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Il faut encore débattre autour du cas de Vincent Lambert

L’agenda politique derrière l’affaire Lambert (suite)


Il faut encore débattre autour du cas de Vincent Lambert
Dans le service d'urgence de l’hôpital Bichat à Paris © JEROME MARS / JDD / SIPA Numéro de reportage : 00788684_000019

Après avoir publié sa tribune sur l’affaire Lambert, et lu les réactions qu’elle a suscitées, François Martin a souhaité poursuivre la réflexion. D’autant qu’une actualité en chassant une autre, le débat sur l’euthanasie semble déjà loin à certains!


Mon dernier article a suscité de nombreux commentaires, beaucoup de bonne qualité. Cela prouve que lorsqu’on n’a pas peur de développer clairement une argumentation, plutôt que de chercher à tout prix un consensus mou pour ne déplaire à personne, on a des réponses qui ne sont pas forcément d’accord, mais qui sont au moins, en général, respectueuses et argumentées.

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Traitez-moi de complotiste autant que vous le désirez!

Je voudrais revenir sur certains points de mon article, pour tenter d’être plus clair encore dans ma démonstration. Ma thèse est que la plupart des arguments que l’on cherche à développer, ou à faire développer, dans la presse et ailleurs, sont des fausses pistes, susceptibles de nous égarer par rapport à un agenda politique qui me semble, à moi, manifeste, mais qu’il est important, pour ceux qui tirent les ficelles, de masquer. A ce titre, je préfère qu’on me traite de complotiste plutôt que de naïf. D’ailleurs, les complots étant dans la nature des élites politiques, je crains même que l’accusation, si répandue aujourd’hui, de complotisme, n’ait été créée, bien souvent, que pour faire accuser ceux qui dévoilent les véritables complots…  Lorsque l’on entend cela ressassé à longueur de journée, dans la presse en particulier, les grands Bob et Carl doivent se demander à quoi ils ont servi, et ce qu’est devenue leur profession. Parce que si la presse politique n’est pas là pour trouver les raisons cachées et les manipulations derrière les déclarations lénifiantes (ce que l’on appelle précisément les complots), c’est qu’elle est devenue la Pravda. Mais passons…

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D’abord, l’idée comme quoi il faut « respecter » la mort et la douleur des familles, et par conséquent se garder de trop médiatiser sur ce sujet. C’est vrai, mais en même temps, les forces manipulatrices sont actives en permanence pour atteindre leurs objectifs. Lorsque certains écrivent qu’il s’agit d’un « crime d’Etat », rien ne permet de dire qu’ils doivent « respecter l’intimité et la douleur des proches », ni qu’ils ont a priori tort de le dire, ni qu’ils ont tort sur le fond, ni qu’ils sont excessifs. Rien ne devrait permettre de leur en faire le reproche, du moment que l’accusation est argumentée, car la politique ne s’arrête jamais. Le système médiatique moderne est ainsi fait que si l’on ne parle pas des affaires à chaud, personne ne s’y intéresse. Il n’y a rien d’indécent à vouloir dénoncer l’injustice qui est faite, si c’est le cas, à froid et aussi à chaud.

Cherche pas à comprendre, c’est trop compliqué…

Ensuite, l’idée comme quoi les choses sont trop « complexes » pour que l’on puisse prendre une position relativement simple, qui sera facilement, là aussi, décrite comme inhumaine ou même indécente. Je crois que c’est encore un leurre. La politique ne peut pas, sous ce prétexte, ne pas vouloir fixer des règles générales, mais traiter seulement des cas particuliers, parce que les choses sont trop « complexes ». Affirmer cela, c’est justement contribuer à « noyer le poisson » et faire le jeu des manipulateurs. On peut être certains, à ce titre, que derrière les cas particuliers, ceux qui veulent à tout prix, comme le précise Jean-Philippe Hubsch, le Grand Maître du Grand Orient de France, « faire évoluer notre droit pour permettre enfin le libre choix de la fin de vie dans le strict respect des appréciations et des conceptions métaphysiques de chacun » sauront faire en sorte que le « libre choix de la fin de vie » aille toujours dans le même sens, celui de la mort plutôt que celui du maintien en vie, même lorsque le grabataire n’est pas en fin de vie. Il n’est besoin que de voir l’acharnement dont ils ont fait preuve pendant des années pour faire passer Vincent Lambert de vie à trépas, alors qu’il était si facile de le transférer dans l’une des multiples entités qui étaient prêtes à le recevoir, pour s’en convaincre.

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L’argument de la dépendance me semble également un leurre. Certains se sont offusqués du fait que, dans mon article, j’ai comparé la dépendance de Vincent Lambert et celle des nouveaux-nés. Ce que j’ai voulu dire, c’est que ce n’est pas la dépendance elle-même qui pose problème. Ceux qui s’offusquent de la dépendance font à mon avis un contresens. Ce n’est pas de la dépendance elle-même dont ils parlent, mais du sentiment qu’ils ressentent eux-mêmes et qu’ils présupposent chez le dépendant comme quoi la dépendance lui est insupportable, alors que c’est un sentiment subjectif : certains grands dépressifs se sentent totalement emprisonnées par la vie, alors qu’ils sont, objectivement, absolument libres, d’autres peuvent se sentir libres, même s’ils sont physiquement dépendants ou enfermés. Saint Jean de la Croix disait que c’est à l’extérieur de la clôture du monastère qu’il se sentait en prison, et à l’intérieur qu’il se sentait libre. Ma mère, personne très active et pleine de vie, a terminé sa vie, suite à un AVC, pratiquement grabataire, pouvant à peine se nourrir toute seule. Or la moindre chose, une fleur, une brise, une parole, un sourire, un bisou, la rendait heureuse. Jamais elle n’a donné l’impression de souffrir de son état, alors qu’elle passait bien des heures à « regarder le plafond ». On ne peut donc pas plaquer sur une personne dépendante son propre sentiment. Evidemment, la dépendance fait peur, surtout lorsqu’on est bien portant. Mais personne ne peut savoir ce qu’il ressentira si un jour, cela lui arrive.

Principe de précaution

Dans cette même perspective, la notion de Directive Anticipée (DA) est une autre fausse piste, créée évidemment pour pousser les personnes, mues par la peur, et c’est bien compréhensible, à dire qu’ils voudront, le moment venu, qu’on « abrège leurs souffrances » s’ils deviennent un jour dépendants, et sûrement pas le contraire. Mais personne ne sait en réalité si, le moment venu, ils souffriront ou non, ni s’ils voudront vraiment mourir. Par contre, on peut faire confiance à ceux qui ont fait inscrire cette disposition dans la loi pour influencer la pratique afin que ces personnes soient « débranchées » rapidement si elles ont édicté leurs DA. On ne cherchera pas, à cette occasion, à savoir « à tout prix » si elles ne souhaiteraient finalement pas, au fond, conserver la vie. Là aussi, voyons comme on s’est prévalu de prétendues volontés de Vincent Lambert pour lui appliquer le protocole fatal, alors qu’il n’avait même pas donné de DA formelle. A-t-on appliqué, dans ce cas, le « principe de précaution » ? A fortiori, les auteurs de DA seront évidemment les premiers condamnés.

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La question de la conscience est aussi très ambiguë, piégeuse et dangereuse. En effet, il est clair, malgré les expériences effectuées sur les malades pour déterminer les différences, parfois infimes, entre les sortes de consciences « végétatives » ou « pauci-relationnelles », qu’il est pratiquement impossible de déterminer le degré véritable de conscience d’un grand handicapé cérébral. Et puis, le fait que le malade ne puisse pas communiquer ne veut pas dire qu’il n’a pas de conscience, au sens où il ne ressentirait pas les situations et les émotions. En vérité, on voit bien où ces investigations veulent nous emmener : ce qu’elles cherchent, là encore, c’est à créer de la complexité, de façon à nous faire perdre une vision simple des choses. Autrefois, tant que l’électroencéphalogramme n’était pas plat, tant que le malade n’était pas en état de mort cérébrale, on considérait que si son cerveau était actif, il était présumé pouvoir penser, et donc constituer un être humain vivant, et comme tel à respecter. Désormais, on va tenter, et de plus en plus, de nous faire croire que ses réponses, même si, comme le faisait Vincent Lambert, il répond aux sollicitations, tourne la tête au vu des personnes, pleure, ou gémit lorsqu’il a mal, ne sont que purs réflexes, et donc qu’il n’est plus à proprement parler un être humain, mais seulement un corps qui réagit. Jusqu’où pourrait-on aller dans cette direction ? Qu’en sera-t-il si, à une salutation, il répond, par exemple, « bonjour » ? Cela ne serait-t-il donc qu’un « réflexe », et non le fait d’une véritable conscience ? On voit bien où l’on nous emmène, et toujours dans le même sens : jamais dans la direction où le choix, dans le doute, serait de choisir qu’il vive, mais toujours qu’il faudra qu’il meure.

Michel Houellebecq a pris position

Enfin, la dernière des fausses pistes consiste à nous faire perdre, par des « complexifications » comme celles que nous avons analysées ci-dessus, la différence entre fin de vie et handicap. Au nom de la dépendance, de la « non-conscience », de « souffrance » réelle ou présumée, de « directives anticipées » même si elles ne sont pas formulées explicitement par écrit (ce qui devrait être le minimum !), on va nous faire « assimiler » un handicap à une fin de vie, faire « comme si c’était pareil », et appliquer au pauvre handicapé, que la loi devrait protéger, un protocole de fin de vie même si comme Vincent Lambert, il vivait depuis 10 ans avec une simple sonde gastrique, un instrument bien peu complexe inventé depuis 1846. En réalité, en théorie, il est simple et structurant de vérifier si la personne est ou non en fin de vie. Dans le premier cas, il faut l’accompagner, dans le deuxième, la protéger et la soigner. On a bien vu, à l’occasion de l’affaire Lambert, comment l’on avait tout fait pour nous faire confondre les deux choses, jusqu’à décider d’appliquer, de façon honteuse, une euthanasie par la faim et la soif à un patient handicapé pas du tout en fin de vie. Et qu’on ne dise pas que la « sédation profonde » (une autre fausse piste !) est susceptible de résoudre le problème : si un patient est un être humain, et pas en fin de vie, ce n’est pas le fait qu’on l’endorme qui donne plus le droit de l’euthanasier.

Et je n’ai même pas abordé d’autres questions pièges, comme celle de la souffrance, ou celle de la « dignité »…. Ce n’est pas vraiment nécessaire. Les clefs véritables de cette tragique affaire ont été données par deux articles remarquables :

  • L’un est celui de Michel Houellebecq, « Vincent Lambert, mort pour l’exemple », paru dans Le Monde du 12 juillet. Avec une grande concision, Michel Houellebecq montre qu’il n’est nullement dupe des « fausses pistes ». Il traite même, en quelques mots, la question de la souffrance, en expliquant qu’elle est souvent physique, et qu’elle est alors traitable, supprimant du coup la plupart du temps la souffrance morale. Il remarque surtout que c’est la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui a demandé le pourvoi en cassation, alors même que le président Macron avait déclaré vouloir rester en dehors de l’affaire. En agissant ainsi, la ministre savait qu’elle condamnait Vincent Lambert, car elle connaissait évidemment à l’avance ce que serait l’avis de la Cour. Pourquoi l’a-t-elle fait ? Parce que les forces pro-euthanasiques sont très puissantes dans notre pays, et que la révision, à l’automne prochain, des lois dites « bioéthiques » (alors qu’elles devraient être purement « biologiques », pas mort = vivant = être humain = respect de son corps et de sa vie) sera évidemment l’occasion, « souffrance » de Vincent Lambert aidant, d’introduire dans le processus de « fin de vie » des dispositions plus spécifiquement « actives » que le simple arrêt des soins. L’objectif ultime étant l’euthanasie, encore et toujours, on peut leur faire confiance pour pousser, autant qu’il sera possible, dans ce sens.
  • L’autre est l’article de Jean-Marie Le Méné, « Pour l’Etat, tuer Vincent Lambert était un devoir », dans Valeurs Actuelles du 11 juillet. Avec l’attendu de l’arrêt de la Cour prononcé par le Procureur François Molins, « consacrer le droit à la vie comme une liberté à “valeur suprême” aurait aussi pour conséquence immédiate la remise en question de la loi dite Leonetti en faveur des malades et des personnes en fin de vie ou encore celle relative à l’interruption volontaire de grossesse », l’auteur dévoile la vraie raison idéologique : ce n’est plus la considération sur ce qu’est la vie humaine ni sa protection qui est l’important, mais le fait de sécuriser les dispositions concernant l’IVG d’une part et l’euthanasie d’autre part (c’est-à-dire, dans les deux cas, le pouvoir de certains hommes sur la vie des autres), contre toute remise en cause. Eh oui, nous en sommes là. C’est à proprement parler la société eugénique que l’on veut construire. En filigrane, on comprend aussi que l’exigence, dans un pays de plus en plus vieillissant, de se donner des moyens idéologiques, juridiques et médicaux pour éliminer les malades et les « vieux », alors même qu’on ne souhaite nullement remédier aux carences de notre natalité, est aussi un besoin économique essentiel.

De grâce, ne nous laissons pas embarquer dans les fausses directions et les traquenards du « jeu de l’oie » bioéthique, que l’on nous complique à loisir. Eux voient clair, pourquoi pas nous ?

Entre la naïveté et le prétendu complotisme, sachons au moins choisir.



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