Une tribune libre de Jean-Paul Garraud, député européen (RN)
« Nous ne sommes pas seulement d’une province, mais d’une région. Elle est une part de notre identité. » Fernand Braudel.
Les ruraux sont les protecteurs de l’environnement; gardiens et architectes de la nature. Ils sont malheureusement trop peu écoutés, trop peu consultés. Qu’ils soient agriculteurs, éleveurs, chasseurs ou randonneurs, tous savent comment protéger les espaces naturels lentement façonnés par la main de l’homme. Une politique environnementale digne de ce nom ne saurait donc se faire sans leur assentiment, sans leur pleine et entière coopération.
Dans la Gaule pré-romaine, où voisinaient Celtes, Aquitains et Germains au nord, les espaces forestiers étaient depuis longtemps gérés par les hommes. Passés maîtres dans l’art de l’agriculture, « nos ancêtres les Gaulois » utilisaient les attelages, la faux, le sarclage, ou encore l’amendement des cultures. Ils étaient si savants en la matière que leur surproduction céréalière eut tôt fait de susciter l’intérêt de leurs puissants voisins de la botte latine, désireux d’accaparer ces richesses agricoles qu’ils ont longtemps commercées, échangeant leur vin contre du blé.
La Gaule n’était pas du tout comme le laissent penser les images d’Epinal contemporaine, héritées de l’historiographie du dix-neuvième siècle. Les cultures avaient déjà remplacé les forêts. Les chemins et les routes permettaient le passage de convois commerciaux – dont Jules César sut faire bon usage -. Les Gaulois n’avaient donc rien de « bons sauvages »: ils avaient aménagé le territoire qu’on nomme aujourd’hui France. Un territoire qui est d’ailleurs, dans ces zones rurales, peu ou prou le même que celui que les Gaulois connaissaient. Nous n’avons rien inventé en la matière depuis, nous n’avons fait qu’améliorer cet héritage.
Il ne faut pas donner un trop grand espace aux propagandistes de l’agribashing qui manipulent les cerveaux des enfants et mentent (…) Qui a condamné le saccage des semences de tournesol de la coopérative Arterris de Castelnaudary? Les pertes se chiffrent pourtant en million d’euros!
Eleveurs, cultivateurs ou maraîchers, ont simplement remplacé les faucilles d’antan et les moissonneuses antiques par des tracteurs, moissonneuses batteuses et autres machines à ensemencer. Le progrès technique a permis une plus grande productivité, jusqu’à l’excès d’après-guerre et son agriculture productiviste, ses poulets en batterie et ses méga-exploitations de la Beauce. Des évolutions coupables que la nouvelle génération d’agriculteurs combat, avec lucidité mais sans manquer de discernement. Rompre avec des pratiques peu respectueuses de l’environnement et du consommateur ne signifie pas abandonner le progrès technique, la recherche en agronomie et le bon sens. La marche arrière ne permet pas d’aller de l’avant.
Comme l’a écrit Emmanuelle Ducros dans L’Opinion : « En l’état actuel des connaissances, cultiver sans pesticides d’aucune sorte -ni bio ni autres – se traduirait par la disparition de 30% des volumes produits ». Ce grand bond en arrière prôné par des idéologues, des partisans de la décroissance et de multiples ONG subventionnées, pourrait à terme entraîner des crises de subsistance, une baisse drastique de nos exportations et l’épuisement des paysans français qui ont su trouver un très juste équilibre entre le rendement agricole et la qualité de la production. Soyons fiers : nos produits sont les meilleurs du monde, notre alimentation l’une des plus saines.
L’agriculture de « nos grands-parents », nos grands-parents n’en auraient pas voulu s’ils avaient eu la possibilité de faire autrement. L’agribashing en cours, alimenté notamment par les partisans de la « végétalisation », souvent des vegans et des antispécistes camouflés, cache une volonté de retour au sauvage, c’est-à-dire à une nature qui se redévelopperait sans contrainte, sacralisée. Qu’on se le dise: cela n’a jamais existé depuis le Néolithique ! C’est une vision post-moderne, négatrice de la place de l’Homme dans le règne du vivant, une vision archaïque qui est porteuse du déclin. Les agriculteurs en bio n’en veulent pas, ni même tous ceux qui travaillent pour ressusciter des races à viande disparues ou des espèces un temps démodées.
Certains agriculteurs pratiquent l’agriculture raisonnée sans bénéficier du label bio, difficile à obtenir. Ils font pourtant de la qualité. Du reste, les agriculteurs syndiqués et non syndiqués sont d’accord pour dire qu’il ne faut pas opposer les façons différentes de travailler la terre. L’éleveur de porc noir de Bigorre ne peut pas nourrir toute la planète, mais il faut qu’il existe car il est le porte-étendard d’un merveilleux produit. Certaines cultures, certaines exploitations et certains agriculteurs s’épanouissent dans le bio et y trouvent un rendement idéal. D’autres ne peuvent pas se mettre au bio. Cessons de les opposer, cessons de les diviser : écoutons-les et réunissons-les.
Trois chantiers sont prioritaires pour aider notre agriculture et nos agriculteurs. D’abord, ne plus donner un trop grand espace aux propagandistes de l’agribashing qui manipulent les cerveaux des enfants et mentent. Cela affaiblit nos agriculteurs qui sont les premiers défenseurs de notre indispensable indépendance alimentaire. Qui a condamné, parmi la classe politique, le saccage des semences de tournesol de la coopérative Arterris de Castelnaudary au début du mois de mars ? Les pertes se chiffrent pourtant en million d’euros ! De la même manière, nous ne pouvons pas tolérer que des associations bloquent de grands projets essentiels. Il faut briser le mur administratif qui empêche les porteurs de projets d’agir concrètement, qui les démoralise.
Enfin, c’est là qu’est l’enjeu des futures élections régionales en matière agricole, il ne faut surtout pas laisser le deuxième pilier de la PAC être pris en otage par les idéologues décroissants, en opposant les structures et en finançant qu’une agriculture conforme à l’air du temps. Le fléchage des financements de la PAC est un enjeu majeur, de la responsabilité des exécutifs régionaux qui doivent permettre aux exploitations de se développer et de se diversifier. Les agriculteurs doivent vivre de leur travail !
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