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Eric Zemmour, notre Rivarol


Il est doué, le bougre. Il le sait bien, d’ailleurs. Mais ce qui le distingue de ses pairs, c’est autre chose. C’est la culture, le sens de l’Histoire, la capacité à y trouver des outils qui permettent de faire comprendre le présent et d’éclairer l’avenir. Son côté Jacques Bainville, ricaneraient ses innombrables détracteurs, si le nom de Bainville leur disait encore quelque chose. Mais ils l’ont oublié, comme le reste. Et c’est ce qui fait précisément la force d’Éric Zemmour : dans sa catégorie, il n’a aucun concurrent sérieux. Il le démontre à nouveau en publiant le recueil de ses chroniques matinales sur RTL, dans un livre au titre aussi brillant que son objet : Le Bûcher des vaniteux.

Cette subtilité dans l’analyse, ce mordant que nul ne lui conteste, cette aptitude à convoquer les figures tutélaires de notre Histoire à l’appui de ses démonstrations font de ce Bûcher quotidien un vrai feu d’artifice. Un régal pour amateurs éclairés.[access capability= »lire_inedits »] Car rien ni personne n’échappe à la moulinette. Zemmour n’a aucune pudeur idéologique, aucune retenue bien-pensante qui le ferait hésiter un instant avant de déshabiller une illusion ou de démasquer une idole. À l’entendre et à le lire, il paraît absolument étranger au politiquement correct : prêt à tout, et d’abord, à tout dire, à tout dévoiler. Qu’il s’agisse du mirage des révolutions arabes ou de la disgrâce de Rama Yade, fausse ingénue et vraie traîtresse, qu’il s’agisse des quotas communautaires ou du collège unique, de la politique impériale allemande ou des billevesées fédéralistes, Zemmour ne respecte rien de ce que vénèrent les autres. Il se refuse obstinément à hurler avec les loups. C’est d’ailleurs ce qui fait son charme, et c’est ce qui donne à ce feu d’artifice des couleurs que n’auront jamais les pesantes analyses des chroniqueurs ordinaires.

Le propos de Zemmour n’est pas celui d’un anatomiste glacé qui prétendrait disséquer avec la plus froide objectivité les faits et gestes de nos gouvernants. C’est celui d’un homme de conviction, et qui ne s’en cache pas. Un homme qui, à cette occasion, défend avec ardeur ce que l’on appelle, depuis le général de Gaulle « une certaine idée de la France », mais aussi de l’État, des Français, de leur culture et de leur destin. Un gaullisme où l’on retrouve l’écho, tout à fait perceptible, d’un Barrès, d’un Péguy, ou encore, d’un Napoléon III, personnage récurrent de la comédie humaine mise en scène par Zemmour. Or, à beaucoup d’égards, ce qu’il dit à propos de Mélenchon, « chef incontesté de la classe ouvrière, sauf qu’il n’y a plus de classe ouvrière », vaut également, hélas, pour cette France qu’il entend défendre. Une France qui, si elle existe encore, paraît bien mal en point, à force d’avoir été épuisée par ce perpétuel feu d’artifice. Car le carnaval des vaniteux, et les cendres qu’il produit, finissent par étouffer peu à peu tout ce qui les entoure. Par assécher le pays réel.

Et c’est en cela qu’Éric Zemmour est un peu notre Rivarol. Aussi doué que son prédécesseur, et comme lui, aimant par dessus tout danser sur le bord du volcan, y disserter sur les mille et trois nuances de la lave en fusion − avant de tourner le dos au cratère, un peu mélancolique, un vague sourire aux lèvres. Ce qui ne l’empêche pas d’y retourner courageusement dès le lendemain matin pour dénoncer, comme nul autre n’ose le faire, les horreurs du gouffre et l’éruption qui se prépare.[/access]
 

Éric Zemmour, Le Bûcher des vaniteux, Albin Michel, février 2012.

Mars 2012 . N°45

Article extrait du Magazine Causeur



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est né en 1964. Il est professeur de droit public à l’université Paris Descartes, où il enseigne le droit constitutionnel et s’intéresse tout particulièrement à l’histoire des idées et des mentalités. Après avoir travaillé sur l’utopie et l’idée de progrès (L’invention du progrès, CNRS éditions, 2010), il a publié une Histoire de la politesse (2006), une Histoire du snobisme (2008) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (élu par la rédaction du magazine Lire Meilleur livre d’histoire littéraire de l’année 2011).

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