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En Iran, le «World Hijab day», c’est tous les jours!

La nouvelle journée des dupes


En Iran, le «World Hijab day», c’est tous les jours!
Devant Sciences po Paris, lors du "Hijab day" le mercredi 20 avril 2016, une étudiante explique son point de vue sur la laïcité. Capture d'écran Youtube/ Public Sénat.

Tenter de promouvoir une journée incitant les femmes de toutes origines à porter le voile islamique pour soi-disant « lutter contre les discriminations », tel est l’objectif du world hijab day ou journée internationale du hijab. Les progressistes qui y participent ou soutiennent l’initiative se fourvoient, analyse Céline Pina. Le voile islamique est un signe de sexisme qui refuse l’égalité entre les hommes et les femmes, et qui n’est pas plus respectable que le racisme qui refuse l’égalité à raison de la couleur de la peau.


Une telle promotion ne manque pas de culot, alors même que l’Iran, à l’heure où j’écris ces lignes, massacre les femmes qui osent l’enlever et réclament d’être libres de s’en débarrasser ! Mais cela n’embarrasse pas les promoteurs du concept, dont il est d’ailleurs très difficile de retracer le parcours. En effet, le scénario de cette opération de mise en avant d’un des symboles de l’islam politique est aussi victimaire que peu crédible. L’initiative viendrait d’une citoyenne bengladi-américaine, Nazma Khan, une simple femme voilée, victime de l’intolérance de ses concitoyens américains. Pour une personne isolée, la dame a de la ressource et un sacré réseau. Au point que les figures des frères musulmans, au premier rang desquelles Recep Tayip Erdogan, soutiennent et encouragent cette « initiative » et qu’elle arrive à la promouvoir dans bien des lieux de pouvoir ou de formation des élites européennes et américaines.


Ceci n’est pas un vêtement

Il faut dire que le discours qui accompagne ce world hijab day est parfaitement compatible avec la stratégie des frères musulmans. Le voile islamique y est présenté comme une simple façon de s’habiller et sa remise en cause comme une manifestation d’intolérance, une façon de porter atteinte à la liberté des femmes. Un peu comme si les chaînes portées par les esclaves étaient érigées en accessoires de mode ! En effet le voile islamique n’est pas un vêtement, c’est un signe religieux. Peu importe les raisons et le discours de celle qui le porte. Peu importe qu’il lui soit imposé par la violence, par déterminisme, par aliénation ou qu’elle le porte par militantisme ou pour témoigner sa haine de l’occident. Sa signification est univoque et envoie un seul message à l’extérieur : la femme est impure, son corps est une provocation et en aucun cas elle ne saurait être l’égale d’un homme.

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Le hijab dit le refus de l’égalité entre les êtres humains à raison du sexe. Ce sexisme n’est pas plus respectable que le racisme qui, lui, refuse l’égalité à raison de la couleur de la peau. Derrière cette violence faite aux femmes, c’est le refus d’accorder aux êtres humains la même dignité humaine qui est en cause. Le voile islamique est une discrimination équivalente au racisme, il est à la fois cynique et habile de tenter d’amener les femmes occidentales à le défendre au nom de valeurs qu’il piétine pourtant allégrement.

En France, parmi les premières à s’être fait piéger, des étudiantes de Sciences Po Paris ont été à l’initiative d’une journée internationale du hijab en 2016. Initiative qui causa un retentissant scandale. L’absence de courage de la direction de Sciences-po fut notable. Le sexisme décomplexé à raison de la religion a été jugé comme parfaitement acceptable au sein de l’école censée former une partie de notre élite.

Un jour fâcheux

Une élite dont on ne peut que relever l’inculture crasse. La date de la journée internationale du hijab, le 1er février, est une référence importante pour les frères musulmans, celle de l’instauration de la première théocratie. En effet cette date marque le retour de l’ayatollah Khomeini en Iran et a été érigée en Jour de la révolution islamique. C’est une date on ne peut plus symbolique et qui ne doit rien au hasard. Les acteurs de la Révolution iranienne et les frères musulmans ont en effet beaucoup de points communs. Ils partagent la même idéologie, et ont des liens historiques et politiques forts. Ces liens se sont noués bien avant 1979 et l’avènement de la révolution islamique. Navvab Safavi, fondateur du premier groupe terroriste islamiste en Iran, le Fada’iyan-e-Islam, a œuvré à rapprocher et à lier les islamistes chiites et les frères musulmans dès la fin des années 40. Il va même finir par fusionner son mouvement avec celui de son grand ami Sayyid Qutb, leader des frères musulmans en Egypte. C’est ainsi que les idées des frères musulmans se retrouveront au fondement de la République islamique d’Iran.

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L’hypocrisie de cette journée internationale du hijab prend ici toute sa dimension : si le hijab est obligatoire dans un régime théocratique islamiste comme le régime iranien, c’est parce qu’il est un instrument d’avilissement et de rabaissement de la femme. Les violences que subissent les femmes iraniennes pour vouloir simplement la liberté et l’égalité sont là pour nous le rappeler. Et pendant qu’elles meurent, subissent viols et violences sous le joug des islamistes iraniens, d’autres islamistes en Europe proposent aux femmes de tester le port du voile, discours lacrymal, victimaire et culpabilisant à l’appui. Et le pire c’est que cela marche : cette journée de valorisation de l’humiliation des femmes a fait l’objet d’une reconnaissance par l’État de New-York en 2017, la Chambre des communes du Royaume-Uni l’a mise à l’honneur la même année tandis que la chambre des représentants des Philippines l’a institutionnalisée en 2021 !

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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