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Entrons en économie de guerre

Le passage à l’économie de guerre n’est pas qu’un effort demandé à nos compatriotes mais une opportunité stratégique et économique pour tous


Entrons en économie de guerre
Un drône exposé sur le stand du ministère des Armées, lors du salon Eurosatory, Villepinte, 17 juin 2024 © Tom Nicholson/Shutterstock/SIPA

Le passage à l’économie de guerre n’est pas qu’un effort demandé à nos compatriotes mais une opportunité stratégique pour notre pays. Il s’agit de bâtir un nouveau modèle industriel cohérent avec la volonté de retrouver une place centrale dans le concert des nations.


Depuis le retour du tragique sur notre continent, les capitales européennes tentent de tourner la page des deux grandes erreurs commises depuis la chute du Mur de Berlin : la démilitarisation et la désindustrialisation. À contrecourant des choix effectués depuis 1991, le thème du passage à une économie de guerre est devenu récurrent sur le plan médiatique et politique. Seulement, pour passer à une économie de guerre, nous avons besoin d’une industrie productive, ce qui ne se décrète pas. Un activisme fort et un cap clair sont nécessaires pour soutenir notre économie en ruine et l’effort de guerre ukrainien.

Besoin stratégique et économique

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie tourne en faveur de Vladimir Poutine. Sans aide occidentale supplémentaire, l’Ukraine se dirige vers une défaite cuisante malgré l’héroïsme de ses soldats. Depuis le début de la guerre, seuls les États-Unis ont été capables de lui fournir les armes nécessaires. Cependant, le dernier paquet d’aide de 61 milliards de dollars adopté en avril devrait être le dernier accordé par Washington avant janvier 2025. Et actuellement, les Européens ne peuvent se substituer à l’aide américaine. La seule solution pour soutenir l’Ukraine serait que nous passions à une économie de guerre afin de prioriser et d’intensifier notre production.

L’industrie française souffre des mauvais choix faits depuis des décennies alors que c’est un secteur clé de la prospérité. L’industrie est la clé pour répondre efficacement aux crises en tout genre, d’une guerre à une pandémie mondiale. Nous avons vu lors du coronavirus que notre désarmement industriel nous avait empêchés d’offrir une réponse cohérente et rapide à la crise, à la différence d’autres pays qui n’avaient pas sacrifié leur industrie. Ce n’est pas seulement notre base industrielle de défense qui bénéficierait d’un soutien massif, mais l’ensemble de notre économie. En effet, le soutien à l’effort de guerre suppose une implication de l’industrie textile, des industries de raffinage ou encore des industries automobiles ; autant de secteurs qui souffrent en France depuis trop d’années. De plus, les innovations réalisées dans l’industrie de défense ont toujours des débouchés dans le civil.

Un moment propice

Depuis la chute du Mur de Berlin, les Européens ont cru pouvoir s’appuyer sur les dividendes de la paix et la protection offerte par les États-Unis. Pourtant, le monde n’a jamais connu autant de crises et de conflits, et le regard américain s’est détourné de l’Europe au profit de la zone indopacifique. Nous avons changé d’époque et les Européens doivent se réveiller. En nous berçant d’illusions, nous nous sommes progressivement désarmés et nous n’avons plus la capacité d’assurer notre défense et de promouvoir notre indépendance stratégique. Ainsi, nos dépenses militaires sont passées de 3,2% du PIB en 1980, à 1,8% en 2019. Basculer en économie de guerre permettrait de retourner ce cycle négatif pour nous adapter à cette nouvelle ère : celle d’un monde reposant sur la souveraineté d’empires en concurrence pour assoir leur domination.

Alors que notre économie est dans un état déplorable, le passage à l’économie de guerre permettrait de mettre l’accent sur l’industrie de défense qui demeure un des points forts de notre économie. Depuis l’année dernière, la France est le deuxième exportateur mondial d’armes, jouissant de belles réussites comme le Rafale ou le canon CAESAR. Investir dans notre complexe militaro-industriel nous permettrait de sécuriser notre position dominante en Europe, d’autant que dans ce contexte, d’autres pays vont augmenter leurs dépenses militaires.

Une stratégie claire, des actes forts

À la différence des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, nous devons bâtir une économie de guerre à la française, en phase avec notre époque et nos enjeux. Avec le départ des Britanniques de l’Union européenne, la France doit retrouver un rôle central sur les volets diplomatiques et militaires. D’une part, nous sommes le seul pays européen capable de passer rapidement en économie de guerre grâce à nos atouts comme le nucléaire et notre complexe militaro-industriel exportateur. D’autre part, notre puissance diplomatique, avec notamment notre siège au Conseil de sécurité de l’ONU, et notre armée, nous permettraient de jouer un rôle majeur dans cette nouvelle stratégie.

Mais une économie de guerre ne se contente pas de belles paroles, elle doit s’accompagner d’un activisme politique fort qui doit se traduire par des investissements conséquents. Plus que de faire peser la responsabilité de cette économie sur les seuls industriels, il est nécessaire de créer les conditions favorables à une montée en gamme et permettre une production plus importante. Cela suppose un effort supplémentaire des dépenses militaires pour atteindre au moins 3% du PIB. De plus, nous devons faire sauter au moins trois verrous – et non des moindres : une fiscalité moins importante, une augmentation du temps de travail, opérer un choc de simplification avec moins de normes contraignantes.

Le passage à l’économie de guerre n’est pas qu’un effort demandé à nos compatriotes mais une opportunité stratégique et économique pour notre pays. Il s’agit de bâtir un nouveau modèle industriel cohérent avec la volonté de retrouver une place centrale dans le concert des nations. Comme le rappelait Bismarck, la diplomatie sans les armes, c’est comme la musique sans les instruments. Charge à nous de construire nos armes pour rejouer notre partition dans cette nouvelle ère géopolitique.




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Président et directeur adjoint des études du Millénaire, think-tank gaulliste et indépendant.

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