L’épopée des épices se confond avec l’histoire de notre civilisation. Si elles sont devenues banales à notre époque, Roï Hendel, Israélien établi à Belleville, restaure leur magie, grâce à un travail de sourcing unique qui ravit le palais et stimule le moral.
En ces temps obscurs, il existe un moyen de lutter efficacement contre la mélancolie : la cuisine aux épices. Chez les personnes âgées, notamment, elle fait merveille, car le goût est chez elles le dernier sens encore vivace et actif, c’est pourquoi il est vital de leur donner de bonnes choses à manger (dans les EHPAD, la nourriture est généralement abjecte et contribue à leur faire perdre le goût de la vie). L’été dernier, j’ai découvert les épices de l’Israélien Roï Hendel, dont le laboratoire est situé dans le quartier de Belleville. Une révélation. Jamais de ma vie je n’avais senti cela ! Sa noix de muscade d’Indonésie embaume le pin et le miel et vous emporte dans des jungles inaccessibles ; sa cannelle sauvage du Sri Lanka est aussi délicate et profonde qu’un air de raga joué par Ravi Shankar ; son safran d’Iran, qu’il va chercher dans les montagnes proches de l’Afghanistan, est d’un rouge vif et délivre des notes de miel et de mandarine ; quant à son curry de Madras, qu’il prépare lui-même à partir de l’antique recette d’un maître yogi, c’est un nectar… En respirant ces merveilles, propres à zigouiller le premier coronavirus venu, j’ai compris pourquoi les hommes avaient risqué leur vie pour aller les chercher à l’autre bout du monde pendant des siècles et pourquoi Hollandais, Anglais et Français s’étaient fait la guerre pour détenir le monopole du poivre et du curcuma…
Roï Hendel rend aux épices leur noblesse perdue. En effet, l’histoire des épices, avant de sombrer dans la banalité de la consommation de masse, a structuré tout un pan de notre civilisation : n’est-ce pas en allant à leur recherche, via la route des Indes, que Christophe Colomb a découvert l’Amérique ?
Les épices (du latin species) proviennent d’écorces, de racines, de feuilles, de fleurs, de graines et de fruits tropicaux (mais aussi, parfois, de substances animales, comme le fameux garum, une sauce romaine à base de poisson comparable au nuoc-mâm vietnamien). Elles se distinguent par leur goût piquant (comme le poivre et la cannelle) et par leur parfum (comme la vanille
