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Enfants handicapés: et si Zemmour n’avait pas complètement tort?

Et pourtant, contre lui, on sonne l’hallali


Enfants handicapés: et si Zemmour n’avait pas complètement tort?
Eric Zemmour photographié lors de son débat avec Brune Le Maire, Saint-Denis, 10 décembre 2021 © ISA HARSIN/SIPA

Suite aux accusations portées contre Eric Zemmour après des propos tenus par le candidat à la présidentielle sur les handicapés à l’école, nous publions le témoignage d’une prof de français.


Face à des enseignants qui ne lui étaient pas hostiles, Éric Zemmour a dit la phrase de trop et crée la polémique sur les élèves en situation de handicap. S’ensuit une vague d’indignation immédiate : Anne Hidalgo dit à propos d’Éric Zemmour qu’il est : « comme toujours dans l’outrance, la violence, l’injure ». Manuel Valls évoque « la polémique de trop parce qu’elle fait mal et, elle fait souffrir des gens qui sont déjà confrontés à la souffrance. » Le président de la République, lui-même, recadre le polémiste-d-extrême-droite : « On ne peut se prétendre amoureux de la France et nier à ce point ce que nous sommes. Une nation solidaire, humaniste, qui ne divise ni ne stigmatise. » On se demande bien ce qu’à bien pu encore dire Éric Zemmour. L’atroce phrase incriminée, la voici, la voilà, Éric Zemmour a dit, à propos des élèves « en situation de handicap » : « Il faut, effectivement des établissements spécialisés. »

On a décidé que les propos de Zemmour étaient nauséabonds

Dans un pays en bonne santé, cet avis du candidat à la présidentielle devrait pouvoir permettre d’entamer une réflexion saine sur un traitement du handicap mental à l’École. C’est en effet de celui-ci dont parle Éric Zemmour, sans fioritures langagières, en appelant « un chat un chat, et Rollet un fripon. » Las, de réflexion ou de débat constructifs initiés par cette courte phrase, point. On se contente de lester ladite phrase de connotations eugénistes dignes d’un candidat qui appelle à la restauration du Troisième Reich. On a décidé que cette phrase puait, elle est « nauséabonde », digne des « heures les plus sombres », elle nuit à notre bon « vivre-ensemble », à cet esprit « inclusif » prôné « quoi qu’il en coûte » par les tenants du Bien.

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Pourtant, en tant que mère de famille très nombreuse et d’un enfant qui fut certainement, en son temps et sans qu’on le sache vraiment, en « situation de handicap », en tant qu’enseignante de Français, au lycée et au collège, il me semble important de témoigner. Cette volonté forcenée d’inclure n’est pas forcément bénéfique, elle peut s’avérer au contraire délétère et destructrice pour l’ensemble des parties de la communauté éducative.

Mon expérience

Il y a quelques années, j’ai eu une classe de sixième comptant trente-quatre élèves dont des jumeaux dizygotes handicapés. Ils étaient équipés d’ordinateurs car écrire leur était impossible : je vous passe les mésaventures avec lesdits appareils, déchargés, égarés, oubliés dans des salles. Les jours fastes, on pouvait commencer le cours au bout d’un quart d’heure. Comme ils avaient beaucoup de mal à se concentrer, les jumeaux étaient autorisés à se déplacer librement dans la salle, ils en profitaient pour tenter de faire participer leurs camarades, très gênés, à la séance ambulatoire au cours de laquelle ils exerçaient aussi leurs cordes vocales. Tout cela, bien sûr, sans calcul aucun de leur part et une très grande gentillesse qui bouleversait la classe et moi-même. La toute jeune fille voulait se mettre sur mes genoux, me faire des câlins et coiffer mes cheveux longs, quand elle ne me parlait pas de ses menstruations et de ses serviettes hygiéniques. Son frère aimait se masturber sous son bureau, cherchant le regard. Que faire ? Comment réagir, face aux autres élèves qui attendaient avec beaucoup de bienveillance et pour une fois, le terme n’est pas galvaudé, qu’un adulte responsable leur donne l’exemple de la juste attitude à adopter.

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Très vite, je n’interrogeai plus qu’eux, sur le sens d’un mot ; eux seuls commentaient les gravures de Gustave Doré proposées en regard des contes de Perrault étudiés ; eux seuls en lisaient des passages en ânonnant, avec une candeur désarmante. J’adaptais mes cours, mes évaluations pour eux, ils m’attendrissaient et m’épuisaient. Il en allait de même pour leurs camarades. Alors, tout allait bien, me direz-vous, vous expérimentiez tous la différence dans ce qu’elle a de plus beau et de fédérateur ? Non. Je n’enseignais pas et toute la classe prenait du retard.

L’institution vend du rêve aux parents, on me reproche une « approche bornée de la différence »

Peu à peu l’émotion et l’attendrissement ont disparu chez moi, j’avais peur de ne pas contrôler mes jumeaux, je me méprisais de ne pas faire progresser ma classe. Du côté des élèves pointait un agacement légitime face aux foucades des jumeaux. Les jumeaux commencèrent à apprendre l’insolence, dont ils ignoraient tout, en raison du profond ennui lors d’un cours qu’ils ne comprenaient pas malgré notre bonne volonté à tous. Du côté des parents : ceux des jumeaux en voulaient à l’institution et à moi-même pour leur avoir vendu du rêve. Ceux des autres élèves me faisaient comprendre à demi-mot que l’inclusion ça allait bien cinq minutes, on était tous frères et tous bons, mais qu’il y avait un programme à commencer si on voulait espérer pouvoir le finir un jour.  

Las, après les vacances de la Toussaint, j’ai jeté l’éponge, clos l’expérience inclusive et signifié au Principal que les jumeaux iraient en permanence pendant mes cours. Il m’a soutenue. Tous mes collègues en ont profité pour siffler la fin de partie, sauf ceux d’EPS et d’Arts plastiques qui m’ont affirmé qu’avec eux ça se passait très bien, qu’ils ne comprenaient pas, qu’il s’agissait juste de solliciter le corps et « côté créatif » de ces enfants, que j’avais une approche bornée de la différence. J’en ai été quitte pour un profond dégoût de cette imposture. J’ai repris la classe en main, difficilement, nos enfants ne sont pas bêtes. Certains me demandaient parfois avec perfidie s’ils pouvaient aller en permanence avec les jumeaux…

Et si on réfléchissait simplement au problème que soulève Éric Zemmour ?



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est professeur de Lettres modernes

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