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Quand Jean-Paul Brighelli entend parler d’enseignement en « distanciel », il sort son revolver

E-learning et autres merveilles


Quand Jean-Paul Brighelli entend parler d’enseignement en « distanciel », il sort son revolver
Une écolière reprend les cours à Bruxelles le 28 mai 2020 © ISOPIX/SIPA Numéro de reportage: 00962980_000004

Un enseignant sur deux n’aurait pas regagné son établissement, et le ministère de l’Éducation nationale affiche une grande bienveillance. Dans ce billet, Jean-Paul Brighelli revient sur les difficultés de l’enseignement à distance.


Il y a deux leçons certaines à tirer de cette longue période d’enseignement à distance — que d’aucuns voudraient voir perdurer pour des raisons diverses, parfois diamétralement opposées : les hypocondriaques parce que l’absence de contact avec les gamins porteurs de germes les rassure, les paresseux parce que jamais meilleure occasion de ne pas travailler ne s’est présentée, et les contempteurs de la fonction publique, parce qu’ils y voient une splendide opportunité de diviser par dix le nombre d’enseignants. Sans compter certains élèves qui, las de servir de cibles vivantes à la racaille qui les traite d’« intellos » en les bousculant au passage et en les rackettant à l’occasion, ont adoré cette possibilité soudain offerte d’étudier au calme.

La première leçon, c’est que l’efficacité d’un enseignement en « distanciel » est inversement proportionnelle à l’âge des élèves. La présence effective d’un enseignant est essentielle en Primaire. Plus grands, la présence effective de l’enseignant est secondaire. Cambridge vient d’annoncer l’annulation totale de ses cours en direct pour toute l’année 2020-2021. Leurs étudiants sont certainement capables d’apprendre via des visio-conférences, ou par des cours assénés depuis l’abîme du temps et de l’espace.

La seconde leçon est corrélée à la première : plus l’élève appartient à des classes sociales privilégiées, mieux il se passera de l’enseignant ; en revanche, ceux qui n’ont pas la culture sur l’évier, si je puis dire, ont le plus grand besoin d’une relation effective / affective, face-à-face — sans doute parce qu’il y a une bonne part de substitution et de transfert dans la relation enseignant / enseigné.

A lire aussi, du même auteur: Enseigner masqué?

À partir de là, on peut croiser les avantages et les inconvénients de ces deux tendances lourdes. Si vous venez d’un milieu peu cultivé, où le français n’est pas la langue d’usage, où le livre est un objet inconnu, presque hostile, vous avez besoin d’un enseignant face à vous, et d’autant plus si vous êtes plus jeune.

Le confinement a délibérément sacrifié des mômes de tous les âges qui ne demandaient souvent qu’à apprendre — et dont il est évident aujourd’hui que grâce à l’action combinée des pouvoirs publics, affairés à ne pas mériter la corde pour les pendre, et d’enseignants essentiellement attachés à leur intégrité épidermique, ils sont sacrifiés pour la vie. Ne croyez pas qu’en trois mois de « rattrapage » à la rentrée, vous remettrez sur les rails des gosses qui ont basculé du côté obscur des apprentissages. Ceux-là sont perdus, sans doute à tout jamais.

Presque tout le monde s’en fiche, ils étaient dans la mauvaise tranche du Protocole de Lisbonne — qui a divisé une fois pour toutes les « apprenants » en 10% de futurs cadres et 90% d’hilotes ubérisés. Pour ces derniers, il restera le foot à la télé, et le revenu universel dont la Gauche se fait aujourd’hui la propagandiste complaisante, au lieu de demander pour les plus démunis un travail réel dans une économie réelle. On applaudit bien fort.

Mais tout cela ne date pas d’hier. Le coronavirus a été le révélateur des tendances lourdes acquises par l’action conjointe des libertaires post-68 et des libéraux post-1973. En fait, cela remonte même aux années 1960, quand un certain René Haby, directeur de la DGESCO, ce bras armé du ministère de l’Education, eut l’idée d’imposer le français oral plutôt que la langue écrite, alors que le français est écrit même à l’oral, et les maths modernes afin de ne pas avantager (sic !) les élèves que leurs parents étaient susceptibles d’aider — et qui se payèrent des cours particuliers. Devenu ministre de Giscard, ce même Haby profita du regroupement familial pour descendre à tout jamais le niveau en imposant le collège unique. Les plus pauvres payèrent l’addition : exclus un jour, exclus toujours.
Pour la petite histoire, la plupart des syndicats enseignants, qui à l’époque réfléchissaient encore, tentèrent de s’opposer à ce dévissage programmé. En vain. L’« égalité », tarte à la crème des pédagogistes et autres faiseurs de merveilles, l’emporta sur la raison qui cherchait à préserver un certain élitisme républicain. Aujourd’hui, toute menace sur le collège unique passe à leurs yeux pour une atteinte au droit de l’enfant d’être absolument ignare.

Je ne sais pas si Blanquer survivra au remaniement qui s’annonce. Mais quel que …

>>> Lire la fin de ce billet sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<



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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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