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En grève de l’hétérosexualité depuis deux mois

Lassée, j'étais


En grève de l’hétérosexualité depuis deux mois
Olympe de G sur France Culture © capture d'écran vidéo YouTube France Culture

Du cul, oui, mais du cul éthique et inclusif. Sinon, c’est la grève, prévient Olympe de G.


Afin de mettre en valeur ses connaissances historico-féministes (sur Olympe de Gouges, sortie récemment de la naphtaline historiographique) et anatomico-sexuelles (sur le point G, que des explorateurs continuent de chercher), une jeune réalisatrice de “porno féministe” se faisant appeler Olympe de G. réalise des fictions sonores érotiques censées proposer une sexualité « alternative et inclusive ». Il y a quelques semaines, France Culture, qui avait un trou à remplir dans sa grille de programmes, faisait la promotion de Voxxx, ce podcast « dédié à tous les plaisirs ». « À l’origine de Voxxx, dit l’animatrice des gaudrioles érotico-inclusives, il y avait l’idée de sortir la masturbation féminine du ghetto de la honte. » Personne n’était vraiment au courant de l’existence de ce ghetto, sauf Olympe de G. qui a décidé de « rentrer par l’angle du bien-être […] avec la dimension de se reconnecter à son sexe » pour en sortir. On branle du chef en attendant mieux, mais « le côté didactique entre érotisme et méditation » refroidit les premières ardeurs. 

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Greffe de sexe

Le podcast invite « au plaisir les clitos audiophiles » mais promet de mettre également en avant les sexualités “invisibilisées” des handicapés (les manchots, les sourdingues, etc.), des neuroatypiques (les dyslexiques, certaines suédoises, etc.), des gens en surpoids (les gros, les énormes, etc.), et même des hommes avec des troubles de l’érection (les demi-mous, mon beau-frère, etc.). Olympe a créé des fictions sonores qui visent large, avec guide pour se masturber et tout le toutim : « On invite les gens à se faire leur propre film mental et ça, c’est génial parce que c’est la chose la plus inclusive possible, on peut vraiment fantasmer exactement ce qu’on veut. » Ça méritait bien un guide, non ?

Sexe dérangé

Attention, pour réaliser ces nouveaux « scénarios coquins » inclusifs, il est nécessaire de dégenrer le sexe. Par conséquent, en plus de simuler les masturbations avec les mains et de masser avec le souffle de la voix, ou l’inverse, « on réduit au maximum la description physique […]on pratique une écriture non-genrée. Par exemple, pour les parties du corps, on va parler de poitrine, ça marche pour tous les genres. » La syntaxe devenant aussi branlante que le reste, Olympe conclut : « Il y a vraiment cet exercice d’écrire pour un public le plus large possible. »

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Mais Olympe, toute coquine soit-elle, souffre. Les hommes avec lesquels elle a couchés ne cherchent qu’à s’approprier son corps, écrit-elle sur son blog. C’est moche. Elle qui défend l’idée que « même le plus intime de l’intime est politique » ne comprend pas que ses amants la quittent brutalement. Elle cherche encore la perle rare. Pour le moment, les nombreux hommes qui ont partagé son lit n’ont pas été à la hauteur de ses attentes : ils ne comprennent rien au féminisme, rien à la charge mentale, rien à la charge sexuelle, rien à la culture du viol. Ils sont cons comme la lune : ils ne lisent pas les livres qui leur permettraient de « désapprendre les biais et les stéréotypes sexistes. » Finalement, le 12 mars 2021, fatiguée de « compenser par [son] travail personnel de lecture, d’écoute de podcasts sur la communication non violente, etc., le manque d’éducation des hommes sur la reconnaissance et l’expression de leurs émotions », Olympe a pris une décision radicale, politique et martinezienne : elle commence une grève. La grève de l’hétérosexualité. 

Elle se piquait de grève

La grève de l’hétérosexualité, ça marche comment ? Je préviens : c’est très pointu et pas à la portée de tout le monde. D’abord, il faut cesser « tout effort de séduction hétérosexuelle » mais « continuer à [se] projeter dans le schéma d’un couple hétérosexuel qui ne serait pas hétéronormé. » J’avais prévenu. Ensuite, la potentielle gréviste doit renoncer à porter les lourdes charges sexuelles de la séduction, de la contraception, de la créativité érotique. Elle abandonnera par conséquent les « achats de culottes à 60 euros » et cessera de s’épiler. Elle devra également arrêter de tomber dans « des schémas de dépendance affective toxique » et de « porter la charge émotionnelle du couple. » Bref, elle repoussera vigoureusement les « projections de vie amoureuse au schéma si contraignant et si daté du couple hétéronormé. »

Seule sur la grève

Le 7 mai dernier, Le Figaro consacre un article à Olympe de G. et tente de démêler les enjeux de cette “grève de l’hétéronormativité” qui en est alors à son 53ème jour. Sur son blog, à J 58, la gréviste confirme continuer sa « grève de l’hétérosexualité comme construction sociale et régime politique. » C’est beau comme du Despentes. Elle aimerait que les hommes respectent un jour son « éthique amoureuse » : il faut apprendre à écouter l’autre « même quand les informations qu’il nous donne sur lui/elle dérangent et cherchent à rebondir sur la surface de notre cerveau . » Il faut « cultiver une transparence radicale sur ce qui nous traverse (à moins qu’il existe un accord à deux sur ce que l’autre personne ne souhaite pas savoir de nous). » Il faut bannir tout rapport de pouvoir et se rappeler que « nos émotions nous appartiennent toujours. »

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Il faut connaître ses peurs et « comprendre leur aspect limitant. » Il faut sortir de « la binarité du “ensemble ou pas ensemble” », parce que « si on s’aime un jour, on peut s’aimer toujours, il suffit de faire bouger les paramètres. » Pour le pékin moyen, les hauteurs éthiques d’Olympe sont inatteignables. Heureusement pour elle, de nouvelles théories ardemment défendues dans les universités et certains milieux artistiques laissent espérer une prochaine et fructueuse rencontre avec un homme ou autre chose prêt à signer des deux mains sa charte amoureuse, inclusive, éthique et responsable. 

Grève au finish

Si, par malheur, cette ultime possibilité venait à échouer, Olympe de G. continuera sa grève. Elle ne sait pas quand elle finira. Elle ignore où cela la mènera. Elle imagine prendre de nouveaux chemins : « lesbianisme politique, hétéroanarchisme, célibat, polyamour. » Résolue, elle tremble devant les combats à venir et les décisions à prendre. Philosophe, elle acceptera stoïquement les conséquences de sa rigoureuse détermination. Elle est heureuse car elle sait que, quoi qu’il arrive, « ça va être chouette. »

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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