La dénatalité de la population française est due essentiellement au travail des femmes. Personne n’empêchera l’épouse de mon charpentier de reprendre ses études d’infirmière et c’est très bien. Travailler est une promesse d’épanouissement et de liberté dont personne ne doit être privé. Alors que faire pour que subsiste en Europe une certaine diversité biologique et que coexistent paisiblement dans nos pays les remplacés et les remplaçants?
Mon charpentier confirme pleinement ce que dit Emmanuel Todd dans son dernier ouvrage Où en sont-elles ? (Seuil) à propos de la natalité. “La perte de pouvoir masculin est ici totale (…), en dernière instance, c’est désormais la femme qui décide d’avoir un enfant ou non”. Il y a deux ans, il me bâtissait un préau et, à l’apéritif, me confiait avec le sourire qu’il souhaitait un quatrième enfant. Je le félicitais, la règle dans mon coin de France profonde très vieillissant c’est l’enfant unique, aller jusqu’à deux relève de l’aventurisme le plus échevelé. Ce jeune homme dynamique me construit ces jours-ci un garde-corps et à l’apéro, ah non, madame veut reprendre ses études d’infirmières, pas question d’agrandir la famille. On ne ramènera pas les femmes à leur cuisine et tant mieux. La cause est entendue, du moins chez tous ceux qui vivent selon les normes occidentales.
La natalité occidentale en berne
Parmi ses grandes qualités intellectuelles, Éric Zemmour a celle de savoir hiérarchiser les problèmes, de distinguer du premier coup d’œil l’essentiel du secondaire. L’essentiel est pour lui la survie de la France telle qu’on la connaît, je voterai pour lui sans l’ombre d’une hésitation le 10 avril. Il sait aussi renvoyer poliment dans les cordes ceux qui lui demandent de s’engager sur des sujets secondaires. Je demande à Éric Zemmour de ne prendre aucun engagement contre la PMA et GPA, et je le lui demande au nom de raisons très zemmouriennes que je vais exposer.
L’effondrement de la natalité française va s’aggraver, du moins chez les non-musulmans. Le féminisme actuel, qu’Emmanuel Todd appelle à juste raison un féminisme de ressentiment, répand l’idée que la maternité constitue une charge mentale insupportable et que les femmes doivent refuser cette “injonction de la société patriarcale”. L’excellent article de Didier Desrimais sur Causeur.fr “Renée Greusard victime du régime de l’hétérosexualité” critique avec raison cette exigence d’un consentement à la maternité. Le très modéré Figaro multiplie les articles sur “le regret d’être parent” et le Figaro Madame parlait le 08 octobre du succès international du livre d’Orna Donath traduit en français en 2019 sous le titre Le regret d’être mère. Le néoféminisme est passé subrepticement de “un enfant quand je veux si je veux” à “pas d’enfant du tout, c’est mauvais pour mon développement personnel”. On voudrait justifier la sinistre prédiction selon laquelle la femme sera le tombeau de l’Occident qu’on ne s’y prendrait pas mieux.
L’expression « grand remplacement » suscite la panique
L’immigration actuelle amène en France des populations dont les hommes font des enfants à leurs femmes sans s’inquiéter de “leur consentement à la maternité”. Dynamisme démographique qui se constate dans toute la France et pas seulement en région parisienne. Le grand remplacement devient si évident à des yeux jusque-là fermement myopes que la simple énonciation de ces deux mots entraîne des paniques morales. Des gens raisonnables veulent lui substituer l’expression “bascule démographique”, et j’ai été stupéfait d’entendre la courageuse Michèle Tribalat dire lors d’une interview sur CNews qu’il fallait préférer le terme de “substitution”. Le comble du pataquès a été atteint par Valérie Pécresse, dans son discours du Zénith : “Avec moi, il n’y aura pas de grand remplacement”. On croyait qu’elle voulait lutter contre cette réalité, mais devant les hurlements de la gauche, elle a prétendu vouloir lutter contre cette expression ! C’était parfait pour mettre en valeur la clarté des idées de Zemmour qui ne confond jamais les mots et les choses. Et il répète depuis Le suicide français que celui-ci est avant tout démographique.
La dénatalité de la population française est due essentiellement au travail des femmes. Personne n’empêchera l’épouse de mon charpentier de reprendre ses études d’infirmière et c’est très bien. Travailler est une promesse d’épanouissement et de liberté dont personne ne doit être privé. Alors que faire pour que subsiste en Europe une certaine diversité biologique et que coexistent paisiblement dans nos pays les remplacés et les remplaçants ? Que faire pour que subsistent en France les gènes des bâtisseurs de cathédrales et des soldats de la Révolution et de l’Empire ? Car il existe un aspect génétique à la continuité nationale, soit dit sans refuser un instant l’apport génétique d’un peuple aussi artiste que les Dogons ou aussi intelligent que les Berbères juifs. Il existe bien une solution pour garder un minimum de gènes européens en Europe, mais elle est tellement diabolisée aujourd’hui qu’il faudra du temps avant que sa nécessité s’impose. Cette solution qui semble relever du progressisme le plus agressif est en réalité conservatrice, et j’ose dire zemmourienne. La même aventure est arrivée à l’écologie : la pauvre petite s’est fait kidnapper par l’extrême gauche, alors qu’elle est conservatrice, pour les abeilles comme pour le paysage.
“Je préfère un enfant sans père à pas d’enfant du tout” JMLP
Une pétition de principe : je trouve le progressisme intégral aussi niais que le conservatisme intégral. A problèmes différents, solutions différentes. Je suis partisan de Zemmour et je pense qu’il ne doit pas prendre d’engagement contre la PMA. Celle-ci est en train d’être admise par l’opinion, elle fait naître des bébés qui ne seraient pas venus au monde (“le nombre, le nombre, le nombre !”) et, s’il s’agit d’enfants de lesbiennes, ils grandiront aussi bien que ceux des innombrables veuves de 14-18. “Je préfère un enfant sans père à pas d’enfant du tout” a déclaré Jean-Marie Le Pen, preuve qu’il est loin de ne dire que des bêtises. Ce mode de naissance se banalisera et deviendra statistiquement important (“le nombre, le nombre, le nombre !”).
Le 9 février, France 2 a présenté un téléfilm sur la GPA inspiré du livre de Marc-Olivier Fogiel Qu’est-ce qu’elle a ma famille ?. Lors du débat, la députée Genevrard, très remontée contre la GPA, a proclamé le grand tabou d’une morale qu’elle croit au-dessus de toute remise en cause : le corps humain doit échapper à toute transaction financière. Donc interdiction de la prostitution ? La police aura du travail. Blaise Pascal pourrait lui objecter la relativité de la morale selon les pays : “Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà”. Dans ce cas, “Vérité en-deçà de la Manche, erreur au-delà”. A Calais, la GPA est ignoble, à Douvres elle est admise. Trente kilomètres, et voilà la loi et la morale cul par-dessus tête. Les lois sur les mœurs sont variables et risibles selon Pascal, plus risibles encore sont les lois sur les rapports du sexe et de l’argent. Paul Veyne nous en apprend une bien bonne sur les dames romaines libres : leurs amoureux pouvaient sans affront leur proposer de l’argent pour coucher avec elles, et elles pouvaient accepter sans scandale !
Toute transaction financière sur un corps humain est ignoble et doit être proscrite ? Ah bon ? L’Etat français a donc commis une faute impardonnable en rachetant Sophie Pétronin aux islamistes du Mali ? Les congrégations religieuses qui autrefois rachetaient les captifs chrétiens en Afrique du Nord (ainsi fut libéré Cervantès prisonnier à Alger) commettaient un affreux péché ? Ah non, me direz-vous, le rachat des otages n’a rien à voir, c’est l’intention qui compte ! Eh bien si l’intention compte, la pire des GPA non-éthique, celle où l’on achète le bébé, ne vise que son bien, l’intention est pure. Un couple qui dépense une fortune et brave l’hostilité de son entourage ne va pas élever son enfant pour le maltraiter. Le plus grave risque que courent les filles de Marc-Olivier Fogiel est d’être noyées sous les cadeaux et l’amour paternel.
Pendant ce temps, l’IVG rallongée à 14 semaines
L’argument de la mise en esclavage des mères porteuses est absurde. Ce mot “esclavage”, lourd d’affectif, sert aujourd’hui à brouiller n’importe quel débat. Une séquence du téléfilm montrait une jeune Ukrainienne enceinte jusqu’aux yeux qui résidait dans un studio d’aspect cossu où on l’avait installée pour protéger la fin de sa grossesse. “Scandaleux esclavage !” s’exclamèrent les participants, les pour comme les contre. De quoi révolter les mânes des esclaves empilés dans les cales des navires négriers, qui ne jouissaient certes pas du confort d’un coquet studio ! La GPA, éthique ou non, consiste à acheter la force vitale de la mère porteuse comme un patron achète la sueur et l’énergie de ses ouvriers.
Et si on parlait un peu d’avortement ? La comparaison s’impose entre ces manœuvres qui consistent l’une à tuer un bébé aux portes de la vie et l’autre à le faire naître. L’Assemblée nationale dont fait partie Mme Genevrard a-t-elle fait preuve de sublimité morale le 23 février en autorisant l’IVG à quatorze semaines, qui oblige le gynécologue à écraser avec une pince la tête déjà ossifiée du fœtus ? Il s’est déclenché récemment une grande offensive éditoriale féministe contre la GPA, des livres ont paru pour dire combien il était inhumain d’arracher un bébé au couple dont il a entendu les voix pendant la gestation, GPA le grand bluff de Céline Revel-Dumas aux éditions du Cerf et Les marchés de la maternité, œuvre d’un collectif chez Odile Jacob. Ces excellentes personnes s’apitoient sur la douleur des bébés qui n’entendent plus les mêmes voix après leur naissance, une terrible souffrance ! Par contre elles ne se soucient pas des IVG tardives, et on a presqu’envie de leur demander : “Si vous étiez un fœtus, préfèreriez-vous avoir le crâne écrasé avec une pince ou changer de maman à la naissance ?” Je ne milite pas un instant pour l’interdiction de l’IVG en temps voulu, mais je rappelle que, dans certaines circonstances sociales difficiles pour la mère, il est légal en France d’écraser le crâne juste avant la sortie de l’enfant à la grande lumière de la vie. De plus cruels que moi diraient que le développement personnel de la mère exige la mort de l’enfant à naitre et que la société applaudit à deux mains.
En voulant gagner sur tous les tableaux, les féministes d’aujourd’hui créent un grave déséquilibre anthropologique. Alain Finkielkraut l’a souligné récemment, le patriarcat n’existe plus puisqu’une femme peut avorter sans le consentement de son mari. Mais voici que le triomphe total des féministes sur la natalité ou plutôt leur lutte acharnée en faveur de la dénatalité est menacée ! Au secours, mes sœurs, des Ukrainiennes, des Américaines, des Canadiennes attaquent notre monopole sur les naissances (ou plutôt les non-naissances), les surrogate mothers nous font des enfants dans le dos ! Les couples d’hommes veulent des enfants, c’est l’exclusion totale du pouvoir féminin sur la reproduction ! Vite des insultes, des condamnations, des barrières protectionnistes, des manifestations de catholiques naïfs qui n’ont pas compris que la PMA et la GPA étaient des chances historiques pour compenser l’effondrement de la natalité française !
Les droites françaises, la classique et les nationales, ne voient pas le rôle salvateur que peuvent avoir les nouvelles natalités.
Les femmes continueront de faire carrière, mais elles congèleront leurs ovocytes et en feront des bébés elles-mêmes plus tard ou avec l’aide de mères porteuses. Passer sa cinquantaine ou sa soixantaine à pouponner, avec une confortable retraite et une santé garantie par les sidérants progrès de la médecine, quelle merveilleuse occupation ! Pour l’instant, l’apport de la GPA à la démographie est dérisoire, il en sera autrement quand elle sera décriminalisée, acceptée et démocratisée. La science nous sauvera de l’extinction démographique de l’Occident comme du grand réchauffement. Les esprits bougent sur cette question, mais avec une lenteur géologique. Zemmour a un esprit à la rapidité fulgurante, il comprendra immédiatement ces enjeux et refusera de se lier les mains en promettant quoi que ce soit sur les nouvelles natalités.
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