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Nomination d’Éric Dupond-Moretti: une mauvaise nouvelle pour les féministes

Notre Garde des Sceaux goûte bien peu #metoo


Nomination d’Éric Dupond-Moretti: une mauvaise nouvelle pour les féministes
Passation de pouvoirs à la Chancellerie le 7 juin 2020 © Laurent Vu/SIPA Numéro de reportage: 00971392_000009

La nomination d’Éric Dupond-Moretti est réjouissante.


Le lecteur vigilant de Causeur pourrait attribuer l’enthousiasme qui se dégage de cet article à un réflexe corporatiste. Je ne m’en cacherais pas : la profession espérait bien qu’un avocat fût nommé. Mais d’autres considérations, liées notamment à certaines prises de position, viennent également fonder ce jugement. Ces prises de position sont notamment celles ayant conduit une poignée de militantes féministes à se révolter cette semaine contre la nomination du nouveau Garde des Sceaux. 

En tant qu’avocat, Dupond-Moretti a toujours manifesté la plus profonde hostilité aux mouvements #metoo et « Balance ton porc ! », hostilité qui aura trouvé son apogée à l’occasion du procès de Georges Tron. Plusieurs associations féministes se sont insurgées dans un communiqué intitulé « Trois ans après #metoo, le gouvernement nous engage sur un chemin qui nous condamne à une marche à rebours », repris sur le site de l’impayable mouvement “Osez le féminisme”. Dans leur texte, les associations remettent en cause la légitimité du ministre de la Justice, lequel est accusé de véhiculer la fameuse « culture du viol » et ne serait qu’un « gros masculiniste »… 

Finalement, il est autant reproché à Eric Dupond-Moretti d’avoir pris la défense de son client que de ne pas avoir souscrit à des considérations féministes purement militantes. Mais Mesdames, c’est précisément ce qui est attendu d’un Garde des Sceaux. Qu’il serve la justice, non le militantisme.

La libération de la parole fait fi de la justice

Il est très curieux que les médias relaient complaisamment ces reproches des militantes. Cette méfiance de Dupond-Moretti à leur égard est pourtant légitime, tant l’essence même de certains mouvements est d’être hostile à l’idée de Justice.

Le féminisme « Balance ton porc ! » repose en effet sur l’idée selon laquelle l’autorité judiciaire serait par nature impuissante pour défendre la cause des femmes, et qu’il conviendrait de piétiner les principes fondamentaux du droit pour corriger cela, en soustrayant un présumé coupable à la Justice et en le livrant à la vindicte médiatique. Avec « Balance ton porc ! » Twitter est devenu un prétoire dans lequel la « libération de la parole » constitue un exutoire et la cause de la femme se réduit à une chasse à l’homme.

Entendons-nous bien et refusons l’amalgame trop souvent allégué : critiquer « Balance ton porc ! » ce n’est pas remettre en cause la défense des femmes, bien au contraire. C’est regretter que cette cause soit dévoyée et accaparée par un militantisme sectaire qui méprise les fondements mêmes de notre droit.

La présomption d’innocence et le secret de l’instruction de retour?

En tant qu’avocat, il est très difficile d’entendre dire que la justice serait désarmée et que Twitter serait un supplétif à son action prétendument défaillante. Être avocat, c’est croire en l’idée de justice, au droit à un procès équitable, à la présomption d’innocence, au secret de l’instruction, au débat contradictoire et à l’idée qu’une victime à évidemment droit à réparation, mais qu’elle ne saurait diriger seule la conduite d’un procès. Ma consœur Marie Dosé avait remarquablement décrit le phénomène « Balance ton porc ! » en ces termes :

« Justifier le procédé « Balance ton porc ! » par une prétendue défaillance de l’autorité judiciaire ou par la prescription des faits dénoncés, conduit à une forme de despotisme. Une démocratie se doit de combattre l’arbitraire avant l’impunité, parce qu’une culpabilité ne se décrète pas sur les réseaux sociaux, mais se questionne judiciairement. (…) Il ne s’agit pas de dénonciation mais de délation, pas de plaignantes, mais de balances, pas de justice mais de vengeance. En esquivant la sphère judiciaire, les preuves à apporter et le principe contradictoire, on condamne un homme avec une violence telle qu’il n’y a plus guère de réponse possible. Les victimes n’ont pas à décider du sort infligé à leur présumé harceleur en contournant la sphère judiciaire ». 

Rappel de la tartufferie Sandra Muller

Que le nouveau ministre de la Justice désapprouve un phénomène qui entend s’affranchir impunément des principes de l’État de droit, on ne peut alors que s’en féliciter. C’est dans la logique des choses. « Balance ton porc ! » est à la justice ce que la loi Avia est au droit. On transgresse les principes fondamentaux et on fonce droit dans le mur.

Sandra Muller, l’instigatrice du hasthag « Balance ton porc ! » en aura en outre fait l’amère expérience. Après avoir voulu se faire justice elle-même, elle aura finalement été condamnée pour diffamation et a du verser à sa victime la somme de 15 000 euros au titre des dommages et intérêts. Voilà où nous en sommes, trois ans après #metoo.



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