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Eric Kaufmann s’attaque au tabou de la «race»

"Taboo : how making race sacred produced a cultural revolution" (Editions Forum, 4 juillet 2024)


Eric Kaufmann s’attaque au tabou de la «race»
Le politologue Eric Kaufmann enseigne en Angleterre et publie "Taboo: How Making Race Sacred Produced a Cultural Revolution". Photo DR.

Comment mettre fin à la tyrannie des minorités en Occident, et au racket idéologique du wokisme culpabilisateur ? Le penseur libéral canadien Eric Kaufmann s’attaque à la question et apporte des solutions politiques, dans un gros livre, que notre contributrice la démographe Michèle Tribalat vient de finir.


Eric Kaufmann est un universitaire canadien libéral qui enseigne à l’université de Buckingham au Royaume-Uni. Il s’opposa aux manifestations radicales de la gauche culturelle dans le monde occidental au milieu des années 2010 et devint alors une de ses cibles mais fut plus tard défendu par l’organisation Free Speech Union créé au Royaume-Uni en 2020. Après le massacre du 7 octobre et la mobilisation pro-palestinienne dans les universités qui a suivi, il comprend que quelque chose ne tourne pas rond dans la culture des élites et des jeunes. Il qualifie leur socialisme de culturel en raison de l’accent mis sur le récit culturel comme source de pouvoir et de « privilèges ».

Les quelques victoires remportées contre ce socialisme culturel (lois anti-DEI et anti-TCR[1] dans certains Etats américains, arrêt de la Cour suprême de 2023 bannissant l’Affirmative Action…) ont pu laisser croire aux Libéraux et aux Conservateurs que le vent était en train de tourner.

Eric Kaufmann pense qu’il va être difficile de sortir de cette hégémonie qui s’est construite depuis plus d’un siècle autour de la sacralisation de la race. Tabou qui a « fait des petits » depuis avec le sexe et le genre, de sorte que l’on a aujourd’hui une sacralisation de la race, du sexe et du genre, sainte trinité du monde occidental. Comment sortir du racket idéologique selon lequel la minorité est le bien et la majorité le mal ?

Vers un nouveau libéralisme

Le wokisme émerge d’une symbiose entre les gauches libérale et illibérale. La différence entre les libéraux modernes et les radicaux n’est, en effet, qu’une question de degré. Le socialisme culturel se distingue du socialisme marxiste, mais partage sa vision oppresseur/opprimés. L’affrontement liberté/égalité se situe maintenant sur le terrain culturel plus qu’économique. Alors que la perspective culturelle libérale promeut un traitement égal pour un résultat optimal dans tous les groupes, le socialisme culturel vise l’égalité de résultats de groupes définis par la race, le genre et la sexualité plus que la classe ou la richesse. Le socialisme culturel cherche à maximiser les résultats des groupes défavorisés en réécrivant l’histoire pour faire honte aux Blancs majoritaires. Il privilégie un progressisme maximaliste et nourrit le populisme et la polarisation. Il partage avec les économistes socialistes les valeurs d’équité et d’égalité, mais attache plus d’importance qu’eux à la morale du soin et du préjudice. Ce style plus émotionnel du socialisme culturel produit un environnement fébrile, favorable à la religiosité. Le revers de la médaille de l’empathie pour les « opprimés » c’est la perte d’empathie pour ceux qui cumulent moins de points d’oppression et la possibilité que cela finisse par tourner à la violence.

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Les institutions doivent être aussi autonomes que possible mais, lorsqu’elles s’engagent dans l’illibéralisme et l’endoctrinement et perdent ainsi la confiance de la population, elles devraient céder une partie de leur autonomie. Eric Kaufmann pense que ce sont des gouvernements conservateurs qui, après avoir gagné les élections sur le thème de la « guerre culturelle », permettront à la gauche modérée de convaincre son parti d’abandonner ses positions socialistes culturelles impopulaires. Un nouvel optimum permettrait alors à la culture des majorités blanches et masculines de s’exprimer sans évincer ou contester les voix minoritaires comme par le passé et de retrouver ainsi une société plus harmonieuse et créative.

Montée du tabou de la race et nouvelle moralité publique

Les individualistes bohèmes des années 1910 sont les précurseurs de l’hostilité envers la majorité ethnique et la tradition et les précurseurs de la valorisation des minorités, portée plus tard à son paroxysme. Cette idéologie a gagné en influence après les deux guerres mondiales et la chute du communisme. Avec le mouvement des droits civiques des années 1955-65 et la montée du tabou racial, émerge une forme de gauche identitaire. C’est une triple révolution avec le passage de la classe à l’identitaire, le rétrécissement de la morale privée au préjudice et au soin et la réduction de la morale publique autour de nouvelles normes (le racisme auquel viendra s’ajouter le sexisme, l’homophobie…).


Si le racisme, sans disparaître, déclina fortement dès les années 1960, il était tentant pour l’entrepreneur moral, une fois le tabou en place, de « brandir cette puissante baguette magique » pour se faire valoir ou salir un adversaire politique. Pour Shelby Steele, qui a écrit sur la culpabilité blanche[2], « on ne peut éprouver de la culpabilité pour quelqu’un sans lui céder le pouvoir ». L’Amérique blanche cherche sa rédemption à travers les programmes sociaux et l’Affirmative Action après que Lyndon Johnson, en 1965, a ouvert la porte à la transgression du traitement égal en prônant une égalité de résultats. C’est bannir la discrimination raciale en théorie tout en la rendant obligatoire en pratique. Symbolique et disculpatoire, cette démarche narcissique permet de manifester sa vertu tout en cherchant à garder un ascendant en créant une culture de la dépendance. L’identité éclipsa la classe dans le panthéon de la gauche occidentale et peu de radicaux échappèrent à ce que Tom Wolfe a joliment nommé le syndrome « radical chic ».

Pour Eric Kaufmann, « c’est le radicalisme noir et le socialisme tiers-mondiste et non la théorie critique de l’école de Francfort[3], qui sont à la base du wokisme ». En acceptant la culpabilité blanche et la sacralisation de la race et en s’identifiant au sort des minorités, une grande partie des libéraux de gauche se sont rangés du côté des radicaux. Rappelons le sort de Patrick Moynihan vilipendé pour son rapport sur la famille noire (1965). Gayatri Spivak parle d’« essentialisme stratégique »: la race et le genre sont des constructions sociales, mais appuyons-nous sur elles comme si elles étaient réelles pour combattre l’oppresseur blanc. « Ironiquement, ce que le postmodernisme a produit c’est le type de « grand récit » qu’il disait vouloir démasquer »

« L’université est le « ground zero » du wokisme »

C’est à l’université que se produisit le passage du relativisme moral des années 1990 à l’absolutisme moral des années 2010. L’entrée des baby-boomers dans le corps professoral a donné un coup de fouet au socialisme culturel et à la désoccidentalisation des programmes, évolution qui n’aurait pu réussir sans le consentement passif de la gauche libérale. Les « speech codes » ont envahi les universités. Ce triomphe du socialisme culturel a été aussi une affaire de générations. Il s’est amplifié avec le changement générationnel et s’est institutionnalisé par la capture des organes de socialisation. Les idéologies fonctionnent comme un virus culturel : on l’attrape et on le répand. La propagation ne s’arrête que lorsque ce virus rencontre d’autres virus incompatibles avec lui : patriotisme, conservatisme ou libéralisme classique.

Ceux qui atteignent des positions d’influence et de pouvoir et contrôlent des institutions deviennent des super-propagateurs, accélérant ainsi le mouvement. S’y sont ajoutés les réseaux sociaux. Cette évolution a touché les pays occidentaux mais, ajoute Eric Kaufmann, un peu moins la France. Aux États-Unis, le glissement des élites vers la gauche, y compris dans la finance et chez les cadres d’entreprises, s’est accompagné d’un glissement des donations, des Républicains vers les Démocrates. Cette évolution culturelle s’est également imprimée dans la loi. La jurisprudence y a ajouté sa touche, notamment avec la notion d’effet disproportionné (disparate impact) qui permit d’introduire l’idée de discrimination sans l’intention de discriminer.

Claudine Gay, ancienne présidente de Harvard, entendue au Capitole, Washington, 5 décembre 2023 © Graeme Sloan/Sipa USA/SIPA

Des programmes de formation à la diversité sont apparus dès les années 1960, se sont multipliés et étendus ensuite. Dans les années 2000, le langage DEI était déjà là. Dans les années 2010, il est entré dans le lexique des entreprises. Mais, pour Eric Kaufmann, comme pour Shelby Steele, c’est la loi qui a suivi la culture et non l’inverse. C’est pourquoi les changements législatifs n’empêchent pas la progression du socialisme culturel aujourd’hui. On l’a vu avec l’habileté démontrée par les universités pour contourner les interdictions de l’Affirmative Action. Le climat moral antiraciste l’a emporté sur les aspects légaux.

Un « Little Brother control »

Le socialisme culturel combine illibéralisme et déculturation. Dans l’université, Eric Kaufman distingue un autoritarisme vertical, dur, qui inflige des punitions et un autoritarisme horizontal qui vient des collègues, dont la combinaison produit un effet d’intimidation. C’est le second qui domine.

Cet illibéralisme a une longue traine qui remonte aux années 1960, mais il s’est intensifié et a connu des pics. Une enquête Yougov de 2020 a montré à quel point les universitaires, sous l’emprise du socialisme culturel, s’éloignent radicalement, aux Etats-Unis comme en Grande Bretagne, du public, tout particulièrement dans les Sciences humaines et sociales. Les tièdes ou les opposants sont souvent contraints de falsifier leurs préférences (cf. Timur Kuran[4]). C’est ce qu’on a vu avec les interventions de la police britannique lors des émeutes BLM[5], sans que les policiers soient eux-mêmes des socialistes culturels convaincus. Mais ils officient sous la pression de bureaucrates et de communicants diplômés, imprégnés du socialisme culturel qui définit la moralité publique. Les jeunes, les femmes et les plus éduqués sont plus souvent embarqués dans le soutien de mesures autoritaires et certaines questions, telles que l’immigration, l’Affirmative Action, la TCR, les droits des Trans etc., deviennent des totems. Mais l’affiliation politique est aussi une ressource identitaire qui infecte les décisions non politiques. Les jeunes de gauche ont plus de préjugés que les jeunes conservateurs, et la gauche est plus discriminatoire vis-à-vis de la droite que l’inverse. D’après une enquête Yougov au Royaume-Uni en 2021, 50 % des partisans du Labour ne sortiraient pas volontiers avec un partisan conservateur contre 24 % en sens inverse. La volonté de discriminer politiquement dans ses relations amoureuses est le meilleur prédicteur de biais à l’embauche. Pour les socialistes culturels, le politique et le personnel sont inséparables. Ceux qui sont prêts à discriminer sur l’affiliation politique sont plus enclins à approuver la répression des dissidents. 

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La pression des pairs n’étouffe pas seulement la liberté de recherche. Elle fausse le rôle de l’université qui est de rechercher la vérité et comme l’université penche terriblement à gauche, l’autocensure appauvrit la diversité des points de vue. Professeurs et étudiants craignent avant tout leurs collègues. Les jeunes peuvent être à la fois inquiets et favorables à la culture de l’annulation parce qu’ils ont accepté la peur comme composante d’une éthique exigeante qu’ils soutiennent. L’autocensure a débordé des universités vers les milieux culturels où la gauche domine.

Impact négatif de cette morale publique sur la situation des minorités

La préoccupation de la justice sociale et les formations DEI, dans les universités mais aussi dans les entreprises, ont, au final, un impact négatif sur les minorités. Dans ses enquêtes, Éric Kaufmann a montré que les conservateurs blancs soumis à ce type de formation hésitent à critiquer un collègue noir et à l’aider à progresser de peur de dire quelque chose d’inapproprié. Phénomène que l’on retrouve à l’école et qui sape le progrès des Noirs. Par ailleurs, le socialisme culturel génère une hiérarchie des positions de pouvoir des différentes catégories de victimes. C’est pourquoi un homosexuel blanc accusé de racisme se montrera penaud.

Une mise en accusation du passé

En cherchant les responsables des maux d’aujourd’hui dans le passé, le socialisme culturel veut le purifier, au grand dam des conservateurs qui voient leur langue vandalisée. La responsabilité des crimes du passé serait intrinsèquement celle de la droite alors que les crimes de la gauche, le colonialisme et la colonisation non européens passent à la trappe.

Les sociétés les plus marquées par la morale socialiste culturelle sont particulièrement exposées aux paniques morales. Ce fut le cas au Canada lors de l’hystérie qui saisit le pays lorsqu’on découvrit, en 2015, des fosses communes d’enfants ayant fréquenté des pensionnats réservés aux indigènes. L’affabulation de génocide et la dénonciation de « négationnistes » s’est nourrie de l’inflation du nombre d’enfants y figurant, de l’indifférence au taux de mortalité bien plus élevé dans les réserves et de détails horrifiques non vérifiés par les médias. Ce qui plût beaucoup à la Chine qui en appela aux Nations unies ! Eric Kaufmann classe le Canada (à l’exception du Québec) en haut de l’échelle des pays gangrénés par le socialisme culturel devant l’Australie, la Nouvelle Zélande, les États-Unis et le Royaume-Uni.

Manifestation contre la venue du penseur conservateur Jordan Peterson, le 3 décembre 2022, à Sydney, en Australie © Shutterstock/SIPA

Pour lui, juger le passé selon les standards d’aujourd’hui nous empêche d’être fiers de ce qu’ont accompli des hommes imparfaits. Les moments de forte émotion peuvent « pousser le navire » encore plus loin (Floyd !). Si nous ne sommes pas prêts à nous battre contre le moindre effacement illégitime de notre héritage, la vague du socialisme culturel risque de tout emporter.

Séisme dans la jeunesse: la montée de l’illibéralisme chez les jeunes

D’après une enquête YouGov de 2022, les étudiants universitaires sont beaucoup plus intolérants que leurs professeurs, lesquels le sont d’autant plus qu’ils sont eux-mêmes jeunes, mais pas autant que leurs étudiants. Les jeunes qui passent par l’université sont plus à gauche que les autres et, d’après une étude britannique qui a suivi les individus, ces derniers, lorsqu’ils le sont, ont souvent tendance à devenir ensuite conservateurs.

Se voir comme une victime prédispose à s’identifier à des groupes que la société désigne comme « opprimés ». Ce qui explique peut-être le plus grand succès du socialisme culturel chez les femmes. Jean Twenge a montré que la proportion de jeunes filles en fin de lycée qui pensent que les femmes sont discriminées lors des admissions à l’université a bondi, passant de 30 % dans les années 1990 à 55 % dans les années 2015-18, alors qu’elles représentent 55 à 60 % des diplômés. Le genre et la sexualité jouent un rôle plus central que la race. Les groupes ethniques les plus désavantagés sont moins impactés par le socialisme culturel et, pour certains, semblent avoir un sens plus clair de leur identité.

Les opposants se rebiffent

Dans les années 2020, l’opposition a commencé à porter. Christopher Rufo a dévoilé les pratiques TCR extrémistes. Donald Trump l’a suivi en interdisant la TCR dans les formations fédérales. Si cette interdiction fut annulée par Joe Biden, Christopher Rufo avait réussi à en faire une question politique et certains États le suivirent.

Eric Kaufmann distingue trois guerres culturelles. La première a tourné autour de la libération des mœurs et du déclin de la religion avec ses aspects positifs mais aussi négatifs tels que la décomposition familiale et la hausse des maladies mentales. La deuxième s’est produite avec la hausse des niveaux d’immigration, le passage de l’assimilation au communautarisme et une polarisation accrue sur la diversité culturelle. La troisième est la guerre du socialisme culturel contre la richesse culturelle qui a avalé les deux premières. Avec celle-ci, l’alliance des libéraux avec la gauche cède la place à une nouvelle alliance possible des libéraux avec les conservateurs contre le wokisme, même si des divisions demeurent entre eux, notamment sur les questions religieuses, l’immigration et le changement démographique. Cette guerre se livre sur deux fronts : 1) la culture de l’annulation ; 2) la TCR et la théorie critique du genre.

Dans le monde anglo-saxon, les conservateurs ont longtemps été peu actifs dans la bataille des programmes d’enseignement. Au Royaume Uni, la dévolution de toujours plus de pouvoir aux écoles s’est conjuguée à une évolution du corps enseignant de plus en plus favorable aux contenus antinationaux, anti-blancs et anti-hommes. Des initiatives collectives telles que Heretodox Academy (dont Eric Kaufmann fait partie) qui regroupe aujourd’hui 4000 universités et FIRE[6] déploient beaucoup d’énergie dans le combat contre les atteintes à la liberté d’expression et le retraitement du passé.

Si les conservateurs sont à la manœuvre pour l’emporter, ils devront, pour ce faire, trouver le moyen de lier ce combat à des questions plus pressantes afin d’augmenter leur score aux élections. Ron de Santis, gouverneur de Floride est à l’avant-garde de la troisième guerre culturelle. Le Stop Woke Act interdit l’enseignement de la TCR à l’école. Au New College of Florida, Ron de Santis a remplacé le président et le conseil d’administration, dont Christopher Rufo est devenu membre. Il a congédié le responsable du programme « Diversité et équité » et supprimé les fonds qui y étaient dédiés. 

La mise en actes du wokisme par les institutions qu’il a capturées nourrit le populisme, lequel provoque un retour de bâton moral woke dans un cycle infernal de radicalisation. Pour que cette contre-offensive ait quelque chance de succès, il faut que l’opposition conservatrice se montre capable de dévoiler l’illibéralisme, la déraison et les traitements inégaux qui se cachent derrière la rhétorique humanitaire du socialisme culturel.

Les dégâts de l’utopie socialiste culturelle

La régression de la liberté d’expression, en privant la discussion de points de vue divers, nuit à la prise de décisions optimales et aux performances.

Le récit promu par BLM, qui a demandé que l’on coupe les financements de la police, a abouti à la mort de milliers de Noirs.

L’Affirmative Action à l’université américaine, si elle signale la vertu des administrateurs, nuit aux minorités qu’elle prétend aider, en raison de l’effet « mismatch »[7] et crée une dépendance nocive. Des enquêtes ont montré que la victimisation porte à voir des discriminations là où il n’y en a pas. Et, comme l’a écrit Thomas Sowell, cette attitude empêche de reconnaître ce que les Noirs ont accompli par eux-mêmes[8]. La tendance à mettre le paquet pour faire progresser les femmes noires, sans souci pour ce que deviennent les hommes noirs qui, pourtant, réussissent moins bien, peut aggraver la violence domestique et nuire à la formation et la durabilité des couples.

Immigration : un abus flagrant de la race

Par un détournement de concept, le racisme a été étendu au contrôle de l’immigration, fermant ainsi le débat sur la question. La réaction des gens à l’immigration incontrôlée a stimulé le « Grand Éveil » des années 2010 et conduit à un soutien croissant de l’immigration chez les libéraux américains.

Tous ces dégâts bien visibles du wokisme caricaturent l’image de la démocratie libérale dans le monde, donne des armes à la Chine et la protège ainsi de critiques bien légitimes.

En étouffant la liberté de contestation, l’Occident détruit ce qui a fait son succès.

Propositions d’Eric Kaufmann pour résister à la montée du socialisme culturel

Il faut d’abord une alliance entre libéraux culturels et conservateurs pour restaurer une normalité, sans jeter l’égalitarisme culturel, tout en visant un meilleur équilibre de valeurs rivales. Il faut restreindre la capacité des institutions à interpréter de manière toujours plus étendue les lois. Pour ce faire, Eric Kaufmann plaide pour une recentralisation du pouvoir de ces institutions afin de réinstaurer une impartialité politique. Une intervention gouvernementale est également nécessaire auprès d’organisations en situation de quasi-monopole (Google, X, Facebook, mais aussi universités d’élites, musées…) pour parvenir à une impartialité politique et au respect des droits des citoyens.

Homme de gauche, Eric Kaufmann, s’il le regrette, pense que l’offensive ne pourra être menée que par les conservateurs : « Malheureusement, [ces réformes] devront probablement être menées par la droite, avec un succès électoral permettant à la gauche centriste de suivre le mouvement » (je souligne). Pragmatique, il ne dédaigne pas le secours que pourrait apporter la NRA[9], qui n’a rien pour lui plaire, si ce n’est sa défense de la liberté d’expression et de la protection de l’héritage, ni celui de la droite religieuse, qui ne lui plaît pas plus, mais peut être mobilisée pour faire pression sur l’administration scolaire.

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Le recours à un contre-langage woke est nécessaire pour démasquer le projet réel du socialisme culturel. Par exemple, en remplaçant Affirmative Action par discrimination contre les Blancs, les Asiatique et les hommes ou TCR par racisme anti-Blancs.

En matière de langage, les citoyens jouent un rôle déterminant pour résister aux mots à la mode, aux initiatives DEI, y compris dans les conversations privées. Eric Kaufmann donne à la contextualisation du passé et du présent une priorité absolue. C’est au gouvernement de façonner les programmes scolaires en mettant l’accent sur les excès des régimes totalitaires, avec lecture obligatoire des Cygnes sauvages (Chine), de 1984 et de L’archipel du goulag. Il doit aussi imposer une histoire contextualisée de l’esclavage et de la colonisation qui ne sont pas des péchés seulement occidentaux et interdire la TCR et la théorie critique du genre dans l’attente de plus d’équilibre dans le traitement de ces sujets.

Le handicap du « travers » libertarien des conservateurs

Si le changement ne peut venir que de la droite, le problème avec les conservateurs, c’est leur obsession de la libre concurrence, leur opposition aux interventions de l’État et leur souci de ne pas être mal vus pour racisme supposé. On l’a vu au Royaume-Uni où les conservateurs, après le Brexit, ont voté une nouvelle loi plus favorable à l’immigration alors que l’immigration avait été un point fort de la campagne contre l’UE. La tâche la plus urgente des libéraux-conservateurs classiques est d’en finir avec l’idée conservatrice d’un gouvernement restreint et le biais consistant à répondre à tout par des solutions de libre concurrence. Ron de Santis est en avance pour ses actions dans le secteur public. Pour le secteur privé, les gouvernements pourraient exiger que les oligopoles de la Tech leur donnent accès aux algorithmes afin de vérifier les pratiques d’exclusion et refuser les transactions avec les entreprises qui imposent à leurs employés des tests TCR ou DEI. Un boycott de ces entreprises suppose une mobilisation des citoyens, laquelle peut être encouragée par ces actions gouvernementales.

Un monde post-woke tel que le voit Eric Kaufmann

Dans le monde post-woke d’Eric Kaufmann, tous les groupes pourraient s’affirmer, y compris le groupe majoritaire mais sans devenir hégémonique. Le talent serait privilégié pour le bien de tous. Le trauma ne serait plus considéré comme génétiquement transmissible et ne serait plus une arme dédouanant les individus de leurs obligations. Il faudrait en finir avec la culture de la victimisation qui enfonce au lieu d’aider. L’humour y serait cultivé subtilement à l’égard de tous, invités à supporter les blagues sur eux-mêmes. Une femme resterait une femme dans la vie publique, en accord avec la science, sans empêcher ceux qui pensent qu’une trans-femme est une femme de l’exprimer. Des compétitions sportives spéciales seraient organisées pour les trans. Ce qui permettrait de valoriser une minorité sans dévaloriser les catégories et traditions majoritaires.

Mais Eric Kaufmann condamne l’universalisme libéral qu’il juge irréaliste. Une identité nationale fondée sur des valeurs universelles ne suffit pas à nourrir le besoin d’enracinement des individus. La diversité identitaire ne serait pas un problème tant que tous s’identifient à la nation. Il prône plutôt « un certain contrôle de la représentation des groupes », sans aller jusqu’à un égalitarisme culturel, mais en visant une « représentation la plus équitable compatible avec le libéralisme » et un équilibre entre les traditions et identités de la majorité et celles des minorités. Il est en faveur d’un « multivocalisme » et hostile, en bon libéral anglo-saxon, aux pratiques qu’il juge illibérales de la France telles que l’interdiction de la burqa.

Il faut dire que sa vision de la France est un peu caricaturale puisqu’il reprend l’antienne d’un pays « qui interdit la collecte de données ethniques » et semble ignorer l’existence d’une identité substantielle française dépassant l’attachement à quelques grands principes. J’ai déjà écrit ce que je pense de l’alternative « multivocaliste » d’Eric Kaufmann à propos de son précédent livre Whiteshift[10]. Je n’y reviens pas.

400 pages.

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Cet article a été publié sur le blog de Michèle Tribalat.


[1] DEI pour Diversité, Equité et Inclusion ; TCR pour Théorie Critique de la Race.

[2] Voir ma note sur son livre White Guilt, ici : https://micheletribalat.fr/435379014/448019459

[3] « Institut de recherche sociale » fondé par Horkheimer et Adorno en 1923.

[4] Voir ma note sur son livre Private Truths, Public Lies, ici : https://micheletribalat.fr/435379014/439783525.

[5] Black Lives Matter.

[6] Foundation for Individual Rights and Expression

[7] Cf. L’Affirmative Action en trois livres, https://micheletribalat.fr/politiques-pr-f-rentielles/434797230.

[8] Voir ma note sur son livre Social Justice Fallacies, ici : https://micheletribalat.fr/435379014/social-justice-fallacies-thomas-sowell-2023.

[9] National Rifle Association of America

[10] https://micheletribalat.fr/435379014/441121213.



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Démographe. Retraitée depuis 2015, Madame Tribalat continue à s’intéresser au phénomène migratoire, notamment sur son site http://www.micheletribalat.fr

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