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Équipe de France: DD ne prend pas encore la clé des champs

Retour sur le parcours de Didier Deschamps, entre travail, chance et bons coups


Équipe de France: DD ne prend pas encore la clé des champs
Didier Deschamps à Clairefontaine, 14 novembre 2022 © Baratoux/LABEL IMAGES/SIPA

Le Bayonnais a été reconduit à la tête de l’équipe de France de football, jusqu’en 2026.


C’est la fin d’un suspense insoutenable. Trois semaines après la finale de Coupe du monde perdue contre l’Argentine, la Fédération française de football a annoncé que le sélectionneur Didier Deschamps prolongeait l’aventure à la tête des Bleus, commencée en 2012, jusqu’en 2026, soit assez de temps pour participer au prochain championnat d’Europe, en 2024, et au prochain mondial nord-américain, dans trois ans et demi.

Totem d’immunité

Ils étaient quelques-uns pourtant, « adeptes du beau jeu » et las du pragmatisme à tout crin de Didier Deschamps, à avoir rêvé d’un changement à la tête de l’équipe de France. Après une série de matches désastreux en juin dernier (2 défaites, 2 nuls), et alors que les affaires se succédaient, des accusations de harcèlement sexuel contre le président de la FFF jusqu’au marabout de Paul Pogba, l’hypothèse d’un fiasco complet lors du mondial qatari raté se dessinait et le nom de Zinedine Zidane comme successeur naturel revenait avec insistance. Noël Le Graët avait posé des conditions sibyllines avant le mondial: « Si on va en demi-finales, c’est lui qui a le choix. S’il se sent motivé pour continuer, on ne discute même pas. Si on n’est pas dans le dernier carré, on discute… Dans cette hypothèse-là, c’est moi qui ai la main. On verra selon les circonstances. (…). Mais si Didier n’est pas dans le dernier carré, il ne reste pas en place de façon certaine ». Entre temps, Deschamps a hissé une deuxième fois consécutive l’équipe de France en finale de Coupe du monde, ce qui lui confère un nouveau totem d’immunité.

Il faut dire que depuis 30 ans, Didier Deschamps est dans tous les bons coups du football français. Au sein de l’Olympique de Marseille en 1993 et de l’équipe de France en 1998 et en 2000, à chaque fois, le même capitaine besogneux, petit milieu de terrain défensif qui ne paye pas de mine, jamais plus de quatre buts par saison mais toujours là à la fin pour aller chercher les trophées dans les tribunes. En 1992, Michel Platini alors sélectionneur des Bleus, l’emmène disputer l’Euro en Suède mais ne voit en lui qu’un « porteur d’eau » techniquement limité. Dans le même temps, à Marseille, Bernard Tapie ne sait pas trop quoi faire non plus de son milieu ; il l’envoie un an en prêt à Bordeaux et cherche à le revendre au premier mercato venu. Quelques mois plus tard pourtant, il est le capitaine phocéen couronné champion d’Europe, à Munich, contre le grand Milan. Dans un rôle de régulation et de compensation au milieu de terrain, Deschamps était le type de joueur que l’on ne remarquait pas vraiment quand il était là mais que l’on regrettait vite quand il n’était pas là. 

Déjà quasiment lieutenant de Jacquet

Biberonné à l’école nantaise de l’esthète Jean-Claude Suaudeau, Deschamps adopte le pragmatisme de l’OM des années Tapie. Un seul dogme: être efficace dans les deux surfaces de réparation. Au soir de la victoire de 1998, Deschamps salue le rôle pionnier de Bernard Tapie: « On lui doit beaucoup, c’est vrai que là-bas (à l’Olympique de Marseille), on a pris une mentalité de gagnants, on a touché du doigt ce qu’était la réalité du football de haut niveau ». Il y a eu ensuite le passage à la Juventus, où Deschamps s’est parfaitement fondu dans le machiavélisme rugueux de la Vieille Dame italienne, alors véritable machine à gagner, y compris des titres litigieux. C’est que, si Deschamps est souvent là pour les coups gagnants, il n’est pas toujours très loin pour les coups douteux. Sur RMC, Daniel Riolo rappelait que Deschamps était dans le secret des dieux lorsque se préparait la grève du bus en 2010, et qu’il se trouvait sur le Phocéa quand Tapie mettait au point sa tentative de corruption d’une partie des joueurs de Valenciennes. En 2018, « Complément d’enquête » revenait sur les grandes années italiennes de Deschamps, et un taux d’hémoglobine qui dépassait parfois de dix points la norme des 42%. Auditionné par la justice italienne, Deschamps ne se dégonfla pas et répondit que ces fortes variations pouvaient s’expliquer par exemple par l’épaisseur de l’aiguille au moment du prélèvement.

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Pour le grand public français, Deschamps, c’est bien sûr 1998. Sur le terrain, il est le lieutenant d’Aimé Jacquet. Dans le film « Les yeux dans les Bleus », on le voit compléter les causeries du sélectionneur, glisser de petits conseils tactiques à Lilian Thuram, à Thierry Henry… Un peu mieux qu’un capitaine, Deschamps est presque l’entraîneur adjoint de Jacquet. S’il s’est défendu d’avoir participé à l’élaboration de la sélection, gare aux joueurs qui ont le malheur de le contrarier lors des joutes de la série A italienne. Lors d’un match Juventus-Milan à quelques mois du début du mondial, Deschamps croise la route d’Ibrahim Ba, pressenti pour jouer la Coupe du monde avec l’équipe de France. Ibou Ba a la bonne idée de répondre à son adversaire du jour, le tout devant Aimé Jacquet, venu assister à la rencontre, qui lui glisse ensuite : « Alors ? C’est comme ça que tu parles à ton capitaine ? ». Ibrahim Ba fit partie des six joueurs exfiltrés de Clairefontaine quelques jours avant le début du mondial. Deux ans plus tard, au crépuscule de sa carrière, Deschamps est encore de la partie pour le championnat d’Europe, mais le poids des ans commence à se faire sentir. Christophe Dugarry lâche : « Deschamps est devenu un handicapé du football, sa roue droite s’appelle Vieira et sa roue gauche s’appelle Petit » ; une petite phrase qui vaudra à l’attaquant une solide inimitié de la part du Bayonnais. Toutefois, Deschamps a montré ses dernières années qu’il n’avait pas la rancœur si tenace, quand son intérêt personnel le réclame, en rappelant quelques bannis, comme Adrien Rabiot et surtout Karim Benzema en 2016, malgré l’accusation de racisme de ce dernier, au terme d’un des romans-photos les plus longs de l’histoire du football français.

La chatte à Dédé

Déjà homme dans la coulisse avant même d’avoir raccroché les crampons, Deschamps enfile logiquement le survêtement d’entraîneur. À Monaco, on se souvient surtout de la campagne européenne 2003-2004, avec une équipe plaisante et très offensive, assez loin de l’étiquette que l’on colle habituellement à DD. En 2012, Deschamps prend enfin les rênes d’une sélection française qui n’en mène pas large. À l’automne, il arrache un match nul miraculeux en Espagne (à l’époque la meilleure équipe du monde) dans une rencontre de qualification pour la Coupe du monde. Platini déclare alors : « Napoléon disait que pour gagner des batailles, il faut de bons soldats et de la chance. Didier en a toujours eu. Je me demande d’ailleurs si quand il est né, il n’est pas tombé dans un bénitier ». La chance, la fameuse « chatte à Dédé », ingrédient pas négligeable des succès de l’équipe de France (même si on aurait aimé la voir ne pas se dérober en 2016 quand Gignac tape sur le poteau en finale de l’Euro contre le Portugal ou lorsque Kolo Muani perd son face à face contre le gardien argentin). 

En dix ans à la tête des Bleus, Deschamps n’a pas réinventé le jeu ; à l’inverse du Catalan Guardiola, Deschamps n’est pas un Salvador Dali du football : il ne fait pas jouer des milieux de terrain à la pointe de l’attaque, ne demande pas à ses défenseurs latéraux d’évoluer dans le rond central sur certaines phases et n’a jamais été tenté de faire jouer un gardien au milieu du terrain. En revanche, il s’est montré expert dans le bricolage d’équipes compétitives en dépit des blessures et des forfaits, comme en 2016 et en bien sûr en 2022. Avec trois finales majeures en six ans dont une gagnée, Deschamps n’a plus grand-chose à prouver et prend peut-être le risque de partir sur une note moins belle dans quelques années. Il faudra remplacer – et ça ne sera pas une mince affaire – les Lloris, Varane, Griezmann, Giroud, sans compter Benzema, qui ne reviendra plus.



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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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