Dans son pamphlet La Faute à Rousseau, Éric Naulleau dénonce le terrifiant projet de société que prônent l’élue écolo et ses acolytes. Une idéologie qui veut couper des têtes et museler la liberté d’expression, liberté qui n’a peut-être été qu’une parenthèse historique.
Causeur. Vous concluez La Faute à Rousseau en écrivant : « Fermez ce livre, cessez de prêter attention à Sandrine Rousseau. » N’est-ce pas paradoxal, alors que vous consacrez un ouvrage à la députée écoféministe ?
Éric Naulleau. Certes. Mais il s’agit cette fois de rompre avec l’incroyable complaisance médiatique envers Sandrine Rousseau, de dévoiler ce qui se dissimule derrière le personnage souriant, à savoir une carriériste, une ambitieuse qui ne recule devant aucun moyen pour écarter ses rivaux politiques – mensonge, manipulation, malveillance… Et derrière les nobles mots d’écologie et de féminisme dont elle a plein la bouche, un terrifiant projet de société. Il est par ailleurs évident que la mise en vedette d’un pareil personnage – capable d’affirmer qu’elle préfère les jeteuses de sorts aux ingénieurs EPR, que Darwin a influencé Malthus (le second est mort plusieurs dizaines d’années avant que paraissent les œuvres majeures du premier) ou que Jean Moulin est mort pour la retraite à 62 ans, en dit long sur notre époque. Il convenait de le mettre en lumière.
Vous montrez qu’elle est davantage machiavélique – prête à tout pour une couverture médiatique – qu’une pure illuminée. Quand on pense à la Révolution française, les ambitieux sont moins angoissants que les convaincus.
Sandrine Rousseau se caractérise par un mélange déroutant de cynisme et de bêtise, de conviction et d’opportunisme, de machiavélisme et d’illumination. En ce sens, je crains que vous vous rassuriez à trop bon compte. Et puis les motivations du bourreau importent peu à celui dont on va couper la tête. Car il s’agit bien de cela au bout du compte, décapiter le patriarcat et tout ce qui s’y rattache – moi, vous, tout le monde. Faire table rase du passé, ce passé qui ne cesse de décevoir l’exigence de pureté du présent, ce mauvais élève mis au coin par les nouveaux instituteurs du progressisme.
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Vous trouvez des similitudes entre wokisme et islamisme, des ressemblances entre les écoterroristes qui vandalisent des œuvres d’art et les talibans. Vous estimez également que cette passion pour la censure nous replonge dans le xixe siècle. Finalement, le libéralisme de la seconde moitié du xxe siècle, qui a permis grosso modo de tout dire en Occident, a-t-il été une parenthèse heureuse ?
Et si la liberté d’expression n’avait en effet été qu’une brève parenthèse historique ? Question vertigineuse, mais peut-être moins que deux autres interrogations auxquelles je m’efforce d’apporter réponse. Comment se fait-il que de verticale (le pouvoir politique, l’Église…), la censure soit devenue horizontale ? Je parle non seulement des associations et groupes de pression en tout genre, mais aussi du fait que dans l’affaire Richard Millet, par exemple, des écrivains ont demandé la censure d’un autre écrivain, et que dans l’affaire Bastien Vivès, des dessinateurs ont demandé la censure d’un autre dessinateur. Comment se fait-il par ailleurs que la volonté de censure soit passée de droite à gauche ? Pas un mois sans qu’une personnalité soit empêchée d’intervenir à l’université par des milices wokistes et/ou islamo-gauchistes. Nous vivons désormais dans un pays où Jean-Marc Rouillan, ancien terroriste d’Action directe, gang responsable de plusieurs lâches assassinats, peut en toute quiétude intervenir dans une université bordelaise (sur le thème de la répression policière !), mais où la conférence de Florence Bergeaud-Blackler sur l’influence grandissante de l’islam politique et du frérisme à la Sorbonne est annulée. Sandrine Rousseau et son idéologie participent de cette inversion des valeurs. Mon pamphlet est une pressante invitation à cesser de marcher sur la tête et à retomber sur nos pieds.
Vous revenez sur l’épisode de Sainte-Soline et les violences contre les policiers. Si on essaie de prendre le point de vue adverse, la violence n’est-elle pas le seul moyen de se faire entendre ?
Ce qui s’est passé à Sainte-Soline ou autour de la réforme des retraites participe d’une même volonté de substituer une nouvelle légitimité à la légalité, la légitimité de la rue et de la violence. Qui plus est en jouant sur deux tableaux : pendant la semaine, Sandrine Rousseau fait profession de voter des lois sur lesquelles elle s’assoit ; et le week-end, elle participe à des manifestations interdites visant à faire prévaloir son idéologie sur des décisions prises dans le respect des règles démocratiques. Ces menées antirépublicaines sont inadmissibles de la part d’une élue. D’autant que, la tentation des fanatiques est de toujours frapper plus fort les esprits, par le sabotage (à Sainte-Soline), par la dégradation d’œuvres d’art ou l’appel, par Jean-Luc Mélenchon, à abattre la République – autant de pratiques soutenues par Mme Rousseau. Et demain quoi ? C’est une logique terroriste.
En évoquant le face-à-face Rousseau-Angot dans « On n’est pas couché », en 2017, vous dites joliment que, ce jour-là, la mangouste Angot est tombée sur le boa Rousseau. Vous parlez aussi d’Annie Ernaux et de ses accointances avec Houria Bouteldja. La féminisation de l’espace médiatique participe-t-elle à son hystérisation ?
Ce qui se passe n’a rien à voir avec la féminisation de l’espace médiatique – il était temps d’introduire la parité, j’allais dire la mixité sur les plateaux de télévision, après tant d’années d’exclusivité masculine – et tout à voir avec l’instrumentalisation du féminisme.
J’ai eu ainsi la grande surprise d’apprendre par Cécile Duflot que mon essai sur Sandrine Rousseau était un acte misogyne, alors que j’ai précédemment fait paraître des textes pamphlétaires sur Michel Houellebecq, Bernard-Henri Lévy ou Philippe Sollers… Stratégie d’intimidation, terrorisme intellectuel, victimisation à outrance, volonté de réduire au silence les opposants, les ficelles sont grosses. L’égalité entre les hommes et les femmes suppose que les secondes acceptent aussi bien la critique que les premiers.
Éric Naulleau, La Faute à Rousseau, Léo Scheer, 2023.