Les députés étudient une proposition de loi visant à instaurer un arrêt menstruel pour les femmes souffrant d’endométriose. Hier, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a rejeté le projet de loi porté par Sébastien Peytavie et Marie-Charlotte Garin, députés Nupes.
Hier, j’ai regardé longuement cette vidéo dans laquelle des députés se mettent en scène, abdominaux branchés sur un « simulateur de douleurs menstruelles », râlant, se tordant, avant de finalement abdiquer : « D’accord, je valide ! »
Valider quoi au juste ? Pour rappel, il s’agira pour eux, le 4 avril prochain, de voter une proposition de loi sur le congé menstruel et non de décider, de manière subjective qui plus est, si cette douleur est insupportable. Il est évident qu’elle l’est, pour certaines femmes, plus précisément 8 à 15% d’entre nous selon les dernières études et, bien sûr, qu’il est grand temps que ces pathologies que sont la dysménorrhée et l’endométriose, soient enfin mieux reconnues et mieux prises en charge.
Cependant, ceux qui affirment que cette loi n’occasionnera pas de discrimination, sont définitivement déconnectés du monde réel. Bien sûr que le sujet ne sera pas abordé en entretien d’embauche mais il sera tout de même pris en compte. Comme l’éventualité d’un projet de grossesse, ce sera le sujet tabou, la discrimination invisible, mais réelle. Non, je n’ai pas envie de subir cette discrimination supplémentaire et j’en ai marre de ces lois qui, sous prétexte d’équité, tirent tout le monde vers le bas.
Le chantage aux règles
Je me souviens de cette fille au collège qui s’appelait Virginie. Elle avait brandi une serviette hygiénique sous le nez de notre professeur de Physique en lui demandant de sortir de cours quelques instants. Elle n’avait pas un besoin urgent d’aller aux toilettes. Elle avait simplement, du haut de ses 13 ans, parfaitement compris que le sujet mettait les hommes un peu mal à l’aise et que cela lui permettrait d’obtenir ce qu’elle voulait. Que dire également de toutes ces générations de filles qui ont prétexté être « indisposées » pour échapper au cours de sport à l’école ? Nous en connaissons toutes. Or, il est important d’avoir à l’esprit que cette proposition de loi repose sur le postulat que les femmes adultes se comportent mieux que ces adolescentes dont je vous parle. Car oui, ne nous leurrons pas, ce congé menstruel se basera exclusivement sur la confiance car les faits seront heureusement invérifiables.
Mme Hélène Conway-Mouret (PS), auteure de la proposition de loi, ne s’y méprend pas puisqu’elle-même affirme : « Faire confiance aux femmes me semble essentiel, afin qu’elles puissent gérer au mieux ce moment du mois très pénible pour elles. »
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Non, je ne fais pas confiance aux femmes, pas plus que je ne fais confiance aux hommes lorsqu’il s’agit de droit du travail. Les tribunaux de Prud’hommes n’ont jamais été aussi débordés, il est désormais courant que des stagiaires ou apprentis partent en croisade judiciaire contre leurs entreprises avant même une conciliation à l’amiable et les nouvelles générations de salariés connaissent bien mieux leurs droits que leurs devoirs.
Je pense que la solution (car le problème existe même s’il ne concerne qu’une minorité) ne doit pas venir de la loi mais bien du monde de l’entreprise. D’ailleurs, lors de la même intervention, Mme Conway-Mouret précise : « Des collectivités et des entreprises ont spontanément pris l’initiative de mettre en place cet arrêt menstruel : estimant que leurs employés et salariés recherchent un cadre professionnel dans lequel ils peuvent s’épanouir, les entreprises y voient un élément d’attractivité ».
Entrepreneurs sadiques
Il est évident que dans la plupart des entreprises et particulièrement les TPE/PME qui constituent l’essentiel du tissu économique français, personne n’a attendu cette loi pour communiquer et gérer au mieux les plannings des personnes concernées, que ce soit en adaptant la journée de travail, en permettant le télétravail si nécessaire, ou en étant plus tolérant ces jours-ci sur la productivité de la salariée. Personne n’est assez sadique pour avoir sciemment envie de voir sa collaboratrice se tordre de douleur toute la journée à son poste de travail. Si vous jugez que cela n’est pas encore assez répandu en entreprise, soyez assurés que ça va progressivement se démocratiser dans les années à venir, puisque les entreprises, ayant de plus en plus de mal à recruter, sont bien obligées de valoriser le bien-être au travail pour séduire d’éventuels candidats.
En outre, cette même loi ne risque-t-elle pas d’occasionner une autre discrimination, plus grave encore que celle qu’elle prétend combattre ? Je pense notamment à celle qui oppose les corps de métier. Vous trouvez ça normal qu’une employée de bureau puisse travailler chez elle en télétravail ce jour-là, bouillotte sur le ventre et tasse de thé brûlant à la main ? Qu’en est-il cependant des enseignantes, infirmières, ouvrières du BTP, ou vendeuses ? Elles aussi peuvent être concernées. Comment allez-vous gérer votre organisation personnelle lorsque la nouvelle de l’absence de la maîtresse d’école de vos enfants vous parviendra à 6 heures du matin ? Deux jours par mois. Il ne vous restera plus qu’à espérer que les congés menstruels de la conductrice du car scolaire tombent au même moment.
Si j’étais un homme, on me traiterait de misogyne ou m’opposerait le fait que je n’ai pas droit à la parole sur ce sujet. Étant une femme, je m’attends à entendre au mieux que je suis égoïste, au pire que je suis sotte. Classique. Cependant, puisque les droits des femmes sont au cœur du sujet, je m’en accorde un des plus élémentaires : celui de ne pas être d’accord.
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