ont fait mine de croire qu’ils n’appartenaient à personne et étaient donc à prendre. Ici, dans le cas des corps célestes, tout est déjà réglé : ces corps n’appartiennent à personne et ne peuvent faire l’objet d’une appropriation par quiconque. Sauf modification du droit international existant, la situation n’évoluera pas.
Les États-Unis, le Luxembourg comme toutes les puissances spatiales en sont parfaitement conscients. Et, eu égard aux défis que représentent ramener un corps céleste ou l’une de ses parties sur Terre ou l’exploiter sur place, les États en capacité de le faire, ne se feront pas la guerre pour cela ! Il serait certainement moins coûteux et moins risqué pour eux, par exemple, de se lancer dans l’exploitation des nodules polymétalliques qui jonchent le fonds des océans.
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