Pendant l’épidémie, le riche redevient l’ennemi public numéro 1. On le suspecte même de s’enrichir sur nos malheurs.
Outre la dépression collective, l’inquiétude face à une économie en perdition s’accroît à juste titre. Nous ne jugerons pas là des mesures généreuses palliatives, ni de l’opportunité des confinements successifs et leurs conséquences, ni du rapport au travail fortement entamé, mais nous nous intéresserons au regain de la détestation coutumière de l’ennemi désigné : le riche, coupable forcément coupable. En effet, les chiffres sont là, presque aussi insupportables pour l’opinion publique que ceux de l’augmentation du virus : la hausse de la fortune des « super riches » a atteint 10 200 millions de dollars. Les nouvelles personnalités à mettre au pilori s’appellent Jeff Bezos, Elon Musk, Bernard Arnault… 25 milliardaires que la crise a enrichis.
Quand même ! Le Français un peu schizophrène pourrait au moins s’enorgueillir que « notre » super riche soit un des premiers… On aurait bien aimé qu’il possède l’Institut Pasteur ou Sanofi, gageons que les résultats auraient été meilleurs !
La jalousie n’est pas raisonnable
Cette approche manichéenne du méchant riche face au gentil pauvre n’en finit pas de sévir. Les arguments les plus rationnels n’ont pas d’effet, la jalousie et la vindicte ne se raisonnent pas. La réalité en France est que sans les (presque) deux milliards d’impôts payés par le groupe de Bernard Arnault, LVMH, que l’on peut additionner aux impôts payés par les autres grands patrons de coupables multinationales, que resterait-il de nos hôpitaux ? De nos écoles ? De nos services publics en général ? L’État protecteur que nous chérissons, bien que la crise l’ait fait chuter de son piédestal idéologique lui et sa technostructure ruineuse, ne vit que sur le dos des riches (que nous sommes tous à ses yeux). Avec le montant des taxes et des impôts dont il s’acquitte, Bernard Arnault pourrait financer à lui tout seul près de 3% du budget de l’hôpital… Faisons l’addition avec la contribution de tous ces entrepreneurs et chefs d’entreprise qui non seulement participent fortement à l’effort fiscal, mais qui sont aussi nos meilleurs ambassadeurs pour exporter le fruit de nos talents, et imaginons ce que serait la France sans eux…
Ensuite revenons aux fondements mêmes de ces études et des classements qui se basent essentiellement sur l’indexation de la fortune sur un cours de bourse. Il faut comprendre que cet argent ne dort pas sur un compte en banque ou dans la poche des salauds de patrons, mais qu’il varie au gré des fluctuations de la Bourse. Cette année, les bourses mondiales dégringolaient un jour, atteignaient un nouveau sommet le lendemain… avant de chuter de nouveau. C’est aussi évidemment lié à l’incertitude de la période mais cela permet de comprendre et d’expliquer comment des entrepreneurs comme Elon Musk qui ne possèdent rien sinon des actions, ont pu voir une telle progression de leur « fortune » jusqu’à détenir ce titre artificiel d’homme « le plus riche du monde ». Même s’il décidait de vendre toutes ses actions pour les convertir en cash, il ferait s’écrouler leur valeur donc celle de son entreprise et la mettrait en péril… Une fortune virtuelle finalement. Pour ceux qui dénoncent ces fortunes, quel soignant ne remercierait pas Bernard Arnault quand LVMH était la seule entreprise à pouvoir produire du gel hydroalcoolique pour tous et eux d’abord?
Taxer le travail dans un monde ouvert est aussi préjudiciable aux pauvres
C’est grâce à leur réussite dans les bons moments que les grands dirigeants peuvent aussi se mobiliser dans les moments plus difficiles. Passons sur Notre-Dame elle-même qui doit bénir « notre » riche national de réparer sa maison, un saint patron ! En remerciement il y a ceux qui ont rétorqué que ces investissements colossaux n’étaient qu’une occasion de défiscaliser. Quand l’ignorance s’allie à la bêtise.
Oui, on peut protester et donner des leçons sur les inégalités qui sont insupportables et douloureuses ; oui, on peut douter de la logique capitaliste mais il faut aussi être objectif et mesurer honnêtement tous les tenants, les aboutissants et les conséquences si l’on s’avisait, comme c’est le rêve de certains, de niveler tous les revenus dans le monde… On peut aussi s’interroger : Pourquoi la richesse dérange-t-elle tellement quand elle est personnifiée, incarnée ? Ne pourrait-on pas raisonner en termes de richesses collectives car ces fortunes ont des conséquences positives et en sont bien souvent la contribution principale…
Il n’en demeure pas moins que le seul sujet qui vaille est d’enrichir les pauvres, et comment ? On n’a jamais trouvé mieux que le travail mais il faut arrêter de le taxer surtout dans un monde ouvert. Il faut que les salariés en France puissent profiter de ces gains, qu’ils prennent goût à la rentabilité de leur boîte, le seul objectif est de les faire participer au succès et à la création de richesse qui est le résultat de leurs efforts. L’intéressement est la seule solution, c’est aussi le souhait de très nombreux patrons partageurs. À voir le succès de la « prime patron » défiscalisée pendant les gilets jaunes (proposée par le mouvement patronal ETHIC) (400 euros pour 5,5 millions de salariés) on prend conscience de ce que les prélèvements nuisent au montant des primes et des salaires versés, pour 100 euros distribués, il en coûte 230 à l’entreprise. Certes, rien à voir avec les montants des grandes fortunes mondiales mais il faut réhabiliter le fait de vouloir s’enrichir, notre rapport à l’argent est souvent générateur d’une simple jalousie ou détestation stérile. Il faut rêver d’être plus riche et que ce soit possible, et non rêver que le riche s’appauvrisse ! Tout le monde y gagnera… les Chinois n’ont pas toujours tort, lorsqu’ils affirment que lorsque le riche maigrit les pauvres meurent de faim.
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