Invité hier soir sur CNews, l’ancien candidat à la présidentielle Eric Zemmour a retrouvé un plateau qui lui est très familier. Il y présentait son nouveau livre, Je n’ai pas dit mon dernier mot (Rubempré). Forcément, Causeur était devant sa télé!
L’émission n’avait été créée (presque) que pour lui. On était en octobre 2019, CNews venait tout juste de récolter l’étiquette de « Fox News à la française » et lançait Face à l’info. À 19 heures, chaque soir de la semaine, Eric Zemmour était le principal produit d’appel du programme.
Et puis, quand la rumeur d’une entrée en campagne a commencé à bruire, à l’automne 2021, le polémiste a bien été obligé d’abandonner l’émission quotidienne. Alors, quand hier soir, Christine Kelly recevait le président de « Reconquête », à l’occasion de la sortie de son dernier livre, on avait presque envie de chantonner « Tonton Cristobal est revenu » !
Rapetissement du domaine de la lutte
De La France n’a pas dit son dernier mot (2021) à Je n’ai pas dit mon dernier mot (2023), on pourrait déduire que l’optimisme d’Eric Zemmour s’est rétréci d’un champ collectif à un champ individuel. Oui: avec un petit peu de mauvais esprit, on pourrait même parler de rapetissement du domaine de la lutte… Grâce à cette avant-première proposée sur CNews, la veille de la sortie du livre, nous avons découvert que Philippe de Villiers était un « chevalier », un ami devenu frère d’armes, tandis que Robert Ménard, premier supporter devenu premier contempteur, s’est vu qualifié de « Judas de Béziers » et d’ « oxymore sur pattes ». Mais promis, ce livre n’est pas un règlement de comptes !
Zemmour y raconte avant tout la démoralisation parmi ses troupes après la défaite, et la compare à la désaffection qu’avait connue Jacques Chirac en 1988 auprès de ses plus fidèles. Après tout, si Emmanuel Macron avait perdu en 2017 au premier tour, ses derniers soutiens en seraient aujourd’hui à quémander une place sur la liste du Modem pour les Européennes… Surtout, Zemmour a expliqué hier soir comment il s’était laissé enfermer dans un match contre Marine Le Pen.
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Il est revenu aussi sur les boules puantes de la campagne, et notamment sur le traitement médiatique du meeting réussi du Trocadéro, réduit au journal de 20 heures aux quelques « Macron assassin ! » entendus parmi la foule. Il a raconté, avec une bonhomie rigolote, comment il avait depuis rencontré deux des trouble-fêtes, des enfants de 10 et 12 ans un peu énervés.
Et maintenant, que vais-je faire?
Il y a quelques années, sur une autre chaîne du groupe Bolloré, l’émission Voyage au bout de la nuit proposait une lecture télévisée de romans. Le téléspectateur était tenu en haleine, soit par la qualité du roman lu, soit par la voix suave et les tenues légères de la jeune lectrice. On a presque cru le concept ressuscité hier soir, quand Christine Kelly proposa à son invité de faire une lecture d’un passage de son livre. Le passage, c’est le moment où une boule au ventre s’empare de l’estomac du candidat malchanceux, le 24 février 2022. La guerre en Ukraine venait alors de lui ravir son thème de campagne de prédilection, le grand remplacement, qu’il avait imposé non sans panache dans le débat public. Ce fut en effet le moment où la campagne commença à battre de l’aile.
Pourtant, Eric Zemmour ne regrette pas d’être descendu dans l’arène. Il a de nouveau cité hier soir la phrase de Jacques Bainville, qui, amer à la fin de sa vie, regrettait de ne s’être jeté dans la bataille politique. Journaliste, Eric Zemmour avait « une influence sur l’avis des Français ». Désormais, avec le réseau des Parents vigilants et ses milliers d’adhérents revendiqués, il peut influer « sur la vie » de ceux-ci. Comme à Callac, village des Côtes d’Armor, où les militants « Reconquête » ont fait dernièrement reculer l’installation de populations immigrées.
Grâce à cette stratégie d’agit-prop, le parti de Zemmour s’estime armé pour échapper à une « MNRisation » de sa trajectoire. Au début des années 2000, le parti de Bruno Mégret avait bien cru pouvoir rivaliser avec le Front National, et rassembler autour de lui les déçus du RPR et du FN. En quelques mois, le parti s’était marginalisé et n’attirait à lui plus que quelques affreux jojos dont même le FN de Jean-Marie Le Pen ne voulait plus. Eric Zemmour pense pouvoir échapper à pareille déroute. Les audiences du canal 17 d’hier soir, et les ventes de son nouveau livre, publié ce jour, seront assurément un bon indice pour s’en assurer.
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