Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve.
Mourir en faisant l’amour est une chose qui arrive. Freud a prouvé qu’Éros et Thanatos ont partie liée, ce que savait déjà, d’ailleurs, l’auteur du Cantique des Cantiques : « Mettez-moi comme un sceau sur votre cœur, comme un sceau sur votre bras : parce que l’amour est fort comme la mort. » Est-ce ce genre de paroles que se sont adressées, avant leur chute d’un balcon du Cannet, ces deux touristes enlacés, information parue cet été sur le site de France Bleu Alpes-Maritimes ? Ou, emportés par leur élan, ont-ils cru atteindre le septième ciel pour finalement mieux s’écraser sur le sol ? Quelques jours auparavant, c’était a Lima, sur un pont, qu’un couple connaissait le même sort. Un vrai début d’épidémie…
Ces morts ou la volupté se mêle a l’horreur ont toujours fascine les écrivains, tel Balzac racontant la mort du jeune Raphaël de Valentin dans La Peau de chagrin : « Il ne trouva que les sons étranglés du râle dans sa poitrine, dont chaque respiration creusée plus avant, semblait partir de ses entrailles. Enfin, ne pouvant bientôt plus former de sons, il mordit Pauline au sein. Jonathas se présenta tout épouvanté des cris qu’il entendait, et tenta d’arracher à la jeune fille le cadavre sur lequel elle s’était accroupie dans un coin. »
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C’est peut-être ce qu’a ressenti en 2013 un salarié d’une société de maintenance en déplacement qui n’a pas survécu a son étreinte dans l’appartement d’une inconnue. Le problème est que cette mort vient d’être reconnue par la cour d’appel comme… un accident du travail : « ll est constant qu’un rapport sexuel est un acte de la vie courante », stipule l’arrêt qui conclut, bien que l’homme ait été retrouvé dans l’appartement de la femme, qu’on ne pouvait « considérer qu’il s’était placé hors de la sphère de l’autorité de l’employeur ».
Les patrons ont-ils de quoi s’inquiéter ? Pas si l’on en croit Charles Fourier et son utopie phalanstérienne. Pour lui, le sexe au travail sera au contraire une affaire très rentable : « Les harmoniens ne sauront pas ce que c’est que récréation ; et pourtant ils travailleront beaucoup plus que nous, mais par attraction. Les séances de travail seront pour eux ce qu’est l’affluence de fêtes pour les sybarites parisiens, qui ne sont en peine que du choix des maîtresses. » Avant d’ajouter a propos des femmes : « La faculté assurée de travailler pour tel jeune homme en passionnera bon nombre pour les fonctions qu’elles dédaigneraient sans cette amorce, et dont l’amour leur donnera le goût… »
Il suffira juste, éventuellement, de passer un électrocardiogramme…