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Acquitator, Imprecator et fachosphère

Le billet de Dominique Labarrière


Acquitator, Imprecator et fachosphère
Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, à l'Assemblée nationale, 3 juillet 2023 © Jacques Witt/SIPA

La réforme de la justice 2023-2027 a été largement approuvée à l’Assemblée nationale, notamment grâce à l’aide des députés de la droite nationale


Jusqu’à une période récente, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, ne se privait guère de rejeter dans les poubelles de la fachosphère tout ce qui ne pensait pas comme lui ou qui ne se prosternait pas assez bas devant ses prestations ministérielles, ses envolées et ses saillies de ténor du barreau. Mais, c’est bien connu, les temps changent vite et le vent est un fieffé capricieux qui tourne comme à plaisir. Surtout en politique. Conséquemment, nous pouvons penser que ce mot de fachosphère si facile d’emploi se fera dorénavant plus rare dans les propos de ce ministre au verbe haut. La raison en est toute simple, très politique : c’est avec les votes de cette prétendue fachosphère que le projet de loi Dupond-Moretti de « déclochardisation de la justice française » a été adopté par l’Assemblée nationale. À une très large majorité, qui plus est. En particulier grâce ce au vote pragmatique et responsable des députés du Rassemblement national. Voilà comment on passe de la fachosphère à la consensosphère (du latin consensus signifiant à peu près tomber d’accord avec qui on ne l’est nullement). L’histoire ne dit pas si l’heureux bénéficiaire – conforté dans son poste gouvernemental également en raison de ce succès parlementaire – s’est pincé le nez en faisant le décompte des suffrages. Si tel n’est pas le cas, les chevaliers blancs des gauches, celle des cocktails Molotov et celle des cocktails germanopratins, s’en sont chargés à sa place. Ils ont aussitôt entonné le grand air réservé d’ordinaire aux vierges effarouchées. Honte à ce vendu, à ce collabo qui pactise avec le diable soi-même et tolère que les voix gluantes, puantes de l’extrême droite viennent le soutenir dans sa politique !

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Pensez, une politique à ce point barbare – du moins dans ses annonces – qu’elle programmerait une augmentation significative du nombre de places de prison ! Où va-t-on, on se le demande ? Le fantôme Adolf en rêvait, l’Eric à grosse voix l’a fait. « L’extrême droite n’a plus de limites », a récemment vitupéré l’Insoumis Maximo, Jean-Luc Mélenchon (Ce pourrait être une histoire rigolote : Acquitator et Imprécator sont dans un bateau…). Or, justement, face à ces anathèmes de fachosphère, d’extrême droite, la question est bel et bien là ! Les limites. Oui, et nous aimerions beaucoup que ceux qui n’ont que ces mots-là à la bouche daignent enfin nous révéler le contenu précis de ces concepts (ou prétendus concepts). Sur la base de quels critères objectifs définit-on ce qui relève de la fachosphère ou n’en relève pas ? Quelles en sont les caractéristiques déterminantes, fondamentales, les normes, les contours ? Où cela commence et où cela finit-il ? Voilà bien les sujets qu’on se garde scrupuleusement d’aborder lors des innombrables interviews de complaisance que les médias estampillés d’origine contrôlée accordent à ces hôtes de choix. Apporter des réponses serait pourtant très instructif. Nous n’en serions plus réduits à considérer que, à l’instar de l’enfer selon le camarade de luxe Jean-Paul Sartre, chez M. Melenchon aussi la fachosphère serait « les autres ». Tous les autres. Car lui seul serait irréprochable, insoupçonnable sur le chapitre de la vertu révolutionnaire. Personne hormis lui-même ne mériterait sa pleine et entière confiance. Ainsi fonctionnait un autre camarade de référence, Staline. Joseph Staline dont les mots de la fin sont pourtant extrêmement éclairants sur ce point. « C’est fini, je ne me fais même plus confiance à moi-même », aurait-il confessé à ses derniers moments. Une telle humilité, qu’on espèrerait toutefois moins tardive, serait-elle à la portée de notre imprécator en chef ? Allons savoir ?

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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