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L’erreur de Huntington

Il n’y a pas de choc des civilisations, mais un conflit entre la civilisation et la barbarie


L’erreur de Huntington
Islamistes photographiées dans la Sarthe, 11 juillet 2024 © SICCOLI PATRICK/SIPA

En 1996 paraissait l’essai de Samuel Huntington, Le Choc des civilisations. À en croire l’auteur, la fin de la guerre froide, bien loin d’asseoir la suprématie américaine, comme l’avait cru Francis Fukuyama (La Fin de l’histoire, 1991), a contribué à déplacer les conflits. Non plus sur un axe est-ouest, mais selon un axe nord-sud ; non plus sur des bases économiques, mais sur des bases idéologiques, en particulier religieuses. Notre chroniqueur revient sur l’intuition géniale de Huntington, et en propose un correctif important : il n’y a pas de clash des civilisations, mais un conflit entre la civilisation et la barbarie. Une affirmation dont nous lui laissons courageusement la responsabilité.


Ce qui caractérise les grandes idées, c’est que même quand on en a repéré les failles, voire la faillite, elles restent de grandes idées. L’analyse marxiste de l’aliénation — reprise de celle que faisait La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire, publié en 1576 — me revient à l’esprit chaque fois que je croise une femme voilée (soit, à Marseille, une fois toutes les cinq secondes). L’Origine des espèces de Darwin est sans doute entachée d’erreurs, mais les hypothèses du naturaliste sur la sélection naturelle se vérifient à chaque seconde en regardant des gosses dans une salle de classe remonter vers le singe à grands coups de « wesh ! » « wesh ! ». On peut se gausser de Freud, expliquer que les romanciers avaient déjà décortiqué le cerveau humain — mais l’évidence du substrat obsessionnellement sexué dans la conscience humaine (la mienne, en tout cas) est confirmée dans le conscient comme dans l’inconscient. Que le Moi ne soit pas maître dans sa propre maison, ou que quoi que l’on tente avec ses enfants, on fasse mal, n’a même plus besoin d’être démontré — surtout quand on regarde les enfants d’une classe à Marseille…
Et comme l’ont expliqué en leur temps Copernic ou Galilée, la Terre n’est pas plate et tourne autour du soleil. N’en déplaise aux littéralistes des religions auto-révélées.

Le professeur d’Harvard de sciences politiques Samuel Huntington (1927-2008), photographié en Allemagne en 2005 © THIEL CHRISTIAN/SIPA

Samuel Huntington, avec son Choc des civilisations en 1996, a magnifiquement senti la ré-orientation des conflits à l’échelle planétaire. Non plus la conquête maniaque de territoires frontaliers (en cela la guerre russo-ukrainienne n’est rien qu’une survivance du passé), mais le grignotage patient de l’Occident par des civilisations extérieures, un jeu de go à grande échelle où le conquérant place des jetons pour s’accaparer des espaces.

Mais alors, où est l’erreur de Huntington ? En cela qu’il ne s’agit pas par exemple de choc de civilisation, mais de l’affrontement entre une civilisation — la nôtre — et une non-civilisation, l’islam.

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L’idée m’est venue il y a longtemps, en visite à Grenade. L’Alhambra est le sommet architectural des conquérants islamistes de la péninsule ibérique, qui avaient tenté de remonter au-delà des Pyrénées — une obsession qui ne les a pas quittés. C’est très joli, l’Alhambra. Un beau témoignage d’Al-Andalus, ce mythe forgé de toutes pièces pour inventer un paradis perdu à des conquérants sanguinaires — voir le livre de Serafín Fanjul (2017). Mais à l’époque où les artisans arabes travaillaient joliment la terre cuite et l’émail dans le sud de l’Espagne, les artistes occidentaux couvraient l’Europe de cathédrales.

C’est que l’art occidental est l’héritier des Gréco-Romains, qui ont façonné la civilisation occidentale bien avant qu’un chamelier harcelé de soleil crût entrer en relation avec un dieu d’amour qui conseille de massacrer les impies et d’épouser des petites filles.
Un exemple ? L’évolution du statut de la femme, en Occident, est un marqueur de notre civilisation. Le maintien de la femme dans une infériorité de principe, dans l’idéologie islamique, est un marqueur de barbarie.
Contre-exemple : les immigrés d’origine asiatique n’hésitent pas à s’intégrer, à s’assimiler : ils viennent de ce que Huntington appelle « la civilisation sinisante », une vraie civilisation qui n’a rien à craindre de la nôtre — et qui ne tente pas, pour le moment, de nous supplanter. C’est ainsi que Léa Cho, Coréenne cannoise de 16 ans, vient d’obtenir un double 20 / 20 à l’Épreuve Anticipée de Français.

En vérité, je le dis très solennellement à mes collègues enseignants : il n’y a pas à respecter les croyances fanatiques d’élèves englués dans la barbarie. Nous devons, à chaque instant, appliquer le programme de Voltaire : Ecrasons l’infâme — c’est-à-dire la superstition et le fanatisme, les croyances erronées, et tous les signes extérieurs de ces croyances. Quand un néo-député LFI, Rodrigo Arenas, ex-président de la FCPE, propose d’annuler le décret interdisant l’abaya, on voit qu’il est encore fécond, le ventre qui a enfanté la bête immonde…

Je sors fin août un essai intitulé L’Ecole sous emprise dont je me permets de recopier ici la quatrième de couverture, comme on dit :
« Samuel Paty, professeur d’histoire décapité en 2020… Dominique Bernard, professeur de Lettres poignardé à mort dans son lycée d’Arras en 2023… Et tant d’autres menacés, insultés, agressés chaque jour dès qu’ils s’avisent de heurter les certitudes mortifères des élèves et de leurs parents.
« Pour les enseignants, l’école se fait désormais la boule au ventre, sous le regard suspicieux de mouvances religieuses radicalisées, soutenues parfois par les enseignants eux-mêmes.
« Alors que l’École publique traverse une crise multiforme, Jean-Paul Brighelli plaide en faveur d’un système éducatif restauré et d’une laïcité intransigeante pour contrer l’emprise de l’entrisme islamiste.
« Les enseignants doivent retrouver le droit d’instruire enfants et adolescents contre leurs propres convictions, sans s’autocensurer. Est-il vraiment trop tard, face aux réseaux infiltrés du fanatisme, pour ressusciter ces « hussards noirs de la République » que furent jadis les instituteurs ? »

L’École est le champ de bataille final. Si nous courbons la tête, si nous laissons le moindre interstice aux affirmations mensongères et aux attitudes mortifères de gosses fanatisés, nous sommes perdus. Si dans la rue, nous autorisons l’expression de la barbarie, nous sommes foutus. Si nous continuons à financer les organisations « culturelles » de gens qui haïssent la notion même de culture, nous sommes morts.

Huntington avait raison : les conflits sont désormais entrés en phase chaude. Il avait tort, ce n’est pas une civilisation contre l’autre, mais un coin que des ignorants tentent d’insérer dans le pays qui les reçoit, qui les assimilerait s’ils le désiraient, mais qui doit les repousser comme un organisme chasse un corps étranger qui cherche à l’infecter.

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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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