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En thérapie, un curieux malentendu

La série est programmée chaque jeudi à 20h55 sur arte


En thérapie, un curieux malentendu
Mélanie Thierry dans "En thérapie". Image: Capture d'écran YouTube.

On peut se demander, devant cette excellente série, si la psychanalyse n’y est pas vue, malgré elle, comme un conservatisme qui ne dit pas son nom.


Je viens de comprendre ce qui m’avait vraiment plu dans En thérapie, et je ne sais pas si c’est bon signe. Rappelons qu’il s’agit de la série du moment dont les trente cinq épisodes de vingt-cinq minutes mettent en scène un psychanalyste, le docteur Philippe Dayan joué par Frédéric Pierrot et une série de patients. Le dispositif est minimaliste et impressionnant et s’inspire d’une série israélienne qui a déjà eu sa « franchise » américaine, En analyse avec Gabriel Byrne dans le rôle du thérapeute.

La spécificité française est de situer la série au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, dans une période de sidération et de deuil. Parmi les patients, on trouve une chirurgienne (Mélanie Thierry), une ado suicidaire (l’impressionnante Céleste Brunnquell), un flic de la BRI (le tout aussi impressionnant Reda Kateb), qui est entré parmi les premiers dans le Bataclan, un couple en crise (Clémence Poésy et Pio Marmaï) et même une autre psy (Carole Bouquet) qui joue le rôle de « contrôleuse » pour le docteur Dayan.

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L’excellence des acteurs, la haute tenue de la mise en scène avec des réalisateurs différents qui suivent chaque patient en fait un objet télévisuel haut de gamme. Il est difficile de ne pas être tantôt impressionné, tantôt touché par ce qui se déroule sous nos yeux dans des dialogues ciselés.

Une série «policière»

Mon problème, si problème il y a, est que chaque analyse menée par le docteur Dayan, dans la  série, retrouve les thèmes et les techniques du genre policier. Suspense, retournement, fausse identité, fausse piste, traque d’une victime enlevée dans un territoire hostile (l’inconscient), jeux de miroirs entre le mensonge et de la vérité et, comme dans le roman policier, un retour à l’ordre à la fin, c’est-à-dire à une forme de guérison, sauf pour le policier de la BRI, mais pour des raisons bien particulières.

Avec le docteur Dayan dont la fameuse « neutralité bienveillante » lui permet de jouer à la fois le bon flic et le mauvais flic, on retrouve même ces personnages ambigus du roman noir qui entrent dans une fascination mutuelle (transfert) avec la victime-coupable qu’ils traquent dans ses derniers retranchements pour les forcer à donner ce qu’il faut bien se résoudre à appeler des aveux.

La psychanalyse comme retour à l’ordre ?

Bref, cette excellente série renvoie en même temps à l’idée que la psychanalyse aurait quelque chose, politiquement, d’un dispositif visant au maintien de l’ordre. C’est sans doute ma vieille réticence (marxiste ?)  face à la psychanalyse pour laquelle le mal-être des hommes et des femmes serait à chercher d’abord en eux et pas dans la société injuste, parfois inhumaine, dans laquelle ils vivent. Le docteur Dayan parle lui-même dans un moment de colère vis-à-vis de lui-même de Freud et de Lacan comme de bourgeois conservateurs.

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Après, je sais aussi, bien sûr, que la psychanalyse obtient des résultats concrets, mesurables et qu’elle est une formidable émancipation, qu’elle a su aussi prendre en compte la critique sociale et même marxiste avec le génie foutraque de Wilhelm Reich ou la rigueur de Marcuse à travers ses analyses sur « l’homme unidimensionnel » dans les société capitaliste. Je sais aussi que la psychanalyse a aussi libéré l’imaginaire et joué un rôle non négligeable dans l’histoire de l’art avec le Surréalisme.

Il n’empêche, dans la France de 2021, l’intérêt et le plaisir que je prends à En Thérapie est du même ordre que celui que j’ai pris, naguère, par exemple, à une série comme Mindhunter. Ce qui fait pour moi d’En thérapie la meilleure série policière du moment. Et quand je vois à quel point elle est célébrée dans les cercles « progressistes », je me demande si elle n’est pas l’objet d’un étrange malentendu.

En thérapie, une série créée par Éric Toledano et Olivier Nakache, les jeudis du 4 février au 25 mars à 20h55, sur arte



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