Cette fin d’année 2020 s’accompagne, comme toutes les autres, de la longue litanie des vœux. Mais cette fois, on se souhaitera du bien à distance tant qu’on n’est pas vacciné!
On pourrait se dire qu’en cette période de catastrophes en tous genres nous serions épargnés par la litanie des vœux. Eh bien non. On nous souhaite d’autant plus de choses que personne n’y croit plus! La phrase fétiche qui était déjà un leitmotiv pénible, va devenir un cri collectif de ralliement : « Et puis surtout bonne santé, hein ! Tant qu’on a la santé… » Suit alors un exposé narratif de ceux qui dans l’entourage de votre interlocuteur n’ont pas eu cette chance d’avoir vu se réaliser le « Bonne Santé » de l’année dernière… sans oublier la covid qui alimente le sujet à l’infini.
Le rituel incontournable des vœux va devenir d’autant plus prolixe qu’il faut pallier les frustrations festives. On va compenser en se souhaitant des trucs à distance.
3… 2… 1… Bonne année !
Pour vous entourer, tous ceux qui vous veulent du bien vont l’exprimer par des mails en série, jusqu’à saturation de votre boîte. Il en sort de partout. Je suis déjà étouffée de messages de gens qui le reste de l’année me manifestent une certaine indifférence sans aucun témoignage particulier de leurs bonnes intentions, mais qui soudain me veulent du bien. Le pire, c’est qu’il faut rendre la pareille !
Cette inflation affective me met de fort méchante humeur. Je nourris en particulier une véritable vindicte envers ceux qui dans un souci d’efficacité inversement proportionnel à la proximité de nos relations, envoient de leurs portables des mailings de SMS: un CLIC et leurs 358 « contacts » en mémoire (c’est le nouveau mot pour amis) m’inondent de souhaits dégoulinants identiques, de préférence le matin du 25 ou du 31 pour faire croire que vous êtes au centre de leurs préoccupations à cet instant précieux.
Carte de l’ancien monde ou carte virtuelle?
Nouvelles technos obligent, vous aurez personnellement le choix entre un « e-mailing » avec carte virtuelle animée que vous balancez à tout le monde, ou du sur-mesure avec photos de l’équipe au bureau qui n’est pas en télétravail. Si vous avez un réseau social pro ou privé important, vous ne vous souviendrez absolument pas de qui a dégainé le premier mail: est-ce lui qui répond à vos vœux? Ou bien est-ce à vous de lui répondre? Votre correspondant se pose la même question et on se renvoie des vœux en ping-pong jusqu’à trois ou quatre fois de suite…
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À l’écrit, la « carte de vieux » en papier reprend du galon : primitif Italien de Vierge à l’Enfant pour la droite tradi… Photo de nature pour la tendance verte… Carte UNICEF avec bonne conscience assurée… Ou encore l’horrible décor pailleté sur lequel il faut signer, voire faire signer tous ceux qui vous entourent! Souvenez-vous de l’époque exquise où l’on mettait toutes les cartes sur la cheminée ou l’étagère… Mieux: on élisait la plus belle carte. La popularité se mesurait alors au nombre de cartes reçues. C’est l’ancêtre du nombre de followers, quand on y réfléchit…
Cette année, il ne vous reste plus qu’à jouer sur tous les médias. Sinon vous culpabiliserez de répondre par un simple mail à celui qui a dépensé 3,20€ la carte (le prix est marqué derrière) plus un timbre, juste pour votre bonheur en 2021.
En face à face, cette année, c’est plus compliqué
Tout cela va durer des semaines, sans preuve d’une quelconque efficacité scientifique sur la santé, le bonheur ou l’efficacité du vaccin, mais le principe de précaution veut qu’on n’y déroge pas!
Et puis il y a aussi le face à face – distancé – on ne s’embrasse pas, on dégaine masqué avec force décibels – à cause du masque – c’est à celui qui crie le premier « bonne année » ! Il faut renchérir très vite, le temps est compté. On attendra aussi ce soir les vœux traditionnels du président de la République qui doit être échaudé de ceux de l’année dernière: aura-t-il meilleure mine ? que va-t-il nous annoncer encore ? Franchement c’est à lui qu’il faut souhaiter bonne chance ! On en profiterait tous…
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Tout cela va durer un mois, au-delà il y a péremption; mais rassurez-vous, c’est entrecoupé par la galette des rois (pas encore celle des reines: mais que font les féministes? quid de l’écriture inclusive?) La covid risquant de contaminer la fève et ses adeptes, on se dirige encore vers des frustrations ou une galette virtuelle… Mais je suis sûre que les boulangers cogitent.
Je profite de cette occasion pour vous présenter tous mes vœux les plus sincères (forcément) et ceux de Causeur pour la nouvelle année! Et même pas la peine de me répondre, je ne vous en voudrai pas…
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