L’Enfant de la prochaine aurore de Louise Erdrich (Albin Michel), une des grandes plumes américaines d’aujourd’hui, est un roman dont la perspective catholique permet de lire sous un angle surprenant un récit passionnant qui tourne autour de la fin des temps et du mystère de l’Incarnation.
C’est l’histoire d’une jeune femme qui parle à l’enfant qu’elle porte. C’est l’histoire d’une jeune femme qui n’est pas certaine que cet enfant naisse, ou plus exactement, quelle sorte d’enfant va sortir de ses entrailles. C’est l’histoire d’une jeune femme qui écrit, sous forme d’un journal un nouvel évangile pour un futur très conditionnel.
Quand l’Évolution devient folle
C’est que, depuis quelques temps, aux Etats-Unis comme ailleurs dans le monde, un étrange désordre biologique s’est installé dans la création. Il semblerait que l’évolution se soit arrêtée pour le vivant ou lui fasse subir d’étranges mutations. La cause ? Allez savoir. Désordres climatiques, pollution, manipulations hasardeuses, orgueil prométhéen de l’homme qui a fini par fatiguer Dieu. Les conséquences, elles, vont de l’anodin inquiétant avec des libellules à la taille d’oiseau de proie à la tragédie pure et simple: naissances en chute libre, crise alimentaire majeure, désordres politiques violents, instauration de dictatures d’obédiences diverses pour tenter de maîtriser la crise, d’éviter l’effondrement.
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De ces désordres, les lecteurs de L’Enfant de la prochaine aurore de Louise Erdrich ne sauront finalement que peu de chose. Ils sont comme une toile de fond au journal de la jeune femme enceinte, Cedar Hawk Songmaker. Elle est d’origine indienne, elle a été adoptée par un couple de blancs riches et progressistes dont Cedar qui les aime voit néanmoins tous les travers. Elle ne leur a pas dit qu’elle était enceinte. Elle voudrait d’abord l’annoncer à sa famille biologique qui vit dans une réserve. Elle est la première surprise, d’ailleurs, d’accorder autant d’importance à ses origines alors qu’autour d’elle tout commence à se durcir, que les femmes enceintes sont raflées un peu partout et parquées dans des cliniques-prisons où l’on va tenter de repérer et de faire naître les rares bébés encore normaux. Cedar, elle, a évité un moment l’arrestation de justesse et a compris ce qui se passait grâce à un médecin refusant d’être complice du nouvel ordre biopolitique.
Une nouvelle Annonciation
La beauté de ce roman vient du personnage de Cedar. Alors que la quatrième de couverture, pour des raisons purement commerciales, tente de le vendre comme une variation de La Servante Ecarlate dont le seul point commun avec L’Enfant de la prochaine aurore est le risque vital que fait peser un effondrement de la fécondité, nous sommes ici dans un roman explicitement catholique. Cedar s’est convertie à l’adolescence et anime même une revue universitaire de théologie.
Cedar est une lectrice des mystiques et notamment de la Bienheureuse Catherine Emmerich. Elle continue même à vouloir écrire un article sur le mot qu’a bien pu dire l’Archange Gabriel à l’oreille de Marie alors qu’elle est en captivité dans un hôpital concentrationnaire ou qu’elle organise la résistance avec sa mère adoptive et sa mère biologique dans la réserve indienne, au milieu d’une poussière composée de nanoparticules qui sont autant de drones espions.
Pour connaître la fin de L’Enfant de la prochaine aurore, assez logiquement, il faudra attendre Noël.
L’Enfant de la prochaine aurore de Louise Erdrich (Albin Michel).
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